Starship Troopers (1997) de Paul Verhoeven

par Selenie  -  2 Mai 2023, 09:01  -  #Critiques de films

Après le succès de "Robocop" (1987), le producteur Jon Davison et le scénariste Ed Neumeier souhaitent aussitôt renouveler le succès avec un nouveau film de SF, une envie encore accentuer après le second succès de Verhoeven avec "Total Recall" (1990). Mais il faut attendre que Davison découvre le roman "Etoiles, Garde-à-Vous !" (1959) de Robert A. Heinlein (considéré comme un des "3 grands" de la SF avec Isaac Asimov et Arthur C. Clarke) qui se rapproche beaucoup de ce qu'il avait en tête. Nous sommes en 1992, il en achète les droits, confie l'adaptation à Neumeier en pensant évidemment confier la réalisation à Verhoeven surtout que le cinéaste est alors en train de triompher une nouvelle fois dans le monde avec "Basic Instinct" (1992). Mais le livre est une oeuvre militariste et patriotique et cette dimension déplaît au cinéaste néerlandais qui a vécu sa petite enfance sous le joug nazi, à tel point qu'il avouera ne pas avoir pu achevé la lecture du roman. Pourtant le premier synopsis de Neumeier l'impressionne et travaille avec lui pour orienter le projet vers une anti-thèse, soit en faire au contraire un film satirique anti-militariste. Verhoeven déclare vouloir un scénario "jouant de l'imagerie fasciste pour pointer certains aspects de la société américaine", et qu'il veut en faire un film de guerre "comme il s'en tournait tant dans les années 1940 et 50, avec pour héros des jeunes gens pleins d'idéaux." Pour préparer sa satire anti-militariste et anti-propagande libérale le réalisateur étudie les films de Leni Riefenstahl cinéaste iconique du IIIème Reich et visionne la série documentaire "Pourquoi nous Combattons" (1942-1945) sur la propagande américaine lors de la Seconde Guerre Mondiale. Le projet prend forme et la production obtient un budget de 105 millions de dollars (le plus important qu'ait obtenu Verhoeven) ce qui est énorme alors que l'élan du cinéaste a pris un sacré coup de frein après l'échec cuisant de "Showgirls" (1995), mais ses succès SF précédents permettent de rester optimiste. Malheureusement, le film à sa sortie partage et crée assez de scandale pour plomber le box-office qui n'amasse que 121 millions de dollars au niveau mondial dont un peu moins de 1 million d'entrées France. Néanmoins, comme souvent le temps et la postérité vont redonner la place que le film mérite au point où des suites vont voir le jour mais en Direct-Video et malheureusement sans une once de talent ou d'ambition pour qu'il soit nécessaire d'en parler plus avant. Le film fut interdit à sa sortie au moins de 12 ans... Au 24ème siècle, la Terre est désormais organisée entre deux types d'habitants, les "citoyens" qui peuvent faire de la politique, enfanter plus facilement... et les "civils" qui ont un peu moins de droits ou moins de facilités. Tout est donc fait pour que les jeunes gens s'engagent dans l'armée unique moyen de devenir "citoyen" en servant leur planète. Le danger dans l'univers et donc les causes de conflits repose sur une espèce de monstres, sortes d'insectes géants nommés les Arachnides. Trois amis par des circonstances différentes vont s'engager dans des corps d'armée différents. L'apprentissage s'avère plus dure que prévu mais quand la ville dont ils sont originaires, Buenos Aires est rayée de la carte, les jeunes veulent plus que jamais en découdre avec les Arachnides...

