Les Enfants du Soleil (2021) de Majid Majidi

par Selenie  -  28 Avril 2022, 12:04  -  #Critiques de films

Nouveau film de Majid Majidi, premier réalisateur iranien nommé aux Oscars du meilleur film étranger 1999, c'était pour "Les Enfants du Ciel" (1997). D'ailleurs ce nouveau projet a en commun avec ce film la thématique de l'enfance, sujet récurrent dans la filmographie du cinéaste à l'instar de ses autres films "Le Père" (1996) ou "La Couleur du Paradis" (1999). Pour ce nouveau film le cinéaste adapte le roman "The Sun" (2018) de Alireza Abedizadeh, dont il co-signe le scénario avec Nima Javidi lui-même réalisateur-scénariste de ses films "Melbourne" (2014) et "Sorkhpust" (2019). La thématique des enfants des rues est un sujet riche et dense qui a offert déjà de nombreux bons films, on peut ainsi citer "Los Olvidados" (1950) de Luis Bunuel, "Salaam Bombay !" (1988) de Mira Nair, "Ali Zaoua, Prince de la Rue" (2001) de Nabil Ayouch, "Favelas" (2014) de Stephen Daldry et Christian Duurvoort ou encore "Capharnaüm" (2018) de Nadine Labaki...

À Téhéran, Ali 12 ans et ses trois amis travaillent dur et survivent tout en assurant un soutien financier à leur famille entre les petits jobs et les menus larcins. Un jour, ils sont engagés par un chef de gang pour déterrer un trésor qui se trouve cacher dans une école. Les enfants s'inscrivent donc dans cette école du Soleil, faisant croire au directeur qu'ils veulent vraiment étudier. Ainsi ils vont devoir donner le change, étudier tout en creusant pour trouver ce trésor... Pour trouver les enfants, le casting concerne plus de 3000 enfants étendu sur plus de 4 mois, la bande est donc composé de jeunes acteurs débutants dont la plupart sont des vrais enfants des rues. On peut citer Ali Ghabeshi, Mohammad Mahdi Mousavifar, les deux frères Shamila et Abolfazi Shirzad qui sont des migrants afghans et Roohollah Zamani qui sera primé du Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir.  Les enfants sont entourés d'acteurs plus connus avec Ali Nassirian vu entre autre dans "La Vache" (1969) et "Le Cycle" (1974) tous deux de Dariush Mehrjui puis "Sattar Khan" (1972) et "Kamalolmolk" (1984) tous deux de Ali Hatami, Javad Ezati vu notamment dans "Kalashnikov" (2014) de Saheed Soheili et "Paradis" (2016) de Ali Atshani, et enfin l'actrice Tannaz Tabatabaei vue dans "Shirin" (2008) de Abbas Kiarostami, "Khashim va Hayaho" (2015) de Houman Seyyedi ou "Tala" (2018) de Parviz Shahbazi... On suit donc une bande de gamins des rues ou presque, qui se retrouvent dans l'obligation de s'inscrire dans une école à l'insu de leur plein gré pour trouver un trésor pour le compte d'une chef de gang. Dès le début on reste perplexe sur cette mission qui ne paraît guère vraisemblable. Un trésor sous un cimetière, qu'on ne peut retrouver que par un tunnel partant de la cave d'une école : pourquoi sous un cimetière ?! Pourquoi par une école ?! Surtout comment savent-ils par où creuser ?! Ce trésor tient finalement beaucoup d'un Macguffin à la Hitchcock, soit un prétexte sans grande consistance pour finalement nous emmener ailleurs. Ainsi, Majid Majidi veut avant mettre en avant un constat social à la fois triste et pessimiste.

Les gamins prennent goût petit à petit à l'école, malgré la discipline, grâce à l'abnégation d'un professeur, et surtout quand ils comprennent qu'ils ont tous des capacités qui peuvent les pousser plus loin et ainsi espérer un avenir meilleur. Mais il est aussi question de loyauté, de solidarité et ce même pour soutenir leur école qui pourrait fermer par manque de moyen financier. Le récit est mouvementé, le rythme soutenu, on sent la tension que les gamins (enfin leur leader surtout) se mettent pour assurer leur mission, le contre la montre que cela implique, on ressent la douleur et la fatalité qui affligent ces gosses mais on voit aussi leurs espoirs et leur courage, on admire leur débrouillardise et leur pugnacité... etc... Mais le réalisateur n'oublie pas non plus les professeurs, plus ou moins investis mais bien présents et qui font quoi qu'il arrive de leur mieux avec les moyens du bord. Le film est aussi un hommage au personnel scolaire. Le réalisateur-scénariste est aussi un malin, il montre la place des migrants afghans en Iran sans pour autant dénoncer la politique de son pays ce qui lui permet d'éviter la censure et, en prime, son gouvernement a même appuyé son film pour représenter l'Iran à l'Oscar du meilleur film étranger ! Le film dans l'ensemble est un peu bancal pourtant, par exemple on tique sur un tunnel qui se maintient sans bardage ni charpente ou on s'interroge sur la soudaine disparition de la fillette, et dans le même temps on se marre d'espérance lors de la "reconquête" de l'école et on est déchiré en même temps que le gosse quand il découvre le trésor... Maji Majidi signe un drame social, loin des canons hollywoodiens mais qui ne manque pourtant ni d'onirisme, ni d'aventure, ni de suspense tout en omettant pas de dénoncer ceux qui exploitent les enfants. Un très bon et très beau film qui manque juste un peu d'une émotion plus palpable (je chipote un peu !)...

 

Note :      

 

15/20
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