L'Affaire Collini (2022) de Marco Kreuzpaintner
Réalisateur allemand assez peu connu chez nous, Marco Kreuzpaintner a déjà abordé plusieurs genres bien différents comme la chronique "Summer Storm" (2005), le drame "Trade - les Trafiquants de l'Ombre" (2007) ou le fantasy "Le Maître des Sorciers" (2011). Cette fois il s'attaque à un drame historique certe fictionnel mais qui a un lien étroit avec l'Histoire avec un grand H. En effet, pour ce nouveau projet il choisit d'adapter le roman éponyme (2011) de Ferdinand Von Schirach, avocat devenu auteur qui dit avoir voulu traiter "de la justice d'après-guerre, des tribunaux dans la République fédérale, des jugements éhontés (...). C'est un livre qui porte sur les crimes dans notre Etat, sur la vengeance, sur la faute et toutes ces choses pour lesquelles, aujourd'hui encore, nous trainons le poids de l'échec." Il rajoute à propos de l'adaptation ciné "Marco Kreuzpaintner (...) livre une réflexion puissante sur la justice, la violence et l'oubli"... Des propos qui ont un écho particulier d'autant plus quand on sait que l'avocat-romancier est le petit-fils d'un dirigeant nazi en charge des Jeunesses Hitlériennes condamné à Nuremberg, Baldur Von Schirach (tout savoir ICI !). Le scénario est signé de Christian Zübert auquel on doit "Girls and Sex" (2001) de Dennis Gansel avant qu'il porte ses propres films dont "Trois Quarts de Lune" (2011), Robert Gold auquel on doit "Shahada" (2011) de Burhan Qurbani, puis Jens-Frederik Otto qui a oeuvré surtout à la télévision allemande... En 2001, Jean-Baptiste Meyer est assassiné dans un hôtel où on retrouve le meurtrier, Fabrizio Collini, prostré et mutique. Caspar Leinen, avocat débutant apprend bientôt que la victime est en fait Hans Mayer qui a été son bienfaiteur et dont il a aimé la petite-fille autrefois. Ses recherches pour comprendre les tenants et aboutissants de l'affaire vont pousser le pousser à remuer les souvenirs sombres et la Seconde Guerre Mondiale, de la justice post- nazi jusqu'aux causes et conséquences d'un loi méconnue mais incontournable, la loi Dreher de 1968...
Le jeune avocat est interprété par Elyas M'Barek vu dans "Girls and Sex" (2001) et "La Vague" (2008) tous deux de Dennis Gansel, puis aperçu dans le hollywoodien "The Mortal Instruments : la Cité des Ténèbres" (2013) de Harald Zwart. La petite-fille et ex-amante est jouée par la jolie Alexandra Maria Lara remarquée régulièrement de "La Chute" (2004) de Olivier Hirschbiegel au récent "The King's Man : Première Mission" (2021) de Matthew Vaughn en passant par "Control" (2007) de Anton Corbijn, "Rush" (2013) de Ron Howard ou "Suite Française" (2014) de Saul Dibb. Le défunt est interprété âgé par Manfred Zapatka vu dans "Et la Nuit Chante" (2004) de Romuald Karmakar et "Le Libre Arbitre" (2006) de Matthias Glasner, puis plus jeune par Jannis Niewöhner vu dans "La Reine Garçon" (2015) de Aki Kaurismaki, "Mute" (2018) de Duncan Jones ou "Cortex" (2020) de Moritz Bleibtreu. Le meurtrier présumé Collini est incarné par Franco Nero, star italienne depuis "Django" (1966) de Sergio Corbucci jusqu'à "The Lost City of Z" (2017) de James Gray en passant par "Tristana" (1970) de Luis Bunuel, "Querelle" (1982) de R.W. Fassbinder ou encore "Django Unchained" (2012) de Quentin Tarantino. Citons autour d'eux Rainer Block vu dans "Cheval de Guerre" (2011) de Steven Spielberg, "Barbara" (2012) de Christian Peltzold et "Wonder Woman" (2017) de Patti Jenkins, Heiner Lauterbach vu dans "L'Expérience" (2001) de Olivier Hirschbiegel et "Stalingrad" (2013) de Fiodor Bondartchouk, puis enfin Stefano Cassetti révélé dans le rôle titre "Roberto Succo" (2001) de Cédric Khan et vu dans "Un Poison Violent" (2010) de Katell Quillévéré et "Jeune et Jolie" (2013) de François Ozon... Le récit se déroule via des flash-backs, une partie "docu" qui se situe en 1944, une partie souvenirs de jeunesse dans les années 80 et le présent en 2001. Le réalisateur a étonnemment choisi de filmer 1944 comme un miroir (pour avoir de "fortes résonances contemporaines") à 2001 en tournant en numérique tandis que les souvenirs des années 80 ont été tourné en 35mm classique afin d'appuyer un grain plus suranné.
Le récit doit ainsi se mettre en perspective notamment avec ce qui paraît anodin en ce qui concerne l'avocat. Un avocat qui est prit de haut d'entrée, par sa jeunesse surtout, et dont l'origine étrangère en cette année 2001 donne un écho forcément particulier à la suite de l'affaire et pose des questions. Ce Hans Meyer était-il fondamentalement bon ?! Pas raciste ?!... etc... Mais malheureusement ces questions ne seront jamais approfondies. En effet, toute l'intrigue repose sur un seul fait, la loi Dreher de 1968 (tout savoir ICI !), une loi qui a permis aux anciens dignitaires nazis toujours en poste au parlement de créer une loi quasi d'amnistie pour leurs congénères ! Le soucis est que la promo du film repose sur cette loi et donc tue d'emblée tout suspense ou montée en tension. On attend donc patiemment le rebondissement attendu. Dommage... La construction narrative entre 1944, années 80 et 2001 matérialise les événements ni plus ni moins pour créer l'émotion. Pour 44 cela fait forcément son effet, mais pour les années 80 ça ajoute aux interrogations sur Hans Meyer et sur qui il était vraiment. Et enfin, on salue le casting, international mais également hétéroclyte. Si Elyas M'Barek est parfait en avocat novice et pro, on est surtout hypnotisé par Franco Nero qui touche au coeur sans presque un mot de dialogue. Par contre on peut se dire que le récit est trop focalisé sur les 4 premiers rôles, d'autres sont très sous-exploités voir accessoire comme la "livreuse-secrétaire" ou comme le père absent. D'autres passages paraissent inutiles comme l'accident de voiture. En conclusion c'est un film trop scolaire et didactique dans la forme, mais avec un sujet sur une loi Dreher qui reste fasci(s)ante de dégoût, et porté par un Franco Nero imposant et touchant.
Note :