Décès de Patrice Chéreau

Le metteur en scène Patrice Chéreau est décédé hier 07 octobre 2013 à l'âge de 68 ans (il aurait eu 69 dans moins de 1 mois).

Né en 1944 d'un couple de artistes peintres, le jeune Patrice est familiarisé depuis toujours aux arts, ses parents l'emmenant régulièrement à des expositions et autres spectacles. Il écume notamment la cinémathèque et découvre Orson Welles et l'expressionnisme allemand.Au Lycée Louis Le Grand il rejoint la troupe de théâtre pour laquelle il s'imposera en metteur en scène, costumier et décorateur. Il étudiera également l'allemand et fera des lettres classiques.

En 1962 il participe à la manifestation de la station Charonne (contre les agissements de l'OAS pendant la guerre d'Algérie) qui sera durement réprimée ; cet évènement le marquera et sera à l'origine de son engagement politique à gauche.

En 1966, à seulement 22 ans il prend la direction du Théâtre de Sartrouville. A l'époque post-soixante-huitarde il met en scène des pièce à connotation politique comme "L'héritier de village" de Marivaux. Malheureusement le théâtre fait faillite et part en Italie où il intègre le Piccolo Teatro de Milan. C'est à cet période qu'il parfait ses décoprs à en devenir maniaque.

De 1971 à 1977 il dirige le Théâtre National Populaire de Villeurbanne aux côtés de Roger Planchon et Roger Gilbert. Il met en scène "Le massacre de Paris" de Christopher Marlowe où la nuit de la Saint-Barthélémy y est animée par une scénographie baroque. Son amour du lyrisme et des reconstitutions esthétiques sont bientôt connus dans toute l'Europe.

Ses premières années se passent docn sur les planches mais c'est bien le cinéma qu'il préfère comme il le confia en 1995 aux Inrocks : "Tout ce que je sais, tout ce que j'ai appris, c'est très peu de théâtre et énormément de films. J'ai choisi le théâtre parce qu'il était à portée de main"... Pour lui le cinéma permet de mieux marier le grand spectacle à l'intimité.

Son premier film est "La chair de l'orchidée" (1975 - ci-dessus) avec Charlotte Rampling et Bruno Cremer, adaptation libre du roman éponyme de James Hadley Chase. Si le succès public reste discret il obtient deux nominations aux Césars pour les décors et costumes.

Il retrouve Simone Signoret (2nd rôle dans le film précédent) pour son second film, "Judith Therpauve" (1978), une oeuvre au réalisme social dense mais le succès n'est pas encore au rendez-vous.

Il retrouve le succès avec le théâtre... En 1976 on lui propose  de mettre en scène la Tétralogie de Richard Wagner dans le Palais des Festivals pour le centenaire du Festival de Bayreuth. Il choisit de déplacer le mythe nordique des Nibelungen dans le 19ème siècle de la révolution industrielle et capitaliste ce qui provoque un certain scandale. Finalement, avec le temps son oeuvre sera un succès, effectuant  un final remarquable salué par 85mn d'applaudissements et 101 levers de rideau lors de la denrière représentation en 1980.

De 1982 à 1990 il dirige la Maison de la Culture de Nanterre devenur Théâtre Nanterre-Amandiers.

Il réalise son 3ème film, considéré comme son film le plus personnel, "L'homme blessé" (1983 - ci-dessus) avec Jean-Hugues Anglade. Un film sur une passion amoureuse d'un ado pour un homme plus âgé... On reprochera à Chéreau de donner une vision malheureuse et faussée de l'homosexualité, ce à quoi il répondra : "on ne fait en général pas de film sur les histoires heureuses. On n'a jamais reproché aux histoires hétérosexuelles malheureuses de jeter une triste lumière sur l'hétérosexualité."... César 1984 du meilleur scénario pour Chéreau et Hervé Guibert.

En 1987 il tourne "Hôtel de France", transposition de "Platonov" de Tchekhov dans une époque moderne. Il offre les rôles à toute une génération d'acteurs formés aux Amandiers comme Bruno Todeschni, Agnès Jaoui, Valeria Bruni-Tedeschi ou Marianne Denicourt.

