Le Corniaud (1964) de Gérard Oury
Après deux premiers films qui sont des échecs le cinéaste Gérard Oury connait enfin un succès avec le film à sketchs "Le Crime ne paie pas" (1962), sur lequel un certain Louis De Funès déclare à son réalisateur : "Quant à toi, tu es un auteur comique, et tu ne parviendras à t'exprimer que lorsque tu auras admis cette vérité-là." Le temps faisant son effet, Oury réunit une équipe de deux dialoguistes André Tabet et Georges Tabet, un co-scénariste Marcel Jullian, pour un quatrième film qui va être sa première vraie comédie et son premier long métrage en couleur. Car Oury voit également plus grand pour cette histoire qui est inspiré de l'affaire Jacques Angelvin en 1962 ; affaire qui défraya la chronique puisque Jacques Angelvin était une vedette de la télévision française et qu'il fut arrêté pour trafique de drogue à bord de sa buick, pour avoir fait passer de l'héroïne à New-York lors de la French Connection (Tout savoir ICI !)... Pour le casting il réunit deux stars, Bourvil qui venait de faire un duo avec Fernandel dans "La Cuisine au Beurre" (1963) de Gilles Grangier, puis Louis De Funès qui quittait le vedettariat pour les sphères du box-office avec les cartons "Fantomas" (1964) de André Hunebelle et "Le Gendarme de Saint-Tropez" (1964) de Jean Girault. Précisons que les deux acteurs avaient déjà tourné ensemble sur les films "Poisson d'Avril" (1954) de Gilles Grangier et "La Traversée de paris" (1956) de Claude Autant-Lara.
A leurs côtés de nombreux seconds rôles bien connus comme Henri Genès, Guy Delorme, Jean Meyer, Jacques Ferrières mais également un certain Venantino Venantini remarqué dans "Les Tontons Flingueurs" (1963) de Georges Lautner et, surtout, le duo Grosso et Modo dans un clin d'oeil au succès "Le Gendarme de Saint-Tropez". On notera également les belles Beba Loncar et Alida Chelli qui permettent à Bourvil de jouer le joli coeur, ce qui est assez rare pour le notifier ! On suit donc l'aventure d'un commerçant qui, après un accident de voiture, se voit proposer par un millionnaire en cause d'effectuer ses vacances tous frais payer s'il accepte dans le même temps de conduire une cadillac de Naples à Bordeaux. Le riche homme d'affaire joué par De Funès, se sert ainsi du naïf commerçant joué par Bourvil pour faire voyager une cadillac entièrement truffée de drogues et de bijoux. Le film s'ouvre donc avec l'accident avec la 2CV de Bourvil et la Rolls Royce de De Funès, scène culte et mythique, hilarante où on a droit à la désormais célèbre séquence :
Saroyan/De Funès "Qu'est-ce qu'il y a ?"
Maréchal/Bourvil : "- Qu'es-ce qu'il y a, qu'est-ce qu'il y a ?!"
Saroyan/De Funès : "C'est pas grave, qu'est-ce qu'il y a ?"
Maréchal/Bourvil : "- Qu'es-ce qu'il y a, qu'est-ce qu'il y a ?!... Ah bah, maintenant elle va marcher beaucoup moins bien forcément !"
- Mais je vous en pris ne vous gênez pas, marchez dessus, ho la la"
Saroyan/De Funès : "C'est pas grave"
Maréchal/Bourvil : "c'est pas grave vous en avez de bonnes, vous, c'est pas grave ! Qu'est-ce que je vais devenir, moi ?!"
Saroyan/De Funès : "Eh bah, un piéton puis voilà !"
Une scène remarquable à tous points de vue, d'abord pas ses répliques mais également par la qualité technique pour une scène difficile et complexe avec un 2CV munies de boutons poussoirs et sciée en 250 morceaux reconstituées ensuite via des crochets !... Cette scène est en fait reprise d'une scène que Oury avait lui-même tourné quand il était acteur face à Bourvil dans le film "Miroir à deux faces" (1958) de André Cayatte. Ce début de film est un pur chef d'oeuvre, mais un début aussi sublime est également préjudiciable car on s'attend à évidemment aussi bien pour la suite. Ce qui, faut bien l'avouer n'est pas tout à fait le cas. Les joutes verbales sont rares, et la qualité des dialogues un cran en-dessous.
Pour la suite du périple les gags sont surtout dans l'action en général et les réactions en particulier. Sur un rythme soutenu le pauvre Maréchal passe des vacances de rêves, séduisant au passage quelques jolies femmes et profitant au maximum des paysages grandioses de l'Italie. Le récit est scindé en deux. La première Maréchal joue au touriste tandis qu'autour de lui de bataille deux gangs rivaux. La seconde après que Maréchal se rend compte qu'il a été le dindon de la farce. Le scénario offre de nombreux rebondissements de toutes sortes et de tous genres, offrant un humour diversifié et jamais redondant. De Funès reste encore assez sobre dans ses mimiques tandis que Bourvil n'est pas le naïf qu'on croit et surtout en profite pour asseoir un côté séducteur inattendu. L'osmose est telle entre les deux acteurs que Bourvil demandera à ce que de Funès soit inscrit en haut de l'affiche à ses côtés, reconnaissant De Funès rendra l'appareil à Coluche des années plus tard pour "L'Aile ou la Cuisse" (1976) de Claude Zidi. Une comédie à la française haut de gamme, quasi parfaite dans son écriture et qui deviendra la plus gros succès de l'année 1965 avec près de 12 millions d'entrées France. Un succès tel que l'équipe se réunira pour un autre succès historique avec "La Grande Vadrouille" (1966).
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 9 ans :