Appaloosa (2008) de Ed Harris
Des années après "Pollock" (2000), son premier film en tant que réalisateur, Ed Harris revient pour un second long métrage qu'il a souhaité porté à l'écran après avoir lu et adoré le roman éponyme (2005) de Robert B. Parker alors qu'il était en randonnée équestre. À noter que l'auteur signe avec ce livre le premier tome d'une série qui a désormais trois suites dont un "Brimstone" (2009) mais qui n'a rien à voir avec le sublime western "Brimstone" (2016) de Martin Koolhoven. Pour ce film, l'acteur-réalisateur-scénariste-producteur Ed Harris co-signe le scénario avec Robert Knott qui signe son premier script après avoir joué pour Harris dans "Pollock", mais aussi dans des westerns comme "Wild Bill" (1995) de Walter Hill, le téléfilm "Buffalo Soldiers" (1997) de Charles Haid et citons aussi "The Hi-Lo Country" (1998) de Stephen Frears. Mais dans les années 2005-2008 le western est un genre moribond malgré les succès de "Open Range" (2004) de et avec Kevin Costner et "L'Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford" (2007) de Andrew Dominik. Ed Harris précise : "Ca a été très dur. En fait, les gens semblaient réellement intéressés par le script, mais il est clair que si le budget avait été moitié moins que ce que l'on demandait (20 millions de dollars), on aurait eu beaucoup moins de soucis. Mais nous avions vraiment besoin d'un budget qui mette en valeur la production ; je ne voulais pas faire un film d'auteur intimiste. Je voulais faire un film qui respecte l'espace dans lequel il s'inscrit, le cadre dans lequel l'histoire prend place. Ca a donc été une bataille très dure à mener." Précisons que étonnamment, alors que le western est un genre quasi disparu, l'année 2008 demeure une année faste avec à l'affiche les films "3h10 pour Yuma" (2008) de James Mangold, "Seraphim Falls" (2008) de David Von Ancken et même l'excellent coréen "Le Bon la Brute et le Cinglé" (2008) de Jee-Woon Kim !... Dans la petite ville de Appaloosa, le rancher Randall Bragg impose sa loi jusqu'à assassiner trois shérifs. Les notables de la ville se décident à engager deux marshalls, Virgil Cole et Everett Hitch pour tenter de ramener la paix dans leur ville. Les deux acolytes, inséparables depuis une douzaine d'années, imposent à leur tour un règlement drastique dont l'interdiction des armes en ville. Alors que la ville semble retrouver le calme, une veuve arrive en ville et semble s'intéresser à Virgil tandis qu'un ex-employé de Bragg se présente pour témoigner contre le rancher...
Cole est donc incarné par Ed Harris lui-même qui retrouve son partenaire Viggo Mortensen après l'excellent "A History of Violence" (2005) de David Cronenberg, ce dernier était alors à son apogée après la trilogie "Le Seigneur des Anneaux" (2001-2003) de Peter Jackson. La veuve est incarnée par Renée Zellweger qui, après une apogée prometteuse avec le dyptique "Bridget Jones" (2001-2004) et "Chicago" (2002) de Rob Marshall, était déjà en perte de vitesse ce qui se confirmera malheureusement avec sa future traversée du désert (aucun film entre 2010 et 2016). Dans les rivaux on a Jeremy Irons star vu dans "Mission" (1986) de Roland Joffé, "Fatale" (1992) de Louis Malle ou encore "Kingdom of Heaven" (2005) de Ridley Scott, puis Lance Henriksen qui retrouve Ed Harris après "L'Etoffe des Héros" (1983) de Philip Kaufman avant de jouer dans plusieurs films mythiques comme "Terminator" (1984) et "Aliens" (1986) tous deux de James Cameron. Les notables sont joués par Timothy Spall entre deux Harry Potter (2004-2011) et Tom Bower qui retrouve Harris après "Pollock" et dont on reverra la gueule singulière dans les excellents "Crazy Heart" (2009) et "Les Brasiers de la Colère" (2013) tous deux de Scott Cooper. Citons encore James Gammon une gueule bien connue des westerns et retrouve entre autre quelques partenaires des films "Wyatt Earp", "Wild Bill", "The Hi-Lo Country" et retrouve également Renée Zellweger après "Retour à Cold Mountain" (2003) de Anthony Minghella, puis citons Rex Linn qui était aussi dans "Wyatt earp" et qu'on reverra dans "Django Unchained" (2012) de Quentin Tarantino. Pour finir, n'oublions pas le juge qui est interprété par Bob L. Harris père du