Marie-Octobre (1958) de Julien Duvivier.

par Selenie  -  16 Janvier 2018, 09:45  -  #Critiques de films

Adapté du roman (1948) éponyme de Jacques Robert (journaliste étant connu comme le seul à être descendu dans la bunker de Hitler en mai 45 et qui défendra la thèse du dictateur en fuite dans son ouvrage "L'Evasion d'Adolf Hitler" en 1989), ce dernier participant au scénario avec Julien Duvivier, grand réalisateur qui tourne ce film entre "Pot-Bouille" (1957) et "La Femme et le Pantin" (1959). Le rôle titre est tenu par la star Danielle Darrieux qui venait justement de jouer dans "Pot-Bouille", la star et le réalisateur se retrouveront d'ailleurs une troisième fois dans "Le Diable et les 10 Commandements" (1962) avec aussi Noël Roquevert, ce dernier jouait déjà dans le chef d'oeuvre "La Bandera" (1935) de Duvivier.

Le casting est prestigieux, et outre Darrieux et Roquevert on a une jolie collection "audiardesque" avec Lino Ventura, Bernard Blier, Serge Reggiani, Paul Meurisse, Robert Dalban, Paul Frankeur ainsi que les moins connus Paul Guers, Daniel Ivernel et la gouaille de Jeanne Fusier-Gir. Casting "Audiardesque" mais sur ce film ce n'est pas Michel Audiard qui signe les dialogues mais l'autre génie de son époque, Henri Jeanson... On se retrouve donc invité à suivre un dîner où, 15 ans après, Marie Octobre réunit 10 anciens compagnons de la Résistance avant de comprendre qu'il ne s'agit nullement d'une soirée anodine mais bel et bien de retrouver le traître qui dénonça le réseau et qui, par le même coup, fit tuer le chef Castille... Le film respecte les trois unité de temps, de lieu et d'action dans un huis clos unique d'un grand salon bourgeois qui fut jadis leur repère. On pense à "La Corde" (1948) de Alfred Hitchcock mais surtout au chef d'oeuvre "12 Hommes en Colère" (1957) de Sydney Lumet ou comment un groupe se pose une problématique et qui se doit de trouver la réponse en un temps (plus ou moins) imparti. Le prologue nous plonge dans un repas qui fleure bon la nostalgie avant que soudain, les maîtres de maison n'avouent le pourquoi d'un tel dîner qui n'a finalement rien de bien amical. S'en suit un jeu du chat et de la souris ou presque tous sont soupçonnés chacun leur tour. Révélations et fausses pistes, rebondissements et, surtout, on apprend à connaitre ses hommes (dont le chef mort depuis 15 ans !) qui sont en fait bien plus ambigus et complexes que pourrait occulter leur passé héroïque.

Outre ce Cluedo sous tension le film pose un autre questionnement, et pas des moindres, puisqu'il s'agit de définir la justice à cette soirée où le groupe se fait juge, témoin, avocat et partie civile. 15 ans après, que faire du traître une fois trouvé ?! Les acteurs sont tous impeccables, mais on peut noter la présence de plusieurs catcheurs de l'époque dans leurs propres rôles à la télévision dont le combat violent et théâtral résonne étonnamment avec le règlement de compte vengeur qui se trame au salon. Sans doute parfois un peu trop théâtral, mais Duvivier signe pourtant une mise en scène qui se permet quelques fulgurances souvent à point nommé sur un tournant du récit. Il manque sans doute un suspense plus ténu également, mais si ce n'est pas un chef d'oeuvre ça reste un grand film dont il faut savourer les échanges et, mine de rien, ce portrait d'une génération à cheval sur deux époques.

 

Note :            

17/20

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