Stromboli (1950) de Roberto Rosselini
Chef d'oeuvre du néo-réalisme de l'Åge dOr du cinéma italien, ce film est aussi connu pour le scandale sous-jacent... En effet, ce film aurait dû revenir à Anna Magnani, avec qui le réalisateur avait déjà tourné "Rome Ville Ouverte" (1945) et "L'Amore" (1948) mais c'était sans compter sur le destin. La star suédoise Ingrid Bergman avait écrit une lettre à Roberto Rosselini pour exprimer son admiration et lui signifier qu'elle aimerait tourner avec lui. Il n'en fallu pas plus pour que le réalisateur lui propose le rôle. Ils devinrent amants pendant le tournage, ce qui fit les choux gras des jounaux poubelles, les deux amants étant déjà mariés et la belle étant même enceinte ! Le scandale fut tel que les considérations morales et puritaines de l'Amérique bien pensante eurent raisons du film qui fut un bide en salle et qu'Hollywood coupa l'herbe sous le pied du réalisateur italien en tournant "Vulcano" (1949 - du nom de l'autre volcan de l'ile !) de William Dieterle, sur une histoire très ressemblante en offrant le premier rôle à... Anna Magnani !... Ingrid Bergman, quant à elle, ne reviendra aux Etats-Unis qu'en 1956, après sa rupture avec Rosselini, et comme une félicitation miséricordieuse du pardon, elle reviendra triomphante en remportant l'Oscar pour "Anastacia" (1956) de Anatole Litvak... Entre temps Ingrid Bergman ne tournera quasi qu'avec son amant-réalisateur, suivront donc "Europe 51" (1951), "Voyage en Italie" (1953), "La Peur" (1954) et "Jeanne d'Arc au bûcher" (1954), étonnant dernier film qui fait forcément écho à "Jeanne d'Arc" (1948) de Victor Fleming dans lequel la star jouait déjà !...
Bref, "Strombili" est un film aux coulisses mouvementées qui ne doit en aucune manière ni cacher ni gâcher les qualités intrinsèques à cette oeuvre sublime et envoûtante qui fait l'économie de dialogues superflus pour mieux nous plonger dans l'âpreté de l'ile volcanique. Pour l'anecdote, le volcan Stromboli est le volcan le plus actif d'Europe entrant en éruption quasi toutes les heures (!). L'éruption du film est réelle et servit à merveilles le scénario prévu. Outre les paysages aussi sauvages qu'inhospitaliers, le fond de l'histoire est plus complexe qu'il n'y parait. Ingrid Bergman interprète une réfugiée lituanienne retenue en 1945 pour avoir été maitresse d'un officier allemand. Pour se sauver de sa situation, elle accepte d'épouser et de suivre un époux pêcheur sur l'ile de Stromboli. Mais la jeune femme ne s'attendait pas à une vie aussi rude et solitaire, victime des ragots et autres rumeurs dans un village vivant en quasi autarcie, au rythme des éruptions volcaniques. Après des efforts plus ou moins louables, Karin/Ingrid ne rêve alors qu'à une seule chose, quitter ce monde pour partir outre Atlantique... Rosselini dépeint la vie insulaire en quasi documentaire, montrant la pêche au thon et tournant avec les villageois comme acteurs. D'ailleurs même, le mari de la star, Mario Vitale, qui joue Antonio n'est en fait qu'un manoeuvre pour le transport du matériel à l'origine ! Le récit se lit donc en double ligne, le quotidien des pêcheurs et les superstitions du microcosmes insulaire face à cette jeune réfugiée prisonnière d'un mode de vie qu'elle n'a pas choisi dans un monde où Dieu est symbolisé par le volcan... En prime une Ingrid Bergman au sommet dans un rôle qui n'est pas sans faire écho à son rôle dans l'autre chef d'oeuvre "Les Enchaînés" '1946) de Alfred Hitchcock. Un film à la poésie étouffante mais envoutante et sublime.
Note :