Celle que vous Croyez (2019) de Safy Nebbou

par Selenie  -  28 Février 2019, 08:54  -  #Critiques de films

Après quelques jolis films (à défaut d'être de grands films) Safy Nebbou signe donc son 5ème long métrage après "Le Cou de la Girafe" (2004), "L'Empreinte de l'Ange" (2008), "L'Autre Dumas" (2010), "Comme un Homme" *(2012) et "Dans les Forêts de Sibérie" (2016)... Pour adapter le roman éponyme (2016) de Camille Laurens le cinéaste a collaboré avec la scénariste Julie Peyr après avoir particulièrement apprécié son travail sur les films "Jimmy P." (2013), "Trois Souvenirs de ma Jeunesse" (2015) et "Les Fantômes d'Ismaël" (2017) tous trois de Arnaud Desplechin... On suit Claire, jolie femme de 50 ans, qui se réconforte dans les bras d'une jeune amant jusqu'au jour où, n'ayant plus de nouvelles, elle se fait passer pour une autre sur les réseaux sociaux. D'abord elle le fait pour espionner son jeune amant Ludo mais va petit à petit fondre pour Alex le co-locataire de Ludo... Safy Nebbou explique qu'il a eu envie de réaliser ce film après avoir lu la lettre d'information de l'éditeur Gallimard : "J'ai alors très vite émis le souhait de le lire, avant même qu'il ne soit publié. Et je l'ai dévoré d'une traite. Un véritable coup de coeur ! En le lisant, j'ai tout de suite pensé à "Rashomon" d'Akira Kurosawa, où chacun, tour à tour, raconte sa version. J'ai également pensé à "Vertigo" d'Alfred Hitchcock, où James Stewart est amoureux de l'image d'une femme fantôme. mais encore à Marivaux et ses Fausses confidences, à Choderlos de Laclos et ses Liaison dangereuses, à Borges, à Pirandello... Michel Saint-Jean, mon producteur, était aussi enthousiaste que moi. Nous avons donc décidé de développer l'écriture du scénario."...  Claire est incarnée par la toujours sublime Juliette Binoche qu'on a vu récemment dans "Doubles Vies" (2019) de Olivier Assayas, qui avait déjà abordé la vieillesse et l'amour d'une quinquagénaire dans "Un Beau Soleil Intérieur" (2017) de Claire Denis.

Elle retrouve par là même son partenaire Charles Berling après "L'Heure d'Eté" (2008) de Olivier Assayas, lui-même était déjà dans "Comme un Homme". Les deux "amants" de Claire sont interprétés par Guillaume Gouix vu récemment dans "Les Drapeaux de Papiers" (2019) de Nathan Ambrosioni, et François Civil à l'affiche également dans le magnifique et tendu "Le Chant du Loup" (2019) de Antonin Baudry et qui, quelques années plus tôt jouait le fils de Binoche dans "Elles" (2012) De Malogorzata Szumowska. La psycho-thérapeute est jouée par Nicole Garcia dont la denrière apparition était dans "La Fête des Mères" (2018) de Marie-Castille Mention-Schaar, puis enfin un petit rôle pas si anodin est joué par Marie-Ange Casta (soeur de Leatitia) aperçue dans "Ouvert la Nuit" (2017) de et avec Edouard Baer... Le scénario (et donc Safy Nebbou !) insiste d'emblée sur deux paramètres, le côté dangereux et nocif des réseaux sociaux d'abord, puis le parallèle avec l'oeuvre "Les Liaisons Dangereuses" de Choderlos de Laclos. C'est à la fois logique et convenu, malheureusement c'est exposé de façon trop primaire, voir naïf. En effet, dans ce film les réseaux sociaux ne sont montrés ni plus ni moins que d'un point de vue sites de rencontre et la référence à de Laclos n'est pas franchement très évident, ou de très loin (manipulation et domination). Mais le vrai soucis réside dans le personnage de la psycho-thérapeute qui s'avère superflu à tous points de vue. Elle n'a pas franchement d'influence sur l'intrigue, et à part offrir Nicole Garcia des plans interrogatifs elle fait juste tapisserie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La dimension psychologique repose donc essentiellement sur une thérapie qui reste bien superficielle alors qu'elle aurait avant due reposer sur l'intrigue elle-même et sur la détresse de Claire. Par contre le scénario est plutôt malin, un scénario pendant lequel on peut penser effectivement à Hitchcock (de loin !) et à Kurasawa (de très loin !). On apprécie beaucoup plus le travail de Safy Nebbou sur une mise en scène inspirée avec une multiplication insidieuse des écrans (avec un bonne pub pour Apple !), vitres, fenêtres, miroirs... etc... mais quoi qu'il en soit, l'atout majeur du film reste bel et bien son interprète principal, une Juliette Binoche qui assume son âge à la place de son personnage qui sombre émotionnellement. L'actrice touche littéralement du doigt la déchéance émotionnelle de Claire et nous frappe par son interprétation juste et déchirante. En conclusion Safy Nebbou signe un drame humainement aussi bouleversant que pathétique, mais qui pêche par par la thérapie psy trop présente pour si peu d'intérêt vis à vis du récit dans sa globalité. A voir.

 

 

Note :             

12/20

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