La Mort de Staline (2018) de Armando Iannucci.
Le réalisateur britannique Armando iannucci, connu pour sa série TV "Veep" (2012-2017) et surtout pour son unique premier film le film "In the Loop" (2009), revient sur grand écran en adaptant une bande dessinée satirique française éponyme (2010-2012) de Thierry Robin et Fabien Nury ; le réalisateur et Fabien Nury étant co-scénaristes. Ce sont les producteurs français qui ont joint le cinéaste, ce dernier étant en terrain connu ayant déjà exploré les rouages politiques britanniques avec sa série et son film. La BD relate de façon burlesque les événements qui entourent la mort de Staline donc survenue le 5 mars 1953 (tout savoir ICI !) et, surtout, raconte les coulisses du pouvoir et les conspirations des uns et des autres pour prendre le pouvoir.
L'histoire débute un ou deux jours avant la mort du dictateur et se poursuit sur les quelques jours suivant son décès. Le récit prend donc toute son ampleur quand les proches du pouvoir, les membres du gouvernements complotent pour savoir qui va succéder à Staline, leur "père" à tous, et tous les coups sont permis. Le cinéaste a réuni pour cette chorale du pouvoir un casting aux petits oignons, il fallait bien ça pour incarner chacun des politiques russes. Ainsi Adrian McLoughlin est Staline, Steve Buscemi est Khrouchtchev, Michael Palin (Monty Python historique !) est Molotov, Jeffrey Tambor est Malenkov, Jason Isaac est le Général Joukov, Rupert Friend et Andrea Riseborough sont les enfants de Staline et Simon Russell Beale est Beria ; vu dans "The Deep Blue Sea" (2012) de Terence Davies et "My Cousin Rachel" (2017) de Roger Michell tous deux avec Rachel Weisz, cet acteur peu connu offre ici la performance la plus remarquable et sans doute son meilleur rôle jusqu'ici. Et enfin, Paddy Considine est Andryev de l'opéra et Olga Kurylenko est Svetlana Allilouieva célèbre pianiste... Une période charnière qui a abasourdi Iannucci lors du travail d'adaptation, des événements dont il dit : "Ils ont dû refaire le concert qu'on voit au début du film car il n'y avait pas d’enregistrement et Staline en voulait un - c'est véridique. Khrouchtchev était considéré comme une personnalité mineure mais c'est lui qui est responsable de l'éviction de Beria du pouvoir - véridique. Staline a mariné dans une flaque d'urine car ses propres gardiens étaient trop terrifiés pour entrer dans la pièce - véridique. Ils ont hésité sur quel médecin prendre car il craignait qu'on l'empoisonne - véridique. Staline ne se couchait pas avant 4h du matin et convoquait le Politburo dans sa datcha à 22h pour un énorme repas et les regardait devenir de plus en plus soûls alors que lui-même buvait des boissons diluées à l'eau - véridique. C'est presque comme s'il voulait voir comment ils se conduiraient devant lui."... Tout ça pour dire que les faits réels étaient déjà assez extraordinaires pour en faire une comédie satirique, cynique et ironique sans que ce soit complètement loufoque pour autant.
Les protagonistes, les plus puissants de l'empire soviétique vont donc se "chamailler" pour obtenir le pouvoir et devenir le successeur de Staline. Les uns patriotes et fidèles aux idées du "Père du Peuple", les autres plus opportunistes, chacun jouant ses cartes sur l'échiquier du Politburo. On salue l'écriture de ce scénario unique et délirant auquel on croit sans sourciller, la limite étant juste une folie exagérée dans les détails mais qu'on croit sans peine dans les largeurs. Les performances des acteurs sont mémorables de Malenkov/Tambor hésitant mais patriote à Khrouchtchev/Buscemi en serpent opportuniste en passant par le fils/Friend aliéné de Staline et un Joukov/Isaac en héros sur le retour. Les joutes verbales sont aussi savoureuses que le reste, des répliques qui fusent entre pics biens senties et références historiques. En effet, le contexte historique à son importance et les références plus ou moins discrètes sont un régal. Pas étonnant que ce film ait été censuré en Russie où il n'est pas sortie en salle... Satire veut également dire qu'il y a bien quelques libertés prises avec les faits, mais ça reste très proches et il est amusant de s'imaginer que, peut-être, les auteurs ne sont pas si loin d'une justesse factuelle aussi terrifiante que drôle. A voir , à revoir et à conseiller.
Note :