Juste après il monte "Hamlet" de Shakespeare au Festival d'Avignon qui sera récompensé par un Molière 1989. C'est à cette époque que l'acteur Pascal Greggory devient son acteur fétiche et son compagnon.

Alors qu'il se consacre à l'opéra il prépare (avec Danièle Thompson) un film historique à grand spectacle qui lui ouvrira enfin les portes de la consécration...

"La Reine Margot" (1994 - ci-dessous et ci-dessus) est un film shakespearien et uen oeuvre forte, où le sang et la tragédie transpire à chaque instant comme le roi (Jean-Hugues Anglade) dans une scène mémorable et terrible. Outre le rôle titre interprété par Isabelle Adjani on retrouve également Pascal Greggory. Le film est un succès public et critique. Il obtient le Prix du Jury au Festival de Cannes et 5 Césars dont trois d'interprétations et un pour les costumes...

Après ce film Patrice Chéreau réalise un film plus intimiste avec "Ceux qui m'aiment prendront le train" (1998) toujours co-écrit avec Danièle Thompson. Il retrouve ses acteurs Vincent Perez, Pascal Greggory, Dominique Blanc et Valeria Bruni-Tedeschi pour ce film choral où une se croise une quinzaine de personne qui vont à un même enterrement. Second succès où il confirme son talent pour décrire les conflits intimes et dramatiques. Trois Césars dont un premier pour le réalisateur.

En 2000 il traverse la Manche et tourne un film en anglais une adaptation de récits de Hanif Kureishi ("My beautiful Laundrette" entre autres). "Intimité" (ci-dessus et ci-dessous) traite de l'adultère de façon extrêment réaliste et montre des scènes de sexe particulièrement explicites mais jamais gratuites ou crues. "Intimité" est sans doute son plus grand chef d'oeuvre... Prix Louis-Delluc 2002, Ours d'Or à Berlin et vaut un Ours d'Argent pour son actrice Kerry Fox.

Alternant toujours avec le théâtre il fait son retour au cinéma avec "Son frère" (2003), un drame intimiste et familial où deux frères malades (l'un cancéreux et l'autre aveugle) vont se rapprocher au fur et à mesure que le mal se fait pklus présent. La même année Patrice Chéreau est président du Jury du Festival de Cannes (Palme d'Or "Elephant" de Gus Van Sant).

Il revient au film à costume avec "Gabrielle" (2005 - ci-dessous) d'après une nouvelle de Joseph Conrad avec Isabelle Huppert et Pascal Greggory. Le film conte un huis clos tendu au sein d'un couple de bourgeois du début 20ème pendant lequel ils s'paerçoivent que leur mariage est un néant sentimental. La mise ens cène austère et le parti pris esthétique en font un film plus confidentiel.

En 2006 le ministre de la Culture le nomme président de la Fémis qu'il quitte "la mort dans l'âme" pour cause d'emploi du temps surchargé ; il ets remplace par le réalisateur Claude Miller.

Il retourne au Théâtre où il retrouve souvent ses acteurs fétiches comme Dominique Blanc ou Pascal Greggory.

Son dernier film est et sera "Persécution" (2009). Il y retrouve Jean-Hugues Anglade et offre le premier rôle à Romain Duris. On suit un jeune homme persécuté par un inconnu qui lui déclare son amour tandis qu'en parallèle il demande trop émotionnellement à son amie... Malheureusement ce film est sans doute le moins abouti...

En 2012 Patrice Chéreau est invité à concevoir une scénographie pour le Musée du Louvres. Pour l'occasion il crée une représentation exceptionnelle de "Rêve d'automne" de Jon Fosse pour laquelle il retrouve Valeria Bruni-Tedeschi et Pascal Greggory.

Patrice Chéreau restera comme l'un des meilleurs metteurs en scène du théâtre. Si au cinéma le bilan est plus mitigé son oeuvre n'en demeure pas moins immense et riche. Même dans son oeuvre la plus grandiose ("La Reine Margot") il est un maitre de l'"intimité".

Patrice Chéreau est mort des suites d'un cancer des poumons le 07 octobre 2013 à seulement 68 ans.