Mort de l'acteur David Gulpilil

Unique star aborigène au niveau mondial, l'"acteur, danseur, chanteur et peintre" dixit le premier ministre australien, David Gulpilil est mort ce 29 novembre 2021 à l'âge de 68 ans.

Né en 1953 en Terre d'Arnhem, terre aborigène ancestrale connue comme étant encore la plus empreinte des traditions et de la culture aborigène, il est élevé loin de l'influence anglo-autralienne et reçoit donc une éducation traditionnelle dans le bush australien. Il poursuit son éducation dans une mission de Maningrida au nord-est de Arnhem puis est ensuite initié au sein de la tribu Mandhalpuyngu. 

Son initiation va s'avérer prémonitoire puisqu'il est choisi pour un rôle important dans un film, un événement assez inédit pour un aborigène. David Gulpilil Ridjimiraril Dalaithngu est un ado déjà aguerri comme chassuer, pisteur et danseur de cérémonie. Il est remarqué par un certain Nicolas Roeg en 1969 et le choisit pour un rôle central dans son film "Walkabout" (1971 - ci-dessous) alors qu'il n'a pas encore 16 ans. Le jeune acteur aborigène incarne justement un jeune aborigène en pleine "errance initiatique et rituelle" ("walkabout") qui rencontre deux jeunes blancs perdus dans le bush. Le film est présenté à Cannes où il est bien accueilli, avec un joli succès au box-office et une postérité future qui en fera un film culte.

Le succès et le tourbillon médiatique fait que le jeune David Gulpilil boit de plus en plus. Il retrouve un rôle important dans "Mad Dog Morgan" (1976 - ci-dessous) de Philippe Mora et avec Dennis Hopper dans le rôle titre d'un célèbre hors-la-loi. Le tournage est perturbé quand la star Dennis Hopper et son partenaire David Gilpilil sont arrêtées par la police pour ivresse.

Malgré un alcoolisme toujours plus pregnant, il enchaîne avec le film "La Dernière Vague" (1977 - ci-dessous) de Peter Weir sur un "meurtre tribal". L'acteur va tenter une désintoxication mais après une dispute au sein de sa communauté il est banni et devient "long grasser", un sans-abri dans la ville de Darwin avant de se retrouver un temps en prison. 

Entre temps, l'acteur s'impose aussi en tant que danseur traditionnel en effectuant des tournées avec son groupe et remportant même par quatre fois la compétition du Darwin Australia Day. 

Il apparaît dans "L'Etoffe des Héros" (1983) de Philip Kaufman mais il retrouve un rôle plus important dans "Crocodile Dundee" (1986 - ci-dessous) de Peter Faiman avec Paul Hogan dans le rôle titre. Le film est un énorme succès populaire rapportant en tout près de 320 millions de dollars au box-office pour un budget de seulement 8,8 millions. 

Il joue ensuite dans le film d'horreur "Les Dents de la Mort" (1987) de Arch Nicholson, puis apparaît dans le "film d'amour aventureux futuriste sous forme d'enquête sur les routes du monde, ou inversement" (selon le réalisateur) "Jusqu'au Bout du Monde" (1991) de Wim Wenders, puis tourne ensuite "Le Chemin de la Liberté" (2002 - ci-dessous) de Phillip Noyce sur le thème de la "génération perdue" où commet les blancs forçaient les enfants aborigènes à suivre une éducation "à l'occidentale".

Il retrouve le haut de l'affiche dans le rôle titre du film "The Tracker" (2002 - ci-dessous) de Rolf de Heer, où l'acteur incarne un traqueur aborigène qui aide trois blancs à pourchasser u autre aborigène. 

Il joue ensuite dans un "western" australien, "The Proposition" (2005 - ci-dessous) de John Hillcoat avec entre autre Guy Pearce, Ray Winstone, John Hurt et Emily Watson. 

David Gulpilil retrouve ensuite le réalisateur Rolf de Heer avec qui il effectue un voyage dans sa région natale, d'abord pour trouver des lieux de tournage, mais aussi pour que l'acteur aborigène puisse revenir au sein de sa communauté après des années d'absence. L'acteur est accueilli à bras ouverts. Les deux hommes tournent le film "10 Canoës, 150 lances et 3 épouses" (2006) co-réalisé par Peter Djigirr, un film à multiples facettes qui évoque la vie et les mythes aborigènes avant la colonisation pour lequel David Gulipilil prête sa voix au narrateur.

Ensuite l'acteur incarne un vieil aborigène dans la superproduction "Australia" (2008 - ci-dessous avec ses partenaires) de Baz Lhurmann avec Hugh Jackman et Nicole Kidman dans une fresque historico-romanesque sorte de "Autant en Emporte le Vent" australien.

Il joue ensuite dans "Charlie's Country" (2014 - ci-dessous) de Rolf de Heer, film et rôle de sa vie, qui clôt une jolie boucle avec "Walkabout". David Gulpilil incarne un vieil aborigène qui ne peut plus vivre en ville et repart vivre dans le bush. Un film qui permet aussi à l'acteur qui a été révélé au festival de Cannes en 1971 d'y retourner, le film étant présenté à la section Un Certain Regard et qui, surtout, permet à l'acteur d'obtenir le prix du meilleur acteur Un Certain Regard.

Il joue ensuite dans le polar "Goldstone" (2016) de Ivan Sen, suite du film "Mistery Road" (2013), il enchaîne avec une comédie familiale avec "Crazy Days at the Old Brumby Moon" (2016) de Phil O'Brien, puis tourne un film post-apocalyptique de zombie avec "Cargo" (2017) de Ben Howling-Yolanda Ramke, tandis que son dernier film est "Storm Boy" (2019 - ci-dessous) de Shawn Seet avec Geoffrey Rush et Jai Courtney.

Mais outre son ultime rôle de fiction, citons le documentaire qui reste son ultime apparition, "My Name is Gulpilil" (2021) de Molly Reynolds.

David Gulpilil n'a jamais été une star au sens premier et commun du terme, mais il 'aura sans aucun doute été pour tous les aborigènes d'Australie, icône d'un peuple opprimé qui a su faire sa place dans le système "blanc" sans pour autant perdre son identité. L'acteur aura marqué de son empreinte le cinéma mondial avec quelques chefs d'oeuvres et des rôles qui auront marqué les cinéphiles.

David Gulpilil est mort des suites d'un cancer des poumons, après deux ans de combat il est mort ce lundi 29 novembre 2021 à l'âge de 68 ans.