Ceux qui travaillent (2019) de Antoine Russbach

par Selenie  -  26 Septembre 2019, 16:48  -  #Critiques de films

Premier long métrage de Antoine Russbach, d'origine suisse et sud-africaine, après avoir grandit en Suisse il poursuit ses études de cinéma en Belgique où il connait un premier succès d'estime avec son court métrage "Michel" (2008) qu'il co-signe avec son ami Emmanuel Marre qui est resté son proche collaborateur. Initialement, il s'agissait d'un projet de trilogie thématique autour de l'idée du tiers-état, de la noblesse et du clergé, afin d'explorer la société d'aujourd'hui : "Cette structure tripartite permet de mettre en évidence la difficulté de trouver sa propre place aujourd'hui, contrairement à ce qui se passait dans une société plus traditionnelle, où chacun avait un rôle prédéfini. Bien que ce système médiéval soit problématique à plein d'égards, il permettait probablement d'éviter cette souffrance dene pas savoir quelle était sa place. Notre société actuelle nous fait comprendre d'éviter cette souffrance de ne pas savoir quelle était sa place."...

Si l'idée de cette trilogie est en stand-by, le duo Russbach-Marre a décidé de placer cette évocation moderne du tiers-état dans l'univers du fret maritime : "Nous nous sommes beaucoup documentés sur ce sujet et avons rencontré des professionnels du secteur du fret. En discutant avec eux, j'ai réalisé qu'ils ne voyaient jamais ces bateaux, ce qui me paraissait extraordinaire. Ces navires sont des points sur des cartes. Cela rend compte de la semivirtualité du monde dans lequel nous vivons."... On suit donc Franck, cadre dans une compagnie de fret maritime qui perd son boulot après avoir gérer seul et dans l'urgence une situation de crise. Au chômage il perd pied dans ce système économique auquel il a tout donné et auquel il doit tout... Franck est incarné par Olivier Gourmet acteur fétiche des frères Dardennes comme dans "La Promesse" (1996) et "Le Fils" (2002), et vu récemment dans "Edmond" (2019) de Alexis Michalik. L'acteur porte littéralement le film sur ses épaules, il est de tous les plans, il est omniprésent... L'intrigue débute dès les premières minutes, alors que Franck va prendre une décision irréversible. On est surpris par cette décision à la fois radicale, tragique et illégale mais aussi immorale. Ce choix scénaristique a un gros soucis, c'est qu'il n'aide forcément pas à l'empathie pour ce personnage, cadre supérieur qui bosse certe comme un forçat (on nous le répète assez dans le film !) mais qui joue le jeu du capitalisme gangréner par l'immoralité du profit à tout prix sans trop se poser de question, sa conscience n'est jamais en question.

Le choix de Olivier Gourmet, image du citoyen honnête et travailleur brossé depuis des années par les Dardennes notamment, est alors judicieux ; un autre acteur aurait sans doute pousser carrément à l'antipathie. La famille de Franck est tout aussi gênante, à l'exception notable de la fillette on ne ressent au cun amour dans cette famille bourgeoise. Résultat, on finit par se moquer éperdument de ses membres surtout quand un fils avoue à Franck qu'il se passerait sans soucis d'un père mais pas de son niveau de vie ! Si le cinéaste réussit l'exploit de ne porter aucun jugement, ni envers Franck ni envers le systèle économique, on se pose pourtant la question : où le réalisateur a-t-il voulu nous emmener ?! Quel est son propos ?! Car le soucis repose sur un Franck qui assume entièrement ses actions et qui accepte pleinement de jouer le jeu, de surcroît, sans soucis de conscience. Franck est un robot, travailleur insatiable, dont les émotions semblent s'être évaporées au fil du temps, plus que le capitalisme il semble que l'enfance ait son importance. Il est dommage que le propos du cinéaste soit si dilué, il est dommage que Franck soit si dénué d'humanité, reste alors la performance pure de Olivier Gourmet et notre empathie pour l'acteur... 

 

Note :                      

 

13/20

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