Fantomas (1964) de André Hunebelle

par Selenie  -  18 Juillet 2017, 08:20  -  #Critiques de films

Enorme succès cette année-là pour cette énième version du personnage mythique créé en 1910-1911 par Pierre Souvestre et Marcel Allain. A l'origine Fantomas était un être malfaisant dans un style Arsène Lupin en méchant, dont il était un rival dans la littérature de la Belle Epoque et des premiers sérials. Ce personnage cultissime a connu un succès déjà retentissant dans les librairies avant de connaitre ses premières adaptations cinéma avec la trilogie "Fantomas" (1913), "Juve contre Fantomas" (1913), "La mort qui tue" (1913), "Fantomas contre Fantomas" (1914) et "Le faux Magistrat" (1914) tous de Louis Feuillade... Après quelques années dans l'oubli et quelques films tout aussi confidentiel le personnage est revenu alors que André Hunebelle cherchait un projet où il pourrait faire jouer Jean Marais sur plusieurs suites. En effet le réalisateur venait de tourner quelques succès avec la star dont les Cape et d'Epées "Le Bossu" (1959) et "Le Capitan" (1960). Aussi surprenant que cela puisse paraitre c'est Jean Cocteau qui conseilla au cinéaste de faire jouer Fantomas à sa muse Jean Marais...

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Pas si surprenant quand on sait la popularité du personnage auprès des écrivains, entre autres exemples ce texte de Jean Cocteau lui-même dans Le Figaro Littéraire en 1961 : "Fantomas nosu enchante d'un bout à l'autre par sa désobéïsance aux règles et par le courage instinctif avec lequel il survole l'intelligence si dangereuse par le contrôle qu'elle oppose à l'audace et par son frein qui paralyse le cours vertigineux du génie. (...) Notre époque éprouve, diraitèon, les angoisses de la vieillesse qui se retourne vers son passé. (...) Bref, on réédite les fables modernes : Arsène Lupin, Rouletabille, Chéri-Bibi sortent de leur tombe. (...) Mais Fantomas les surclasse sous le masque et la cape que Rastignac eût aimé porter pour vaincre ce Paris que le monstre légendaire tient sous son pied comme un dragon qui terrasserait Saint-Georges."... Cocteau vraisemblablement fan du personnage donc mais on peut également citer le poète Robert Desnos, "Complainte de Fantomas" en 1953 : 

"Allongeant son ombre immense

Sur le monde et sur Paris,

Quel est ce spectre aux yeux gris

Qui surgit dans le silence ?

Fantomas, serait-ce toi

Qui te dresses sur les toits ?"

... Fantomas était un personnage mythique te un succès assuré depuis des décennies, Cocteau en inspirateur surprise pour André Hunebelle, il n'en fallait pas plus pour relancer l'anti-héros. Hunebelle fait appel à ses fidèles scénaristes Pierre Foucaud et Jean Halain (déjà sur "Le Bossu" et "Le Capitan") pour remettre au goût du jour Fantomas et s'inspire donc d'un nouvel héros qui cartonne sur grand écran depuis peu, James Bond, dont les trois premiers films sont "James Bond contre Dr. No" (1962), "Bons Baisers de Russie" (1963) et "Goldfinger" (1964)... Le résultat donne un Fantomas très librement adapté, ici on oublie le personnage à la Arsène Lupin avec redingote cape et haut-de-forme pour un être aux mille visages, une importance technologique très présente et des rebondissements démultipliés. Dans le rôle-titre on trouve évidemment Jean Marais (mais voix assuré par Raymond Pellegrin), mais le coup de génie est de lui faire jouer également son ennemi juré le journaliste Fandor ce qui ajoute à l'ambiguité de ces deux personnages principaux. Les deux autres personnages importants de l'histoire étant le commissaire Juve incarné par Louis de Funès et la fiancée de Fandor jouée par la délicieuse Mylène Demongeot.

Pour l'anecdote les acteurs se connaissent particulièrement bien, de Funès a joué et jouera pas moins de 8 films avec respectivement Hunebelle et Jean Marais, ces deux derniers tourneront ensemble 7 films, Mylène Demongeot jouera dans 5 films avec De Funès, en conclusion De Funès est l'acteur qui a tourné le plus avec chacun de ses partenaires Hunebelle, Demongeot et Marais ! En comptant évidemment la saga de "Fantomas" qui sera suivi, succès oblige, des suites "Fantomas se déchaine" (1965) et "Fantomas contre Scotland-Yard" (1966). Un casting populaire et "bankable" pour un personnage qui l'est définitivement tout autant mais un résultat mitigé. Car si les 4,5 millions d'entrées France (et 60 millions entrées Russie, un succès phénoménal qui lança un temps l'idée d'un "Fantomas à Moscou" !), qui en fait l'un des plus grands succès 1964 aux côtés notamment de "Le Gendarme de Saint-Tropez" de Jean Girault avec un certain Louis de Funès (!), le film vieilli assez mal et surtout avec le recul est parsemé d'incohérences et d'invraisemblances. Des faux-raccords en pagaille qui créent des trous béants, la partie hélicoptère est à mourir de rire (dans le mauvais sens du terme !) tant c'est magique la localisation au sol. On reste perplexe de la rapidité de transport entre Paris et Provence (téléportation ?!)... Etc... Néanmoins un charme désuet et nostalgique agit malgré tout, entre le charme de Jean Marais, l'érotisme ingénu de Mylène Demongeot et les facéties (encore contrôlé !) de De Funès font qu'on passe un moment agréable devant ce film d'aventure kitsh et maladroit. Très surestimé dans la mémoire collective ce film ne vaut donc que pour son casting et son récit décomplexé. 

 

Note :            

12/20

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