Pleasure (2021) de Ninja Thyberg

par Selenie  -  29 Octobre 2021, 07:11  -  #Critiques de films

Après plusieurs courts métrages, la réalisatrice-scénariste Ninja Thyberg n'avait pourtant qu'un projet en tête, adapté son court "Pleasure" (2013) en long métrage. Abordé l'univers du cinéma pornographique n'est pas aisé mais dès 2014 la cinéaste s'est rendu à Los Angeles afin de nouer des premiers contacts. Elle commença à écrire son scénario mais il faudra plusieurs voyages pour finaliser son projet, 6 mois en 2016 pour des recherches plus approfondies et des premières auditions, puis en 2017 et en 2018. Après ses recherches, la cinéaste a voulu appuyé entre autre sur le consentement car, comme elle l'explique, si le consentement est désormais écrit noir sur blanc dans les contrats, cela n'empêche pas les pressions, la culpabilisation et le harcèlement d'autant plus qu'on imagine sans mal qu'une fois que la caméra tourne il doit être particulièrement difficile de couper la "dynamique dans l'action".  Ninja Thyberg co-signe le scénario avec Peter Modestij qui était déjà sur le court métrage éponyme et qui a par ailleurs signé le scénario du documentaire "I Am Great" (2020) de Nathan Grossman... Bella, une jeune suédoise de 20 ans débarque à Los Angeles avec la ferme intention de percer dans le milieu du porno. Sa détermination et son ambition ont que bientôt sa carrière dans ce milieu explose et ses rêves de gloire se réalisent avant que les plaisirs ne cèdent la place à l'envers de la médaille...

Dans le rôle principal nous trouvons Sofia Kappel, inconnue dans son premier rôle à l'écran et qui risque fort de percer réellement au cinéma suite à cette première expérience forcément marquante. À ses côtés la plupart des autres acteurs sont des inconnus ou des acteurs porno qui font leur premiers pas dans le cinéma traditionnel. Pour les amateurs citons entre autre Evelyn Claire et Dana DeArmond sans omettre un certain Mark Spiegler, un des grands producteurs mondiaux de porno qui apparaît dans le film après avoir permis à la réalisatrice de pénétrer le milieu pour ses recherches. La seule actrice pro du cinéma traditionnel dans cet univers est donc Eva Melander qui joue la mère, vue notamment dans "L'Hypnotiseur" (2012) de Lasse Hallström et "Border" (2018) de Ali Abassi... Précisons que la réalisatrice à auditionner 600 actrices avant de choisir Sofia Kappel. Mais au vu du projet et du rôle difficile la cinéaste a d'abord beaucoup réfléchi pour être sûre que cette débutante allait avoir les épaules : "Il fallait d'abord que j'apprenne à la connaître, à savoir comment était sa famille, si elle venait d'un environnement stable. Il fallait qu'elle soit forte et mature car le rôle pourrait changer sa vie. C'était une grosse responsabilité pour moi." Le porno a déjà été abordé dans le cinéma traditionnel dont on peut citer des films comme "Boogie Nights" (1998) de Paul Thomas Anderson, "Classé X" (2000) de et avec Emilio Estevez, "On ne devrait pas Exister" (2006) de et avec HPG, "Lovelace" (2006) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman ou encore "Middle Men" (2011) de George Gallo, mais peut être que jamais un film n'avait osé une telle immersion frontale. Ce qui ne veut pas dire que le film pousse le bouchon jusqu'à montrer des scènes de sexe non simulées, bien au contraire. La réalisatrice aurait estimé que cela n'était pas nécessaire et que cela pourrait être une source de distraction ou de déconcentration pour certains spectateurs. En effet... Pour jeter une pierre dans l'eau d'entrée, il y a un soucis de crédibilité en ce qui concerne l'actrice Sofia Kappel. Non pas qu'elle soit mauvais, au contraire elle joue bien et offre une performance assez bluffante surtout pour un rôle aussi ingrat et difficile mais, désolé de le dire, elle n'a pas le physique d'un porno star ; elle n'a pas de seins, pas une once de poitrine ce qui ne colle pas à l'image générale et au "canon de beauté" du X, suffit d'ailleurs de comparer avec toutes les autres femmes qui apparaissent dans le film. Entre les petits seins et les seins refaient, l'absence totale chez Sofia Kappel laisse perplexe d'autant plus qu'il n'est jamais fait d'allusion sur ce qui reste tout de même un paramètre essentiel, ni même pour un proposer une augmentation mammaire. Il est difficile voir impossible de croire qu'une telle plastique ne soit pas plus évoquée.

La première demi-heure est un peu redondante, mais n'est-ce pas l'apanage de toute débutante qui court les castings ?! Comme l'a annoncé la réalisatrice-scénariste, la ligne directrice du film repose sur le consentement des actrices : "Il y a une injonction envers les femmes de prendre des responsabilités sociales et de ne pas poser de problèmes. L'industrie, elle, ne prend pas ses responsabilités. Sur un plateau, si vous voyez quelqu'un qui n'est pas à l'aise avec ce qu'il ou elle est en train de faire, il est de votre responsabilité de tout arrêter. Juridiquement, il y a quand même des zones grises, notamment en matière de scènes de viol. Légalement bien sûr, les hommes ne font rien aux femmes contre leur volonté, mais c'est évident que c'est de l'exploitation et moralement, c'est inacceptable à bien des égards." Tout est dit, mais après cette déclaration on a surtout l'impression que la cinéaste se tire une belle dans le pied avec le film. D'abord dire non peut faire perdre son job également aux hommes, voir plus eu égard à l'image machiste et viril du milieu qui le peut lui donner loisir de refuser un acte. D'ailleurs le seul point de vue masculin du film réside dans un homme black qui doit se piquer pour tenir plus longtemps ! Ensuite, à aucun moment on ne voit un homme agir contre la volonté d'une femme (je vois d'ici les harpies féministes hurler !), elle a toujours le choix, certe en risquant de perdre son job mais elle a toujours le choix qu'on le veuille ou non. D'ailleurs il est ironiquement triste de constater que le personnage principal de Bella accepte un travail en connaissance de cause avant de se plaindre. D'emblée, pour choisir de gravir les échelons du porno on sait qu'on est pas chez Disney. D'ailleurs, la réalisatrice dans une autre déclaration l'avoue : il fallait aussi montrer que Bella avait du pouvoir et qu'elle n'était pas nécessairement une victime ! Sur ce point, on peut dire que Ninja Thyberg évite un manichéïsme qui aurait pu être aisé. La réalisatrice a une grande qualité, celle d'assumer un style docu-fiction vraiment très pointilleux que ce soit sur la forme que sur le fond, et qu'elle tente de rester neutre et objectif. Forcément, vis à vis de la scène, on penche d'un côté ou non mais dans l'ensemble la cinéaste y arrive, et on peut déceler une certaine complaisance ou plutôt une indifférence quant à la frontière entre le X et la prostitution. Malgré tout, le film n'embellit rien et même dans le beau on y voit que le laid ce qui n'est pas non plus agréable durant 1h45 d'un film qui reste sans surprise : oui le milieu professionnel est une guerre... 

 

Note :            

 

11/20
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