Ave, César ! (2016) des Frères Coen
Les frères Coen mûrissent l'idée du film depuis longtemps puisqu'ils ont pensé à une trilogie dite "des Idiots" avec "O'Brother" (2000) et "Intolérable Cruauté" (2003), déjà avec George Clooney. Bien que sur "Idiots" on aurait pensé pour ce dernier, plus au film "Burn After Reading" (2008) ! Néanmoins, prévu en 2004, le film a mis une dizaine d'années à naitre avec un casting toujours aussi riche et enviable. Outre le fidèle George Clooney, les frères Coen retrouvent Josh Brolin après "No country for a Old Man" (2007) et Scarlett Johansson après "The Barber : l'homme qui n'était pas là" (2001), bien sûr l'épouse de Joel Coen la toujours présente Frances McDormand dans un petit rôle particulièrement savoureux. Les nouveaux venus ont pratiquement les meilleurs personnages, des jumelles pour la talentueuse Tilda Swinton, un pastiche de Gene Kelly pour le toujours étonnant Channing Tatum, un ersatz de J.L. Mankiewicz pour Ralph Fiennes, une apparition pour Jonah Hill et le retour désirable du jeune Alden Ehrenreich, révélation du chef d'oeuvre "Tetro" (2009) et "Twixt" (2012) de Francis Ford Coppola... Bref une production digne des génériques glorieux de l'âge d'Or de Hollywood.
Ca tombe bien car l'histoire des Coen se déroule justement dans le monde des studios des années 50 ou comment un studio en pleine superproduction (genre "Ben-Hur" en 1959 de Wylliam Wyller) doit faire face aux déboires et démêlés divers de ses stars, éviter la censure et prévoir le déclin inévitable du 7ème Art devant l'arrivée de la télévision. On croise donc divers tournages qui sont autant de clins d'oeil aux films des années 50, et on déambule dans les méandres des studios avec une mention spéciale au travail du Chef décorateur Jess Gonchor qui a épluché les archives de l'époque pour y être le plus fidèle possible. Le tout en suivant le personnage de Eddie Mannix (Brolin), un homme qui a réellement existé et qui était "fixer", soit une sorte d'homme de l'ombre, qui devait règler les problèmes du studios tout en évitant les scandales qui tournent souvent entre fric, sexe et religion. Rappelons que le personnage de Eddie Mannix fut déjà interprété par Bob Hoskins dans "Hollywoodland" (2007) de Allen Coulter ; pour l'anecdote, dans ce dernier film, jouait Diane Lane qui fut l'épouse de Josh Brolin et Christophe Lambert qui se font face à face dans "Ave César !"... Pour en revenir au film, outre les soucis très hollywoodiens, l'intrigue porte fortement sur la psychose anti-communiste avec un lien indirect mais particulièrement intelligent sur le maccarthysme qui frappe Hollywood surtout lors des années 1953-1954 (Origines et Commissions !). On retrouve le style comédie à la Coen, avec leurs idiots qui ne savent pas qu'ils le sont, des intrigues pourtant sérieuses et portant la dramaturgie qui est toujours dégoupillée par la bêtise innée de leurs personnages. On aurait aimé peut-être que certains personnages soient plus présents (Johansson et Hill surtout) tandis que la jumellité de Tilda Swinton place l'actrice au premier plan alors qu'une seule journaliste était suffisante. "Ave César" est souvent savoureux, dresse un portrait peu flatteur mais jamais gratuit et plein d'acuité du Hollywood d'alors. Mais si le film est très plaisant, empli de qualités, il en manque un peu pour se hisser à leurs meilleurs films.
Note :