Fleur de Tonnerre (2017) de Stephanie Pillonca-Kervern
Premier long métrage pour Stephanie Pillonca qui n'est autre que l'épouse de l'acteur-réalisateur-scénariste Gustave Kervern et ex-trublion du Groland de Canal+, ceci devant aider à cela... Le projet est venu après le fort intérêt de la réalisatrice pour la biographie romancée "Fleur de Tonnerre" (2013) de Jean Teulé sur le destin de l'une des plus grandes tueuses en séries de l'Histoire qui s'avère être Hélène Jegado (1803-1852) un empoisonneuse bretonne. Le couple Kervern est de surcroît un amoureux de la Bretagne, la région et la personnalité particulièrement mystérieuse de la tueuse suffit à comprendre tout l'intérêt que peut représenter un tel film. Stephanie Pillonca réalise et co-écrit le film avec Gustave Kervern qui apparait également dans un petit rôle de curé de campagne. En prime Kervern a fait appel à son complice Hugues Poulain, directeur Photo sur ses films co-réalisés avec Benoit Délépine comme "Mammuth" (2011) Benoit Délépine, "Le Grand Soir" (2012) et "Saint-Amour" (2016). Précisons que malgré le drame tragique de cette histoire on note au générique les présences du producteur Dany Boon (qui semble-t-il a sauvé le financement du film) et du compositeur Mathieu Gonet pour son premier drame après plusieurs comédies oubliables comme "Les Profs" (2013) de Pierre-François Martin-Laval et "Le Fantôme de Canterville" (2016) de Yann Samuel...
Si le scénario est parti du livre de Jean Teulé, le couple Kervern s'est aussi beaucoup documenté notamment en ayant accès aux procès-verbaux du procès. Niveau historique le film est assurément précis et parfaitement inspiré avec un soin tout particulier apporté aux décors (sublimissime Bretagne !) et costumes (magnifiques), avec en bonus un réel apport culturel avec les us et coutumes bretonnes du 19ème notamment avec l'importance des mythes et de l'Eglise. Il est d'autant plus dommage que le récit omet complètement les épidémies de choléra de l'époque, puisque les symptômes proches d'un empoisonnement à l'arsenic expliquerait pourquoi Hélène Jegado a pu sévir aussi longtemps. Hélène Jegado est incarnée par Deborah François, investie et habitée par la personnalité de l'empoisonneuse, offre une performance à la fois terrible et émouvante. On ne doit pas oublier la jeune Blanche François (petite sœur de...) qui incarne Hélène Jegado enfant et qui est tout aussi impressionnante.
On reconnaitra plusieurs grands noms, d'abord en premier lieu un aristocrate joué par Benjamin Biolay (médiocre comme d'habitude, trop appliqué pas assez dans le lâcher prise), le juge joué par Jonathan Zaccaï et dans des seconds rôles plus ou moins marquants Gustave Kervern, Feodor Atkine et le Miossec (le chanteur fait ici un curé de campagne) sans oublier la terrifiante maman Jegado interprétée par une excellente Catherine Mouchet. Le scénario montre et démontre un processus vers la folie qui démarre tôt dans la jeunesse par une mère qui connaît les plantes et qui devient une mégère aigrie tant elle a peur elle-même de l'Ankou (la faucheuse !). Etant donné que jamais on n'a pu trouver un mobile fiable qui tienne la route, que le nombre de ses victimes est impossible a quantifier, les scénaristes ont pu combler les vides et toujours dans une cohérence salutaire tout en insistant sur le côté "sataniste" de l'empoisonneuse. Dans la forme on est très proche de Claude Chabrol et on pense aussi beaucoup à l'excellent "Le juge et l'assassin" (1976) de Bertrand Tavernier, la dimension mystique et de foi pervertie en prime. Stephanie Pillonca signe un premier film ambitieux et maitrisé, intelligemment construit et prenant, avec une très belle photographie et un onirisme certes sombre mais bien présent. A voir et à conseiller !
Note :