Numéro Une (2017) de Tonie Marshall
Après la comédie romantique "Tu veux ou tu ne veux pas" (2014), la réalisatrice-scénariste-productrice Tonie Marshall change de registre et signe un thriller politico-financier sur les coulisses du CAC 40 où une femme tente d'en être un des pontes en se construisant un réseau... La cinéaste co-écrit le film avec Marion Doussot à laquelle on doit les scénarios de "Just Like a Woman" (2013) de Rachid Bouchareb et "La Marcheuse" (2016) de Naël Marandin. Les deux femmes ont reçu l'aide de Raphaëlle Bacqué, grande reporter au Monde afin de veiller à la crédibilité de l'histoire, ce qui leur a permis également de rencontrer de grandes patronnes dont Laurence Parisot...
Tonie Marshall a eu l'idée d'abord sous forme de série TV il y a quelques années, "sur la difficulté pour les femmes d'accéder à des postes importants" mais le projet n'aboutissait pas. Elle explique ainsi : "Je continuais à penser à ce sujet et je me suis dit qu'il y avait là matière à un film si je réduisais le nombre des personnages et me concentrais sur un seul lieu de pouvoir. A l'abstraction de la politique, qui repose sur des compromis et des tractations, j'ai préféré le concret de l'industrie."... C'est ainsi qu'on suit Emmanuelle Blachey qui tente d'obtenir la direction d'une entreprise du CAC 40 grâce au soutien d'un réseau de femmes influentes et malgré la misogynie ambiante dans le milieu. Le rôle principal est dévolue à Emmanuelle Devos qui retrouve ainsi sa réalisatrice du téléfilm "Tontaine et Tonton" (2000). A ses côtés on trouve les actrices Suzanne Clément toujours omniprésente sur nos écrans en ce moment, à l'écran également avec "Espèces Menacées" de Gilles Bourdos et "Le Sens de la Fête" duo Toledano-Nakache, Anne Azoulay qui était déjà dans un film sur le pouvoir avec "L'Exercice de l'Etat" (2011) de Pierre Schoeller, ainsi que les hommes joués par Richard Berry, Sami Frey, Benjamin Biolay et le britannique John Lynch, francophile avec des films comme "Möbius" (2013) de Eric Rochant et "En Amont du Fleuve" (2017) de Marion Hânsel... Tonie Marshall avoue s'être inspirée du film "Margin Call" (2012) de J.C. Chandor, film que la réalisatrice a demandé à son chef opérateur de regarder avant le tournage. Si "Margin Call" est une bonne source car c'est un excellent film, on ne voit pas bien l'effet sur le film "Numéro Une" si ce n'est les ingrédients habituels du genre comme les décors tels que bureaux, tours d'affaires... etc... Car niveau décors rien de bien nouveau ni de bien intéressant. Ce qui nous intéresse ce sont les coulisses et le scénario dresse une ascension assez classique qui prend une tournure particulièrement réussie à partir du moment où le réseau féministe entre en scène.
Malheureusement Tonie Marshall signe un récit banalisé et balisé dans lequel le fait que l'héroïne soit une femme reste finalement peu décisif. En effet, le film insiste très lourdement sur le fait qu'il faut un réseau d'influence propre or tout d'un coup ce n'est pas d'être une femme qui empêche la nomination mais bien le fait qu'Emmanuelle Blachey soit hors des hautes sphères, que son bras ne soit pas assez long. La dimension féministe s'atténue donc logiquement et repose uniquement sur quelques saillies sexistes. Rappelons que, quand il s'agit de pouvoir, les hommes ne se font pas plus de cadeaux ! Mais malgré tout le film a un atout de belle teneur: les dialogues. Les répliques et joutes verbales fusent, sont particulièrement bien lancées et sont rarement sans effet, pour le spectateur comme pour les protagonistes du film. Enfin on salue les performances des acteurs et actrices, Emmanuelle Devos évidemment, mais surtout Suzanne Clément en leader qui cache ses fêlures, Anne Azoulay en working girl, mais aussi les hommes avec Richard Berry en tueur en col blanc et Benjamin Biolay, plus sobre et subtil qu'à l'accoutumé. Ca reste un bon film, qui à contrario de son héroïne, est un film divertissant à défaut d'être ambitieux, intéressant à défaut d'être audacieux.
Note :