Happy End (2017) de Michael Haneke

par Selenie  -  9 Juillet 2024, 08:56  -  #Critiques de films

5 ans après le triomphe du film "Amour" (2012) et ses prix multiples (dont Oscar, César et Palme d'Or !), le réalisateur Michael Haneke revient avec un drame familial froid et toujours aussi clinique dans sa description du microcosme social. Après le couple âgé dans l'attente d'une mort attendue, il nous immerge au sein d'une famille bourgeoise du Nord de la France. Il retrouve pour ce projet une grande partie de son équipe habituelle, des acteurs français avec lesquels il a déjà tourné, la France évidemment, et délaisse la violence dans ses aspects les plus malsains pour rester assez nettement dans la lignée de "Amour" (2012) mais dans une sorte de film choral/ familial... Figures de la grande bourgeoisie du Nord de la France, les Laurent cohabitent dans un opulent hôtel particulier. Le patriarche particulièrement âgé et usé désire en finir. Sa fille aînée est à la tête de l'entreprise familiale, se débat entre un grave accident sur un chantier et son fils adepte des esclandres en public. Thomas, frère de Anne, chirurgien et jeune papa, trompe son épouse qui a fait une overdose médicamenteuse, et doit gérer son adolescente accro aux écrans et aux médicaments... 

Le patriarche est incarné par Jean-Louis Trintignant dans son avant-dernier film précédant "Les Plus Belles Années d'une Vie" (2019) de Claude Lelouch, et qui retrouve Haneke indirectement en étant le narrateur en V.F. pour le chef d'oeuvre "Le Ruban Blanc" (2009), puis plus directement après "Amour" (2012) ainsi que sa partenaire qui joue ainsi sa fille pour une seconde fois Isabelle Huppert qui était aussi dans "La Pianiste" (2001) et "Le Temps du Loup" (2003) de Haneke. Les autres membres de la famille sont joués par Mathieu Kassovitz aperçu la même année avec un caméo dans "Valerian et la Cité des Mille Planètes" (2017) de Luc Besson, Fantine Harduin révélée toute jeune dans "Les Nouvelles Aventures d'Aladin" (2015) de Arthur Benzaquen et "Le Voyage de Fanny" (2016) de Lola Doillon, Franz Rogowski remarqué dans "Victoria" (2015) de Sebastian Schipper vu ensuite dans "Une Vie Cachée" (2019) de Terrence Malick ou "Freaks Out" (2020) de Gabriele Mainetti, Laura Verlinden remarquée dans "Le Tout Nouveau Testament" (2015) de Jaco Van Dormael et vue dernièrement dans le très beau et dur "Un Monde" (2022) de Laura Wandel. Citons ensuite Nabiha Akkari aperçue dans "Nous York" (2012) de Géraldine Nakache et Hervé Mimran ou "Barbecue" (2014) de Eric Lavaine et retrouve après "La Folle Histoire de Max et Léon" (2016) de Jonathan Barré son partenaire Dominique Besnehard qui retrouve de son côté Mathieu Kassovitz après "Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre" (2002) de Alain Chabat et retrouvera  Isabelle Huppert dans "Mon Crime" (2023) de François Ozon. Citons enfin Nathalie Richard qui retrouve Haneke après "Code Inconnu" (2000) et "Caché" (2005), puis enfin n'oublions pas l'acteur britannique Toby Jones qui retrouve la France entre "Jeanne d'Arc" (1999) de Luc Besson et "Normandie Nue" (2018) de Philippe Le Guay... Ceux qui connaissent le cinéma de Haneke ne seront pas surpris. Il s'agit toujours d'un style sans concession, à la mise en scène très méticuleuse et clinique avec un fond philo-psychologique pour ne pas dire ethnologique avec ses thèmes de prédilection que sont la mort et le deuil, l'enfance oppressée (à l'insu du plein gré ou non !), le poids des convenances... Le film débute en vidéo smartphone sur une scène dont on se fout royalement, sentiment confirmé par la suite des événements. Haneke cherche une fois de plus, et c'est tout à son honneur, d'innover plus ou moins dans sa mise en scène mais cette fois on ne saisit pas forcément le lien entre forme et fond. En effet, il insiste longuement sur certaines séquences alors qu'il n'y a guère d'intérêt comme les gros plans sur un écran d'ordinateur où s'écrivent des messages érotiques. Pourquoi ?! Il suffit de quelques secondes pour comprendre le contenu alors pourquoi nous y laisser le temps d'y lire plusieurs paragraphes ?!

De longs plans sur des visages et des regards qui en disent parfois long, on comprend, ici ce n'est que de l'inutile. Cette fois Haneke se perd lui-même comme s'il s'auto-caricaturait à l'extrême. Sa critique acerbe de la bourgeoisie mortifère fait son effet, dans une mise en scène qui l'est tout autant : on suit une famille inintéressante au possible, sans vie, sans envie, digne effectivement d'un besoin de suicide ! Dommage, car les acteurs sont impeccables, surtout Trintignant (qui a déclaré que Haneke était le plus grand réalisateur avec qui il ait tourné, quand on connait la filmographie de l'acteur ça laisse pantois !) et la petite Fantine Harduin. Quelques séquences valent pourtant le détour (dont un repas et la dernière scène) mais ça reste insignifiant quand Haneke râte ainsi sa cible. Chose rare pour le préciser, ce film est à coup sûr son plus mauvais depuis très longtemps ! Cette famille est trop vide de substance pour qu'on s'y intéresse, qu'on s'y attarde un temps soit peu. Les "soucis" de chacun restant trop en retrait pour interférer avec les autres protagonistes. Malheureusement, cette fois le cinéaste allemand ne parvient pas à raconter quelque chose, sans âme et sans émotion, finalement son film est raccord avec cette famille.

 

Note :             

09/20

 

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