Pour accentuer le décalage, entre l'horreur d'une guerre, l'engouement d'une jeunesse patriote le cinéaste a souhaité des jeunes premiers aux physiques avantageux, idéaux de sitcoms pour tenir les rôles principaux. Ainsi les quatre rôles principaux sont incarnés par Casper Van Dien révélé par la sitcom "On ne vit qu'une Fois" (1993-1994), qui va connaître une vraie ascension avec "Tarzan et la Cité Perdue" (1998) de Carl Schenkel ou "Sleepy Hollow" (1999) de Tim Burton avant de devenir un acteur de seconde zone oublié et has been, à l'instar d'ailleurs de ses deux partenaires Dina Meyer remarquée dans "Johnny Mnemonic" (1995) de Robert Longo et "Coeur de Dragon" (1996) de Rob Cohen, qui va connaître un sursaut avec la saga "Saw" (2004-...) initié par James Wan, puis Denise Richards remarquée dans "Alarme Fatale" (1993) de Gene Quintano et "Nowhere" (1997) de Gregg Araki avant de percer ensuite avec "Sexcrimes" (1998) de John McNaughton et "Le Monde ne Suffit pas" (1999) de Michael Apted pour se perdre ensuite, et finalement seul s'en est sorti Neil Patrick Harris révélé dans le film "Le Secret de Clara" (1988) de Robert Mulligan et la série TV "Docteur Doogie" (1989-1993) et qui connaîtra un véritable succès mondial avec la série TV culte "How i Met your Mother" (2005-2014). Parmi les jeunes soldats citons encore Jake Busey (fils de Gary Busey) vu dans "Twister" (1996) de Jan de Bont et "Fantômes contre Fantômes" (1996) de Peter Jackson, Seth Gilliam vu dans "Jefferson à Paris" (1995) de James Ivory et "A l'Epreuve du Feu" (1996) de Edward Zwick, Patrick Muldoon vu dans les sitcoms "Des Jours et des Vies" (1992-1995) et "Melrose Place" (1995-1996), et Eric Bruskotter vu dans "Dragon, l'Histoire de Bruce Lee" (1993) de Rob Cohen, "Dans la Ligne de Mire" (1993) de Wolfgang Petersen, "USS Alabama" (1995) et "Le Fan" (1996) tous deux de Tony Scott. Parmi les gradés citons Clancy Brown vu dans "Highlander" (1986) de Russell Mulcahy, "Les Evadés" (1994) de Frank Darabont ou "La Dernière Marche" (1995) de Tim Robbins, Brenda Strong vue dans "Malice" (1993) de Harold Becker et "Dangereuse Alliance" (1996) de Andrew Fleming, puis trois gueules bien connues qui se retrouvent avec Verhoeven après "Total Recall" (1990), Michael Ironside vu entre autre dans "Top Gun" (1986) de Tony Scott et "Highlander, le Retour" (1991) de Russell Mulcahy, Marshall Bell vu dans "The Brave" (1997) de Johnny Depp et "La Fin de la Violence" (1997) de Wim Wenders, et enfin Dean Norris vu dans "Terminator 2 : le Jugement Dernier" (1991) de James Cameron et "Bienvenue à Gattaca" (1997) de Andrew Niccol. N'oublions pas un petit rôle tenu par Steven Ford (fils du président Us Gerald Ford) aperçu dans "Heat" (1995) de Michael Mann ou "Contact" (1997) de Robert Zemeckis dans lequel joue également Jake Busey. Et en caméo on peut reconnaître le scénariste en condamné à mort, le producteur en habitant vindicatif affirmant que "un bon insecte est un insecte mort !", et même le conseiller militaire du film Dale Dye incarne un officier de haut rang... Paul Verhoeven voulait parodier la "perfection plastique" de ses acteurs comme les programmes qui les ont révélé, et les transposer dans un film de guerre SF sale et méchant pour mieux appuyer là où ça fait mal en jouant sur l'ironie et la satire. Ainsi dès les premières minutes on a droit à tous les clichés des sitcoms pour ados façon "Beverly Hills", entre le foot US, les amourettes en triangle, les ambitions, les différences sociales... Tout ça en une petite première partie qui instille aussi tout ce qui façonne l'impérialisme américain qui se veut modèle pour le monde.

Quand arrive l'incorporation militaire soudain le style n'est plus à l'insouciance estudiantine mais à l'insouciance du bleu qui n'a pas encore vu le sang. Armée façon Wermacht, symboles façon IIIème Reich, narration qui se vend comme une bonne propagande de "va t'en-guerre" comme le fait qu'une guerre peut être vite fait bien fait comme pouvait le croire les jeunes soldats en 1914. Verhoeven pousse tous les curseurs à fond pour mieux pointer du doigt la bêtise militariste. On peut encore s'étonner que certains y ait vu au contraire un film fasciste ! Le brûlot joue tant la carte du clichés parodiques que c'est pourtant d'une évidence sans appel. Verhoeven était déjà connu, un film fasciste aurait été contre nature aussi bien sur le fond que sur la forme. Outre les conflits teen movie du début (guéguerre en triangle amoureux vs ambition pour l'avenir, dispute avec parents,...) et les premiers pas militaires (dont une scène de douche collective dont le tournage s'est fait à poil même pour Verhoeven sur initiative de Dina Meyer !) qui emprunte à des chefs d'oeuvres du genre comme "Full Metal Jacket" (1987) de Stanley Kubrick, on note un réel travail sur l'écriture des personnages qui évite par contre la caricature sur le fond mais joué à outrance par leurs interprètes. Ainsi le grand héros Rico/Van Dien n'est pas si futé et reste influençable, Ibanez/Richards est une bimbo à cervelle qui ne joue que pour elle, Flores/Meyer est une guerrière égale à n'importe quel bonhomme mais craque pour le beau gosse, et enfin Jenkins/Harris est une sorte de génie télépathe mais inhumanisé. On peut y ajouter le sergent  machine de guerre, le chef devenu machine de guerre après avoir été prof (petite pensée au prof qui embrigade dans "A l'Ouest Rien de Nouveau" verison 1930). Mais on note aussi le parallèle entre humains et insectes, où comment venu de l'espace des insectes donnent la leçon aux humains du point de vue militaire (sens de la hiérarchie, apprendre de l'adversaire, formation de "corps" armés différents...) et là petite pensée aux romans de Bernard Werber le cycle des fourmis (1991-1996). Paul Verhoeven signe un pamphlet sanglant et cynique aussi grossier qu'intelligent à voir, revoir et à conseiller.

 

Note :  

17/20
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La séquence évoquée par l'affiche est... impressionnante!<br /> J'avas commencé par lire le livre, dans ma période "Heinlein", bien avant de voir le film. Vers la même époque, j'avais aussi lu "La guerre éternelle", une oeuvre qui, elle, avait été écrite en "rapport" avec la guerre du Vietnam (et qui a été adaptée en bande dessinée - je ne sais plus s'il y a eu un film ou non).<br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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