Wonder Wheel (2018) de Woody Allen.
Après "Cafe Society" (2016) Woody Allen revient avec un 47ème film un peu moins léger où il mêle tragédie et Film Noir au sein de Coney Island. On pense alors au jeune Alvy Singer qui a grandi à proximité dans "Annie Hall" (1979)... Comme à son habitude le cinéaste a concocté un casting aux petits oignons avec quatre rôles principaux et deux invités spéciaux. D'abord le couple joué par James Belushi et Kate Winslet, ensuite la fille recherchée par son mari truand jouée par l'adorable Juno Temple (qu'on n'avait pas vue sur grand écran depuis "Loin de la foule déchaînée" en 2015 de Thomas Vinterberg) et l'amant interprété par Justin Timberlake (qu'on n'avait pas vu depuis "Inside Llewyn Davis" en 2013 des frères Coen). En prime deux mafieux joués comme si de rien n'était par le duo Tony Sirico et Steve Schirripa sortis tout droit de la série TV "Les Soprano"...
Dès les premières minutes, ce qui frappe c'est l'inspiration au niveau de la lumière et des couleurs qu'on doit au Chef Opérateur Vittorio Storaro, immense artiste qui a œuvré sur des chefs d’œuvres comme "Apocalypse Now" (1979) de F.F. Coppola et "Le Dernier Empereur" (1987) de Bernardo Bertolucci. Il retrouve là Woody Allen après "Cafe Society" pour créer un univers au style rétro assumé mais pas que, comme l'explique le technicien : "il existe une physiologie de la couleur : un ton très chaud peut augmenter la métabolisation de l'organisme ou la tension artérielle, et à l'inverse, un ton très froid peut les diminuer. J'ai donc associé tous les tons chauds (jaune,orange, rouge) à Ginny et j'ai identifié Carolina à une gamme de bleu clair. Ces deux palettes sont comme deux personnages et Mickey est pris en étau entre elles, il reflète la palette du personnage dont il est le plus proche à tel ou tel moment."... Malgré la beauté et le charme de l'ensemble, on constate parfois un petit abus mal contrôlé de la lumière blanche.
En résumé le feu pour Ginny, actrice râtée devenue serveuse et tombant amoureuse comme une ado, l'eau pour l'innocence et la jeunesse de Carolina. On suit donc ce pan de vie à Coney Island où le quotidien routinier et ennuyeux d'un couple se retrouve perturbé par trois paramètres dont le chevauchement dans le temps est fatidique. Un fils écolier pyromane, une fille divorcée d'un mafieux qui la recherche et un amant bientôt partagé entre la mère et la belle-fille... Woody Allen signe une variation théâtrale mixant Film Noir et tragédie dans un écrin esthétique qui place ainsi le film dans une équation entre Douglas Sirk et Tennesse Williams. Si ce n'est pas le meilleur Allen, le cinéaste offre néanmoins un joli drame sans dialogues psycho-thérapeutiques mais avec un drame amoureux, humain et policier parfaitement maitrisé avec quatre acteurs magnifiques en prime.
Note :