Illégitime (2016) de Adrian Sitaru
Le cinéma roumain va bien merci ! Remarqué avec "Picnic" (2007), le réalisateur Adrian Sitaru revient avec une équipe solide pour un film audacieux et culotté, intelligent et "peut-être" immoral... Il co-écrit le scénario avec son actrice Alina Grigore qu'il avait déjà fait tourner dans "Best Intentions" (2011) et en profite pour refaire appel à son acteur Adrian Titieni déjà présent dans les deux films précédents. Ce dernier est également dans le film "Baccalauréat" (2016) du chef de fil du ciné roumain Cristian Mungiu et présenté au dernier Festival de Cannes. D'ailleurs il est amusant d'apprendre que le monteur Mircea Olteanu a dû interrompre son travail sur "Illégitime" pour terminer à temps le film de Mungiu !... Lors d'un repas de famille, alors que les enfants apprennent que leur père médecin a dénoncé des femmes voulant avorter sous l'ère Ceaucescu, la famille doit faire face à un autre secret : les jumeaux de la famille sont des amants incestueux...
Lier dans un même film secret collaborationniste d'un père avec l'inceste des jumeaux est aussi courageux qu'osé, rien que pour ça le film mérite qu'on s'y arrête. Tourné sans scénario défini, le réalisateur n'a donné que des indications sur les personnages à ses acteurs et en ne tournant qu'une seule prise par scène pour intensifier le côté réalisme proche du docu-fiction. Dans le style on est dans un mixte Cristian Mungiu + Ronit Elkabetz. Papa qui dénonce sous la dictature et les conséquences de la liaison des jumeaux n'est pourtant pas un parti pris gratuit et c'est là que Sitaru réussit un coup de maitre. Tout repose sur la trinité philosophique Principe, Morale et Loi. En effet, chacun agit selon sa conscience qui lui est dictée par son éducation et son caractère mais aussi par ses droits et devoirs, et au final doit-on suivre ses principes, la morale ou la loi telle qu'on nous oblige à la respecter ?! Papa défend son point de vue et ses responsabilités sous l'ère Ceaucescu contre ses enfants, jusqu'au moment où justement principe, morale et loi rattrapent les enfants sur un sujet des plus tabous. Adrian Sitaru signe un film uppercut terriblement ancré dans la réalité, un film fort, qui déplace les lignes, qui nous interroge et bouscule les idées reçues sans jamais être manichéen ou moralisateur (justement !). Un film puissant et tendu, touchant et terrible comme on en fait rarement.
Note :