Green Book (2019) de Peter Farrelly
Un film inédit par bien des points, d'abord parce qu'il s'agit du premier film de Peter Farrelly sans son frère Bobby avec qui il a signé quelques comédies cultes comme "Dumb and Dumber" (1994), leur chef d'oeuvre "Mary à tout Prix" (1998) et "Fous d'Irène" (2000), il en profite pour explorer un film plus dramatique en racontant l'histoire assez inouïe mais véridique d'un pianiste virtuose afro-américain en tournée dans les états sudistes et qui se lie d'amitié avec son chauffeur et garde du corps blanc. Une histoire vraie dont l'idée vient du co-scénariste Nick Vallelonga qui n'est autre que le fils de Tony Lip, alors agent de sécurité mais qui deviendra une gueule spécialiste des seconds rôles mafieux notamment dans des films "Le Parrain" (1972) de Francis Ford Coppola, "Les Affranchis" (1990) de martin Scorcese et "Donnie Brasco" (1997) de Mike Newell... Nick Vallelonga précise : "Elle tient bien sûr une grande place dans la légende familiale, mais j'ai aussi toujours reconnu son importance, car c'est l'histoire d'une amitié improbable et transformatrice à tous points de vue entre deux personnes radicalement différentes. C'est le genre d'histoire dont nous avons plus que jamais besoin."... On suit donc pianiste Don Shirley (tout savoir ICI !) et de Tony Lip (tout savoir ICI !) dans les états ségrégationnistes en 1962 dans ce road-movie dont le titre fait référence au guide "The Negro Motorist Green-Book" qui était publié chaque année de 1936 à 1966 et qui recensait les établissements qui acceptaient la clientèle noire.
Dans les deux rôles principaux on a le plaisir de revoir l'excellent Viggo Mortensen (Tony Lip) qu'on avait pas vu depuis "Captain Fantastic" (2016) de Matt Ross, puis Mahershala Ali révélé par "Moonlight" (2017) de Barry Jenkins et vu dans "Les Figures de l'Ombre" (2017) de Theodore Melfi dont il retrouve sa partenaire Octavia Spencer comme co-productrice sur ce film. On notera également la charmante Linda Cardellini vue récemment dans "L'Ombre d'Emily" (2018) de Paul Feig et "Hunter Killer" (2018) de Donovan Marsh. Mais le plus étonnant reste une autre partie du casting, où Nick Vallelonga (qui incarne lui-même un parrain de la mafia !) a présenté sa famille au cinéaste pour reprendre la famille de Tony Lip comme il explique : "Le frère de mon père, Rudy, y incarne son père mon grand-père paternel, Nicola Vallelonga. Et le frère de ma mère, Lou Venere, y joue le rôle de son père, mon grand-père maternel Anthony Venere. C'est donc bien plus qu'un simple film pour moi, c'est un concentré de souvenirs et un magnifique hommage à ma famille."... Pour écrire le scénario Nick Vallelonga avait demandé à son père de raconter l'histoire lors d'entretiens filmés qui ont aussi servis aux acteurs, mais aussi lors de quelques entretiens avec Don Shirley enrichis de documents mis à disposition par les deux amis. Si cette histoire à un fond dramatique il y a aussi beaucoup d'humour, en tous cas d'une certaine légèreté. L'expérience de Peter Farrelly dans le domaine y est assurément pour quelque chose, entouré entre autres d'un directeur Photo et d'un monteur qui ont également beaucoup travaillé sur des comédies. Ne tombant pas dans le drame politico-social Peter Farrelly signe plutôt un road-movie historique, un buddy movie humaniste dont le mixte entre drame et comédie est savamment dosé ce qui en fait toute sa force tout en évitant l'écueil du manichéisme.
Tourné à la Nouvelle-Orléans, on replonge à l'époque de Kennedy, des droits civiques, de la crise de cuba... Une période particulièrement riche de l'histoire américaine mais si le contexte est omniprésent (par une BO soignée surtout) le scénario s'attache surtout à rester focaliser sur la relation presque saugrenue entre un noir riche et artiste virtuose et un homme de main rital issu du Bronx. On peut penser que les personnages sont un peu caricaturaux pourtant, Don Shirley surtout en génie sûr de son statut unique et particulièrement hautain et antipathique (au début !) qui ne vaudrait pas bien plus que les aristos sudistes qu'on imagine sans mal avec leur chapeaux blancs pointus. Le film est porté par deux acteurs fabuleux, surtout Morgensen, Ali étant sans doute trop engoncé par une direction d'acteur qui caricature sans doute trop Don Shirley. Mais la sauce prend, chacun des deux personnages apportant une culture différente, apprenant quelque chose à l'autre de façon souvent presque inopiné. La dimension dramatique vis à vis du racisme ambiant et de la ségrégation est sans doute le plus décevant, trop timoré, trop sage sans doute. Peter Farrelly a assuré niveau humour, le ton buddy-movie est parfaitement maitrisé mais vampirise un peu une partie politico-sociale sous-exploitée ; 1962 n'est certainement pas mieux que 1956 !... Mais ça reste un détail, le film reste un road-movie rafraîchissant et sincère. Pour l'anecdote, Don Shirley et Tony Lip sont morts la même année en 2013 à seulement 3 mois d'intervalle... Un film primé aux Golden Globes (meilleure comédie, meilleur scénario et un pour Mahershala Ali en second rôle) à voir et à conseiller.
Note :