L'Enlèvement (2023) de Marco Bellochio
Voilà une histoire vraie qu'on pourrait qualifier d'Incroyable mais Vraie, une histoire assez dingue pour que Steven Spielberg veuille le porter à l'écran en 2016 avant que le projet tombe à l'eau suite à un désaccord avec son producteur, un certain Harvey Weinstein qui a voulu alors relancer la production avec le réalisateur Baltasar Kormakur et Robert De Niro en tête d'affiche mais cette fois ce sont les divers scandales sexuels suivis du mouvement #MeToo qui aura la peau de Weinstein et donc du projet. Finalement, cette histoire italienne revient logiquement dans les mains d'un italien, Marco Bellochio le réalisateur des films "Les Poings dans les Poches" (1965), "Le Diable au Corps" (1986), "Buongiorno Notte" (2003) ou son récent "Marx peut Attendre" (2021). Ainsi c'est un cinéaste italien qui adapte l'histoire inouïe de Edgardo Mortara (Tout savoir ICI !), jeune enfant juif kidnappé par le Vatican et converti au catholicisme malgré toute la volonté de sa famille. Le cinéaste explique : "Je t'enlève parce que Dieu l'a voulu ainsi. Et je ne peux pas te rendre à ta famille. Tu es baptisé et, de ce fait, tu es catholique pour l'éternité. C'est le "non possumus" du pape Pie IX. Il serait donc juste, pour garantir son salut dans l'au-delà, de briser la vie d'un individu, en l'occurence d'un enfant n'ayant pas, du fait de son jeune âge, la force de résister ni de se rebeller. L'enlèvement du petit Edgardo symbolise donc la volonté désespérée, ultraviolente, d'un pouvoir déclinant qui essaie de résister à son propre effondrement, en contrattaquant. les régimes totalitaires ont souvent de tels soubresauts qui leur donnent, pour un temps seulement, l'illusion de la victoire (un bref spasme avant la mort)." Marco Bellochio co-signe le scénario avec Susanna Nicchiarelli, réalisatrice-scénariste notamment de "L'Artista" (2000), "Per Tutta la Vita" (2014), "Miss Marx" (2020) ou "Chiara" (2022)... 1858, dans le quartier juif de Bologne, sur ordre du Cardinal les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara et retire le petit de 7 ans, Edgardo à ses parents. L'enfant aurait été baptisé en secret par sa nourrice étant bébé, et donc selon la loi pontificale il doit alors recevoir une éducation catholique. Les parents de Edgardo sont bouleversés et dans l'incompréhension mais vont se battre et tout faire pour récupérer leur enfant. Soutenus par l'opinion publique, leur communauté juive internationale l'affaire va vite devenir politique. Mais le Pape et l'Eglise refuse tout compromis, il leur faut asseoir leur pouvoir coûte que coûte...
Edgardo est incarné à deux stades différents, enfant il est joué par le jeune Enea Sala dans son premier rôle, adulte il est joué par Leonardo Maltese aperçu juste avant dans "Il Signore delle Formiche" (2022) de Gianni Amelio. Ses parents sont interprétés par Barbara Ronchi vue dans "Miele" (2013) de Valeria Golino, "Sole" (2019) de Carlo Sironi ou "Il Boemo" (2023) de Petr Vaclav, et retrouve après "Fais de Beaux Rêves" (2016) son réalisateur Marco Bellochio et son partenaire Fausto Russo Alesi qui était déjà dans "Vincere" (2009) et"Sangue del mio Sangue" (2015) et "Le Traître" (2019). Le Pape Pie IX est incarné par Paolo Pierobon vu notamment dans "L'Ordre des Choses" (2018) et "Welcome Venice" (2022) tous deux de Andrea Segre, il jouait aussi dans "Vincere" (2009) et retrouve après "Les Opportunistes" (2014) de Paolo Virzi l'acteur Fabrizio Gifuni qui jouait aussi dans "Fais de Beaux Rêves" (2016) retrouvant ainsi Fausto Russo Alesi avec qui il jouiat aussi dans "Piazza Fontana" (2012) de Marco Tullio Giordana à l'instar de Corrado Invernizzi aperçu dans le film hollywoodien "Le Mans 66" (2019) de James Mangold et qui retrouve plusieurs partenaires après "Vincere" (2009) comme Filippo Timi qui retrouve lui aussi Fausto Russo Alesi après "L'Heure du Crime" (2009) de Giuseppe Capotondi, ainsi