Dheepan (2015) de Jacques Audiard
"Un héros très discret" (1996), "Sur mes lèvres" (2001), "De battre mon coeur s'est arrêté"(2005), "Un Prophète" (2009) et "De rouille et d'os" (2012), pas un film qui mériterait moins de 15/20 et Jacques Audiard confirme une nouvelle fois tout son talent avec ce nouveau film, Palme d'Or à Cannes cette année, qui signe là un film qui dénote un peu de ses précédents. Cette fois plus de violence dans l'action notamment et un mélange des genres plus pregnant, très très lointainement inspiré de "Lettres Persanes" de Montesquieu. Audiard co-écrit le scénario avec Thomas Bidegain pour leur troisième collaboration.
On suit donc un homme, une femme et une petite ado qui ne se connaissent pas mais qui vont faire croire qu'ils forment une famille unis dans la tragédie pour émigrer en France. Ils ne se connaissent pas, ne s'aiment pas (lui est un Tigre Tamoul, elles sont des victimes) mais vont devoir vivre comme si, dans une cité parisienne aux mains des dealers. Hormis Vincent Rottiers, les acteurs sont tous des débutants dont la "famille" sri lankaise. Antonythasan Jesuthasan (lui) est écrivain et lui-même ancien enfant soldat des Tigres Tamouls, Kalieaswari Srinivasan (elle) est une actrice de théâtre connue en Inde. Ils forment un couple touchant malgré qu'on touche parfois à l'antipathie, c'est là tout le travail magnifique sur l'écriture. Ces deux personnages qui se haïssent presque au début de leur relation vont peu à peu s'apprivoiser. Le scénario est tout aussi judicieusement écrit, revisitant les genres. On passe du drame social au thriller qui emprunte beaucoup au western (urbain, annonciateur du prochain western prévu par Audiard ?!), où comment un inconnu qui veut se cacher et oublier un passé douloureux qu'on pousse à bout peut réveiller ses instincts les plus primaires. Malheureusement la fin déçoit un peu. Le western vire au Vigilante movie et la dernière scène n'est pas en adéquation avec le pessimisme du reste du film, on est presque surpris de cette fin de la part de Audiard. Tourné en Tamoul pour une grande partie, on est immergé de la meilleure façon dans l'intimité de la famille, la rareté de la langue y fait sans nul doute. Des acteurs magnifiques, profonds, qui transpirent la sincérité dans une tragédie moderne et actuelle. La mise en scène de Audiard est toujours aussi immersive et réaliste. Un magnifique film, prenant. Il est juste dommage que la fin soit un peu plus bancale.
Note :