La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil (2015) de Joann Sfar
Après l'excellent "Gainsbourg vie héroïque" (2010) et le film d'animation "Le Chat du Rabbin" (2011) Joann Sfar revient avec un troisième long métrage aussi original que les autres en adaptant le roman éponyme (1966) de Sébastien Japrisot. Déjà porté sur grand écran par Anatole Litvak en 1970, Joann Sfar affirme surtout s'être inspiré du film "Le Passager de la pluie" (1969) de René Clément... En effet, on retrouve la femme agressée, une rousse par ailleurs (blonde dans le roman) et ce même danger qui guette lorsqu'elle veut en savoir plus et en prime ce film fut scénarisé par Japrisot lui-même !... L'auteur a aussi signé d'autres grands romans adaptés au cinéma avec "Compartiments tueurs", "L'été meurtrier" et "Un long dimanche de fiançaille", autant dire que le matériau d'origine est gage de qualité.
On suit donc une jeune femme, secrétaire, qui rend service à son patron avant de vouloir profiter de sa voiture pour aller voir la mer qu'elle n'a encore jamais vue. Le fait de changer de programme ne va pas être sans conséquence. L'histoire se déroule dans les sixties et Joann Sfar en profite pour esthétiser au maximum l'époque appuyant sur les couleurs chaudes et un certain psychédelisme. Usant de techniques type split-screen (multi-écran) et flash-forward (opposé du flash-back), le réalisateur impose un climax particulier et original pour un road-movie thriller qui emprunte au conte genre petit chaperon rouge. Malheureusement le suspense ne tient pas la route, on devine le grand méchant loup dès le premier virage de la Dame dans l'auto... Dommage car le film est assez envoûtant pour ne pas dire fascinant. L'interprète principale, la méconnue Freya Mavor (remarquée dans la série "Skins"), n'y est pas pour rien. Elle est une rousse sensuelle idéale, faussement ingénue elle apporte toute l'ambiguité au film qui manque finalement au récit lui-même. Sfar a cité Coppola ainsi : "adapter un roman ce n'est pas copier la structure, mais retrouver la langue du livre". Ce qui permet à Sfar de déstructurer le récit, choix judicieux sans aucun doute. Joann Sfar signe là un thriller inattendu dans sa forme, qui ne manque pas de poésie et de sensualité sans jamais tomber dans la vulgarité. Il est dommage que le suspense soit si factice et donc beaucoup trop prévisible.
Note :