réalisateur-acteur qui était déjà dans "Pollock", puis la belle de Hitch jouée par l'actrice espagnole Ariadna Gil vue dans "Soldados de Salamina" (2003) de son conjoint David Trueba et "Le Labyrinthe de Pan" (2006) de Guillermo Del Toro et qui retrouve Viggo Mortensen après "Capitaine Alatriste" (2006) de Agustin Diaz Yanes ; pour l'anecdote, le coupe Gil-Mortensen se poursuivra à la ville après ce film et ce jusqu'à encore aujourd'hui... Le film débute de façon très classique via une scène qui place les tenants et aboutissants en un duel unilatéral qui n'est pas franchement prometteur car trop limpide sur la suite des événements et sans personnalité. Ensuite on rencontre enfin le duo de marshalls qui frappe de part la disparité entre les deux héros, si Hitch alias Mortensen impose un charisme naturel et un style singulier Cole alias Harris est engoncé dans une tenue noire à la sobriété presque morne et dans une posture qui en fait un ersatz d'un certain Clint Eastwood. D'emblée Hitch surpasse Cole sur tous les aspects, de surcroît, bien appuyé par le fait qu'il est le narrateur de l'histoire. S'en suit un scénario qui rappelle une multitude de westerns qu'il serait trop fastidieux de cités ici mais on peut vous conseiller de jeter un oeil au TOP des meilleurs westerns ICI... Le premier point reste la relation entre Hitch et Cole, car si ils paraissent être personnellement sur un pied d'égalité Cole s'impose comme le chef face à Hitch que la situation ne dérange pas plus que ça. On reste perplexe finalement devant leur relation qui dure depuis plus de 12 ans, inséparables, donc forcément très proches et intimes mais dont on ne perçoit presque jamais de lien vraiment indéfectible, surtout Cole qui agit de manière à toujours rappeler qu'il est supérieur à Hitch. Une sensation bizarre s'impose donc au spectateur, qui est attiré par le vertueux Hitch tandis qu'on trouverait Cole presque antipathique.
Cette relation complexe est à la fois intéressante mais également frustrante car la distanciation assez nette entre eux empêche à la fois de croire à une amitié indéfectible et d'instaurer une émotion entre eux. L'intrigue prend toute son ampleur après l'arrestation du méchant, par ailleurs une arrestation décevante de par sa difficulté feinte (réussite improbable, inaction des méchants alors que les deux marshalls sont en posture intenable...). Mais la meilleure partie du film est clairement celle qui se situe entre cette arrestation et la rencontre avec les apaches. Ensuite il y a une ellipse un peu bancale car on constate alors que l'histoire se déroule donc sur environ deux années (rencontre Hitch-Cole en 1866-67, 12 années d'amitié, élection du président Chester en 1881), une ellipse qui permet de voir une évolution sociale tout aussi intriguante du méchant. Ces défauts restent des détails pas spécialement très préjudiciable mais interroge assez pour nous empêcher de savourer réellement ce western classique mais non dénué de charme. On apprécie les décors entre autre, entre les falaises multicolores d'Abiquiu et les rives de la Chama mettant en valeur les paysages du Nouveau-Mexique où a été construit également la ville de Appaloosa sur la propriété dun certain Tom Ford, créateur qui a réalisé le sublime "A Single Man" (2009). On apprécie aussi le réalisme des scènes d'action comme le duel façon Ok Corral qui évite l'écueil des la fusillade interminable. On apprécie tout autant l'ultime duel, classieux et plus ancré dans une réalité d'époque que les duels fantasmés de l'Âge d'Or. Le film sera un échec au (seulement 28 millions au box-office monde pour 20 millions de budget) mais le film reste un bon moment qui mérite une seconde chance. Précisons que Ed Harris souhaite un director's cut avec un ajout de 20mn supplémentaire, ce qui avouons-le semble aussi superflu que risqué. Ed Harris signe un western qui allie donc nostalgie et modernité, pas toujours de façon très compréhensible ou très cohérente avec avec une réelle sincérité de fond et quelques séquences particulièrement réussies, soit dans sa dimension lyrique soit dans l'efficacité pure avec en prime un Viggo Mortensen superbe de prestance.
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 11 ans :