Pour une poignée de dollars (1964) de Sergio Leone
Film mythique et faussement fondateur d'un sous-genre, "Pour une Poignée de Dollars" reste cependant le premier des westerns spaghettis à atteindre un tel niveau de reconnaissance ; rappelons que le premier spaghetti est "Duel au Texas" (1963) de Richard Blasco. Le réalisateur qui se lance dans ce projet qui est encore considéré comme une série B naissante, est Sergio Leone qui a surtout été jusqu'ici assistant-réalisateur et qui a signé son premier long métrage en solo avec le péplum "Le Colosse de Rhodes" (1961). Ce film est en fait un remake du chef d'oeuvre "Yojimbo" (1961) de Akira Kurosawa que Leone adapta avec une pléthore de scénaristes, 5 crédités et au moins 2 non crédités sans compter l'équipe de Kurosawa, dont Adriano Bolzoni et Victor Andrès Catena deux spécialistes du peplum qui vont se reconvertir comme beaucoup en Italie dans le western spaghetti. A propos du remake, les producteurs de Leone ont négligé les droits d'adaptation du film japonais ce qui a conduit au procès ce qui a eu deux grandes conséquences : le retard d'exploitation du western jusqu'en 1967 aux Etats-Unis, et les droits du film de Leone sont accordés à Kurosawa pour son exploitation au japon. Mais Sergio Leone déclarera une dizaine d'années plus tard : "J'ai vu un film de Kurosawa : Yojimbo. On ne peut pas dire que c'était un chef d'oeuvre. Il s'agissait d'un démarquage de La Moisson Rouge de Dashiell Hammett. Pourtant, le thème me plaisait : un homme arrive dans une ville où deux bandes rivales se font la guerre. Il se place entre les deux camps pour démolir chaque gang. J'ai songé qu'il fallait replacer cette histoire dans son pays d'origine l'Amérique. Le film de Kurosawa se passait au Japon. En faire un western permettait de retrouver le sens de l'épopée. Et comme ce récit s'inspirait également d'Arlequin serviteur de deux maîtres de Goldoni, je n'avais aucun complexe d'être italien pour opérer cette transplantation." Sergio Leone, pour faciliter son exploitation aux Etats-Unis, usa du pseudo plus "américain", Bob Robertson...
Un homme mystérieux arrive dans une ville où deux familles, les Rodos et les Baxter, s'entretuent depuis des années transformant leur ville en ville fantôme. L'homme sans nom voit alors la fortune qu'il pourrait se faire en jouant l'agent doubles... L'homme sans nom est incarné par un acteur encore peu connu, un certain Clint Eastwood qui a joué dans une douzaine de films depuis 1955, souvent non crédité, dont le premier succès personnel reste la série TV "Rawhide" (1959-1965) où il a pu se familiariser avec le western, dans lequel il joue encore lors du tournage avec Leone. Le chef des Rodos est joué par Gian Maria Volonte qui débuta dans "la Fille à la Valise" (1960) de Valerio Zurlini. Les deux acteurs vont voir leur carrière décoller vraiment après le succès de ce film et de sa suite prochaine. Puis on peut citer le rôle peu bavard mais central de Marisol interprété par Marianne Koch, actrice allemande qui débuta dans "Les Gens de la Nuit" (1954) de Nunnally Johnson et qui arrêtera sa carrière précocement pour devenir un médecin réputé. Mais au casting on peut citer quelques noms qui vous diront rien mais dont les "gueules" de bons salauds reviendront inlassablement dans les westerns spaghettis et notamment les prochains de Sergio Leone : Joseph Egger, Mario Brega, Benito Stefanelli, Aldo Sambrell, Lorenzo Robledo, Frank Bragna, Antonio Molino Rojo... Mais le film doit aussi beaucoup à sa musique, cultissime et universellement connue depuis et qui est signée du compositeur Ennio Morricone (plus de 500 B.O. !) qui travaille alors pour le cinéma depuis trois ans... L'ouest est devenu crépusculaire, à la fois sans concession et sans pitié. Les dialogues sont aussi travaillé autrement, à la fois moins bavard et plus agressif, les insultes étant plus courant que dans les classiques de Hollywood. Sergio Leone réinvente le western en le rendant plus sombre, plus désespéré, plus violent...
Ce qui n'empêche pas quelques passages un peu maladroit comme celle du cimetière où il est impensable de voir deux survivants restés immobiles aussi longtemps. On notera la séquence de la mitrailleuse (on passera sur l'erreur de modèle, un détail) dont on reverra la même dans un autre spaghetti culte, "Django" (1966) de Sergio Corbucci. Le film allie également à la perfection l'humour noir avec la violence, dont la mise en place ne se fait pas tarder avec l'arrivée de l'homme au poncho, sa présentation aux villageois et le duel devenu un must du genre. L'homme sans nom entre dans la légende du western avec ce premier chef d'oeuvre spaghetti, Clint Eastwood en profite pleinement aussi... Néanmoins, le film n'est pas particulièrement bien reçu par la critique notamment en France. Ce film, et sa suite "Et Pour Quelques Dollars de Plus" (1965) parviendront toutefois à la postérité grâce au succès du 3ème de la trilogie qu'on nommera "Trilogie du Dollars", "Le Bon la Brute et le Truand" (1966) et grâce également aux nombreuses diffusions télé qui rendront très vite la trilogie populaire pour des générations. Un grand western spaghetti, un excellent western tout simplement. A voir, à revoir et à conseiller.
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 10 ans :