que Bellochio après "Sangue del mio Sangue" (2015), et vu entre autre en France dans "Astérix et Obélix : au Service de sa Majesté" (2012) de Laurent Tirard. Citons encore Andrea Gherpelli vu dans "Lunettes Noires" (2022) de Dario Argento ou "Je suis l'Abysse" (2022) de Donato Carrisi, Samuele Teneggi vu récemment dans "Per Niente al Mondo" (2022) de Ciro d'Emilio, puis Paolo Calabresi vu dans "Nemiche per la Pelle" (2016) de Luca Lucini et "La Corrispondenza" (2016) de Giuseppe Tornatore... Le film raconte une des histoires les plus déchirantes tragiques qui soit, qui s'inscrit dans la grande Histoire et démontrent encore et toujours que les religions sont une calamité. Le réalisateur-scénariste s'attache à un récit extrêmement réaliste des événements tout en se permettant quelques passages plus subjectifs comme le cauchemar du Pape ou les flash-backs lors du procès voir sans doute simplement imaginé comme la pénitence des trois croix au sol. La reconstitution historique est soignée et méticuleuse, surtout impressionnante lors des séquences théologiques et religieuses. Cette histoire est passionnante d'un point de vue dogmatique d'abord, mais aussi d'un point de vue géo-politique, mais si de côté purement religieux le film est précis et même plutôt pertinent (si on est un fanatique catholique) on aurait aimé un contexte géo-politique plus travaillé et plus présent ; en effet, le scandale international n'est pas palpable et reste trop suggestif, tandis que la révolution pour l'unité italienne (tout savoir ICI !) se résume à quelques échauffourés vite fait bien fait alors que ce sont tout de même deux éléments importants dans l'affaire Morata.
Bellochio a préféré se focaliser sur l'enfant et le Pape, on aurait alors aimé avoir plus l'enfant et le combat des parents, le Pape prend autant d'importance que l'enfant lui-même. Des détails sans doute, il aurait sans doute fallu 30mn de plus pour vraiment tout aborder. Mais le film restranscrit bien néanmoins le désarroi des parents, la conversion radicale de l'enfant qui a seulement six ans, et donc logiquement infuençable, s'apparente clairement à un lavage de cerveau et comme le précise Bellochio lui-même on "l'appellerait aujourd'hui le syndrome de Stockholm..." Si l'enlèvement est déjà un fait aussi condamnable que tragique (pour être poli et consensuel) on est tout aussi abasourdi par les décisions du Pape, jusqu'aux humiliations sous couverts de pénitence et/ou de respect. En cela le scénario est aussi impitoyable que l'est l'Eglise et s'avère donc d'une acuité juste et sans concession. Par contre quelques scènes restent trop gratuites ou incompréhensibles, voir forcément inventées comme le choc entre Edardo et le Pape ou la réaction de Edgardo lors du transfert du cercueil du Pape et qui ne peut être vraisemblable. Mais ce sont encore de petits détails, qui égratigne juste un film qui reste historiquement aussi précis que passionnant, terrifiant aussi devant la dictature de la foi. Le choix du cinéaste repose malheureusement trop sur le Pape et occulte donc quelques faits non négligeables, comme le fait que Egardo sera missionnaire dans toute l'Europe, qu'il tentera de convertir sa mère en 1878 soit avant sa mort, que son père a été victime d'une machination qui lui vaudra la prison... etc... On aurait donc aimé moins de Pape pour comprendre un peu plus le cheminement psychologique de Edgardo. Notons que l'acteur qui joue Edgardo jeune, Enea Sala sort son épingle du jeu, ce qui n'est clairement pas le cas à l'âge adulte, Leonardo Maltese est simplement médiocre, sans finesse et sans nuance. Niveau émotion on gardera évidemment le moment de l'enlèvement, puis la rencontre de Edgardo quelques mois après son kidnapping avec ses deux parents. En conclusion un film qui vaut le détour, certe peut-être un peu figé ou académique mais qui colle avec l'austérité ecclésiastique. A voir et à conseiller.
Note :