Une Zone à Défendre (2023) de Romain Cogitore

par Selenie  -  13 Juillet 2023, 07:30  -  #Critiques de films

Premier film original français pour la plateforme Disney+ avec cette production sérieuse et d'actualité vis à vis de ce qu'on pourrait attendre de la firme aux Grandes Oreilles. L'idée est venue à la lecture d'un article de presse britannique en 2011 sur les faits véridiques d'un policier anglais qui avait infiltré des activistes "éco-terroristes", et qui avait eu des enfants avec des militantes. Le projet est réalisé par Romain Cogitore (frère de Clément Cogitore) auquel on doit "Nos Résistances" (2011) et "L'Autre Continent" (2019). Il co-écrit le scénario avec Thomas Bidegain scénariste fidèle des meilleurs films de Jacques Audiard depuis "Un Prophère" (2009), qui a aussi écrit "Ni le Ciel ni la Terre" (2015) de Clément Cogitore ou le récent "Notre-Dame Brule" (2022) de Jean-Jacques Annaud, puis avec Catherine Paillé habituée aux oeuvres à dimension sociale comme "Shéhérazade" (2018) de Jean-Bernard Marlin, "Les Pires" (2021) de Lise Akoka et Romane Gueret, "Le Sixième Enfant" (2022) de Leopold Legrand ou "Sages-Femmes" (2023) de Léa Fehner. Romain Cogitore a longuement enquêté sur les ZAD et y a même vécu pour s'imprégner et étoffer le côté réaliste, et s'est beaucoup inspiré du livre "Undercover : the True Story of Britain's Secret Police" (2012) de Rob Evans et Paul Lewis journalistes chez The Guardians, notamment sur l'affaire Mark Kennedy (Tout savoir ICI !), que le cinéaste a fait lire à son acteur principal... 

Un officier de la DGSI, sous le pseudo Greg infiltre une communauté ZAD. Une mission qui doit lui permettre d'intégrer un service plus intéressant. Il rencontre dans la ZAD le militante Myriam avant de devoir remonter à Paris pour d'autres missions. Plusieurs mois plus tard, il doit retourner dans la ZAD pour tenter de piéger des militants allemands. Mais à son retour il découvre que Myriam à eu un bébé. Bouleversé Greg voit ses convictions bousculées par son amour naissant et ses nouvelles responsabilités... Le flic infiltré est incarné par François Civil qui retrouve un rôle de flic après celui plus musclé de "BAC Nord" (2021) de Cédric Jimenez, puis retrouve après "Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan" (2023) de Martin Bourboulon sa partenaire et amante Lyna Khoudri vue récemment dans "Houria" (2022) de Mounia Meddour. La supérieure de la DGSI est interprétée par Nathalie Richard vu dernièrement dans "L'Amour et les Forêts" (2023) de Valérie Donzelli et "Jeanne Du Barry" (2023) de et avec Maïwenn, tandis que la maman de Greg est jouée par Anne Alvaro dont on se rappelle surtout en prof d'anglais dans "Le Goût des Autres" (1999) de Agnès Jaoui et "Camille Redouble" (2012) de et avec Noémie Lvovsky. Les zadistes sont joués notamment par Bellamine Abdelmalek aperçu dans "J'ai Perdu mon Corps" (2019) de Jérémy Clapin et "Une Histoire d'Amour et de Désir" (2021) de Leyla Bouzid, Félix Bossuet surtout remarqué dans le rôle titre de la trilogie "Belle et Sébastien" (2013-2017), Nico Rogner aperçu entre autre dans "Séraphine" (2008) de et avec Yolande Moreau et "Looking for Simon" (2011) de Jan Krüger, Oona Von Maydell aperçue dans "The Bunker" (2015) de Nikias Chryssios et "À Contre-Courant" (2018) de Ziska Riemann, Mona Walravens vu dans "La Vie d'Adèle" (2013) de Abdellatif Kechiche ou "Madeleine Collins" (2021) de Antoine Barraud, puis enfin Manon Bresch vue dans "La Troisième Guerre" (2020) de Giovanni Aloi et "Sirley" (2021) de Elisa Amoruso... Le premier bémol vient de l'affiche qui dévoile de façon limpide le "twist" qui n'en est donc pas un, et un fil conducteur qui nous amène logiquement à une fin attendue car l'amour est plus fort que tout évidemment. Ainsi, le film débute aussitôt avec l'arrivée de Greg dans la ZAD, sa rencontre avec Myriam, le coup de foudre et quelques exemples de conflit entre bons zadistes et méchants flics même si il y a un effort pour éviter tout manichéïsme qui se résume à 2mn de dialogues entre un militant et un policier.

À la base, un film sur les infiltrés (souvent qui concerne la Mafia) suit un canevas aussi efficace que logique, la mission, l'abnégation du flic, l'empathie de ce flic pour ceux qu'il doit lutter, le conflit d'intérêt ou plutôt le conflit idéologique et intime, le risque d'être "retourné"... etc... Mais cette fois on est loin du crime organisé, et on découvre que la mission à surtout un but politique et non judiciaire d'où la réflexion sur l'aspect légitime de l'utilisation de la police. La vraie réussite du film reste son scénario, qui réussit judicieusement à relier les deux intrigues, le côté "éco-terrorisme" et le côté "famille" qui sont traités à égalité sans que l'un parasite l'autre. On ne jugera pas la façon dont Myriam s'occupe de son enfant (irresponsable à minima) qui gêne un peu mais qui n'a pas de conséquences directes sur le récit. Le rythme est assez soutenu, ce qui montre aussi le stress permanent dans la ZAD, mais aussi celui du flic qui doit mener de front sa couverture d'infiltré et son désir d'assumer l'enfant. Le couple Civil/Khoudri est charmant et porte magnifiquement le film. Le récit est tendu, bien écrit, cohérent mais manque un peu d'audace. Sur le fond ça reste très démago et politiquement correct dans son message unilatéral qui frôle la paranoïa ou le complotisme (faire disparaître un flic ou un militant gênant ?!), jusque la fin à l'happy end facile pour être sûr d'émouvoir. Néanmoins, c'est bien fichu, prenant avec deux acteurs investis et au diapason qui ne sont pas pour rien dans ce film qui reste un très bon moment.

 

Note :                 

13/20
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