La Vénus Aveugle (1941) de Abel Gance
Voilà un film qui allie différents genres et qui a plus ou moins scandalisé à une époque charnière de notre Histoire. Pour l'anecdote le film est dédié au Maréchal Pétain, en pleine période vichyste ça parait évidemment maladroit mais il semble que Abel Gance l'ait fait par admiration pour le "vainqueur de Verdun" lors de la guerre 14-18 plutôt qu'à ce vieil homme d'état de 1941. Toujours est-il que ce film "Vénus aveugle" est un film méconnu de la filmo du réalisateur Abel Gance alors considéré comme un grand réalisateur français. Ses films les plus connus ont un sujet similaire puisqu'il s'agit de "Napoléon" (1927) et "Austerlitz" (1960).
Cette fois il signe un mélo qui serait un mixte entre la trilogie Marseillaise de Pagnol, à la sauce réalisme poétique à la Marcel Carné avec une pincée de fable moderne. 02h25 d'une chronique dramatique qui manque autant de mesure que de vraisemblance. Durant la première partie on est dans une sorte de "Marius" (1931) et "Fanny" (1932) sans la truculence des mots de Pagnol mais avec un réalisme poétique mode "Quai des brumes" (1938) de Marcel Carné. On y suit Clarisse, alias Vénus, qui apprend qu'elle va devenir aveugle et décide de faire croire à l'homme qu'elle aime qu'il est cocu afin qu'il la quitte. Une décision regrettée plus tard lorsqu'elle tombe enceinte... etc... Un récit lourd qui accumule les tragédies dignes des mélos les moins subtils et les moins mesurés qui repose essentiellement sur sa star. Viviane Romance est alors au sommet (au box-office elle est devant Michèle Morgan et Danielle Darrieux !), le réalisateur la filme en gros plan la plupart du temps. La star a surpris ses admirateurs dans ce rôle ou, pour une fois, elle n'est pas la vamp et/ou femme fatale qu'elle a pu être dans les années 30. Clarisse/Vénus a le destin des femmes qui n'ont jamais de chance dans leur vie et qui accumule les désillusions.
Viviane Romance joue là avec son époux à la ville, Georges Flamand acteur médiocre (qui était assez mal vu dans le milieu suite à l'accident tragique où l'actrice Janie Marèse est décédée en 1931) qui forme un couple mal assorti avec Viviane Romance. Le scénario use de grosses ficelles (enterrement qui croise un baptême) comme des incohérences (que fait l'enfant dans le bateau ?!). Mais alors que le film est un mélo pur jus, soumis à du pathos peu efficace car trop c'est trop, le film vire de bord et offre une dernière partie qui tient plus de la fable moderne. Une fable avec jeu de rôle qui frôle le pathétique dans une utopie trop jolie. Comment y croire ?! Ajoutez à cela un Noir et Blanc qui a mal vieilli et une mise en scène de Abel Gance qui semble avoir une décennie de retard et vous avez un film maladroit et bancal qui surnage grâce à quelques moments de grâce trop peu nombreux pour sauver un film dont le réalisateur semble être resté à l'époque du muet malgré des instants music-hall très réussis.
Note :