Danton (1982) de Andrzej Wajda
Après son film "L'Homme de Fer" (1981) sur le leader de Solidarnosc Lech Walesa, le réalisateur polonais s'exile un temps en France où il accepte une commande de l'État français dont le nouveau gouvernement socialiste souhaitait célèbrer la Révolution Française. Malheureusement pour le gouvernement français le cinéaste Andrzej Wajda va utiliser cette production pour ses propres desseins politiques ! En effet, si "Danton" est vendu comme un biopic il est avant tout pour Wajda un superbe moyen de dénoncer la situation politique en Pologne d'alors par un parallèle intelligent mais peu subtil. "Danton" est donc un hors sujet à la fois judicieux et maladroit, tout dépend de quel point de vue on se place.
D'abord la rivalité Danton-Robespierre est menée comme le parallèle de la rivalité Walesa-Jaruzelski, le premier étant leader du mouvement Solidarnosc et le second étant général homme d'état fort de la Pologne de 1982. Walesa gagnant en popularité devient une menace pour Jaruzelski et le cinéaste va faire de même avec son film : Danton devenant une ombre dangereuse sur l'aura de Robespierre. Historiquement donc le film déraille fortement en créant un point de vue très manichéen alors que de Danton ou Robespierre aucun des deux n'est à différencier sur leur effet nocif avant ou pendant la Terreur ! Afin d'appuyer son idée, Wajda insiste sur plusieurs séquences qui font écho à la Pologne de 1982 avec pêle-mêle le rationnement du pain, les parisiens qui se taisent soudainement quand arrive un membre de la section du Parti, le procès de Danton arbitraire et truqué, les médias muselés... etc... Ce parti pris impose à Wajda de jouer à fond la carte de l'oppression en poussant à l'extrême un Paris sale où la mort rôde, ce qui donne un film terriblement austère et froid. Même dans les "orgies" notre Gégé national (impeccable incarnation de la bonhommie gargantuesque) ne peut y ajouter un temps soit peu d'une démesure humaine où certaines facettes du personnage sont arasées voire omises comme la chair et la luxure.
Les faits sont donc détournés pour les visées politiques de Wajda (et de Walesa par répercussion). De ce point de vue le film est une réussite de propagande assez éblouissante ! Surtout avec plusieurs nominations aux Césars à suivre !... Mais au final les amateurs et fans d'Histoire peuvent s'en mordre les doigts car "Danton" n'est pas un Biopic digne de son personnage principal. Si le film reste un parallèle qui peut se lire dans les deux sens, il est historiquement trop inexact. Nullement romanesque, sans respect pour la Révolution Française, le film reste et doit se voir sans perdre de vue qu'il s'agit au final d'un film de propagande pro-Solidarnosc à la vision unilatérale. Si en Pologne c'est sans doute très défendable pour cette période de la Terreur, en France ça l'est beaucoup moins. Gérard Depardieu offre des performances viscérales et habitées dans une reconstitution funeste mais idéale. La meilleure partie reste la dernière où on voit Robespierre torturé moralement et qui renvoie à la prophétie de Danton lors d'une de leur entrevue où ce dernier avertissait que le premier qui tombe entrainera l'autre et donc, vers la fin de la Révolution ; pour précision Danton est guillotiné le 5 avril 1794, Robespierre suivra le 28 juillet 1794...
Note :