Total Recall (1990) de Paul Verhoeven

par Selenie  -  11 Janvier 2021, 10:18  -  #Critiques de films

Ce projet est d'abord une idée qui date des années 70 de deux scénaristes, Ronald Shusett et Dan O'Bannon futurs auteurs du chef d'oeuvre "Alien, le Huitième Passager" (1979) de Ridley Scott, qui décide d'adapter la nouvelle "Souvenirs à Vendre" (1966) de Philip K. Dick célèbre romancier qui sera plusieurs fois adaptés au cinéma avec entre autre "Blade Runner" (1982) de Ridley Scott, "Planète Hurlante" (1995) de Christian Duguay ou "Minority Report" (2002) de Steven Spielberg qui sera justement co-produit par les scénaristes de ce "Total Recall". Les deux scénaristes laissent leur projet  de côté car l'ambition technique du projet semble hors de portée à l'époque. Dans les années 80, le succès de "Blade Runner" relance le projet qui intéresse le nabab Dino de Laurentiis, puis passe dans les mains de David Cronenberg qui lâche pour "différends artistiques"  (mais certaines de ses idées vont rester comme les mutants de Mars et le personnage de Kuato) et s'en va retourner à son film "La Mouche" (1985), avant qu'un certain Arnold Schwarzenegger s'y intéresse. De Laurentiis se désinteresse définitivement suite à l'échec de "Dune" (1984) de David Lynch, Schwarzenegger alors tout auréolé du succès de "Terminator" (1984) de James Cameron de s'emparer des droits via Carolco Pictures et recrute personnellement le réalisateur Paul Verhoeven après avoir été impressionné par "Robocop" (1987) dont il a failli jouer le rôle titre. Pour finir, après une quarantaine de réécriture, le scénariste Gary Goldman, auteur des films "Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin" (1986) de John Carpenter et "Navy Seals les Meilleurs" (1990) de Lewis Teague, est embauché pour finaliser le scénario... 2048, sur Terre, Doug Quaid est hanté par des cauchemars qui l'emmène toujours sur Mars. Ces rêves paraissent si réels qu'il se décide à aller voir la société Rekall qui permet de matérialiser ces rêves mais l'expérience dérape et il se réveille avec la certitude qu'il était un espion redouté. Désormais en fuite, Quaid décide de partir sur Mars pour comprendre qui il est et pourquoi son identité a été modifiée...

Le héros est donc incarné par Arnold Schwarzenegger nouvelle star du  cinéma d'action après les succès de "Terminator", "Predator" (1987) de John McTiernan et "Jumeaux" (1988) de Ivan Reitman. Il est entouré de deux femmes à poigne jouée par Rachel Ticotin qui étoffera ensuite sa carrière avec des films comme "Chute Libre" (1993) de Joel Schumacher et "Man on Fire" (2004) de Tony Scott, puis surtout une certaine Sharon Stone alors actrice de seconde zone vue par exemple dans le dyptique "Allan Quatermain" (1985-1986) mais qui deviendra un sex symbol en retrouvant le réalisateur Paul Verhoeven pour "Basic Instinct" (1992) tandis qu'elle retrouvera Schwarzy pour un caméo dans "Last Action Hero" (1993) de John McTiernan. Citons deux rôles importants interprétés par Ronny Cox révélé dans "Delivrance" (1972) de John Boorman et qui retrouve Verhoeven après "Robocop", et surtout la "gueule" Michael Ironside déjà vu dans "Scanners" (1981) de David Cronenberg et "Top Gun" (1986) de Tony Scott et qui retrouvera le réalisateur dans le futur "Starship Troopers" (1997). Ironside et Verhoeven retrouveront d'ailleurs sur ce film également les acteurs Marshall Bell qui retrouve ici Schwarzy après "Jumeaux", puis Dean Norris qui retrouvera aussi Schwarzy dans "Terminator 2" (1991) de James Cameron. Pour finir citons encore l'acteur Ray Baker déjà vu dans "Silverado" (1985) de Lawrence Kasdan et "Rain Man" (1988) de Barry Levinson. Outre les acteurs, Verhoeven fait appel à une bonne partie de son équipe technique de "Robocop" dont le Directeur Photo Jost Vacano, Le Chef Décorateur William Sandell, le monteur Frank J. Urioste et le maquilleur Rob Bottin... Outre les idées de Cronenberg vues plus haut, le scénario prend quelques libertés vis à vis du livre, quelques éléments (robot poli ou prostituée à trois seins) sont tirés du livre "Guide du Voyageur Galactique" (1978) de Douglas Adams ce qui instille une certaine légèreté à une intrigue sérieuse ce qui donne un film de SF entre action movie et thriller qui ne manque pas de fantaisie. Mais d'autres points divergent de la nouvelle de l'auteur, dans le film une partie se déroule sur Mars (uniquement sur Terre dans la nouvelle), les services de l'Interplan sont malveillants (neutre dans la nouvelle) tandis que l'épouse est une espionne (pas du tout dans l'oeuvre de Dick).

Mais par contre Verhoeven a gardé le plus important, l'esprit et surtout le fait qu'on ne peut jamais affirmer ou non que le héros est est oui ou non dans la réalité ! En effet, le personnage se retrouve avec une double identité, Doug Quaid et Carl Hauser, et nous ne pouvons jamais clairement savoir si l'une ou l'autre est la vraie. Par là même l'intrigue ne fait que poser des questions sans jamais réellement y répondre. Par exemple : Doug Quaid vit-il encore un rêve ou est-il effectivement Carl Hauser ? Est-il en train de vivre l'expérience chez Rekall en ayant simplement rêvé l'incident technique ? Ou a-t-il été configuré pour devenir Carl Hauser ?... Sans compter les questions philosophiques qui peuvent en découler ! La vraie force du film réside dans ces questions qui imposent un suspense fort autour de la mémoire et du temps. On pense beaucoup alors aux thématiques qu'on a pu voir dans les films de Christopher Nolan avec "Memento" (2000) et "Inception" (2010). On s'attache durant tout le récit à comprendre et à déceler le vrai du faux, à faire le distingo entre réalité et délire dans une mission quasi ubuesque (des passages peuvent paraître saugrenus comme la serviette sur la tête, le déguisement de Quaid...) qui va à 100 à l'heure. Notons qu'il y a bien quelques incohérences ou maladresses comme la séquence du métro où les policiers semblent soudain non concernés ou le fait que Doug et Melina n'ont aucune séquelle comme les autres habitants devenus mutants, mais le film est rythmé et très efficace même si on peut être un chouïa déçu par quelques décors ou effets spéciaux à une période contemporaine où des films comme "Predator" et "Terminator 2" (pour ne citer que ceux avec Schwarzy !) impressionnent beaucoup plus. Paul Verhoeven signe un film plus profond qu'il n'y paraît, qui répond bien aux thèses du livre. Un excellent moment. Quelques années plus tard sortira "Total Recall : Mémoires Programmées" (2012) de Len Wiseman, à la fois remake et nouvelle adaptation.

 

Note :     

16/20

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