Espèces Menacées (2017) de Gilles Bourdos
Après le récit historique "Renoir" (2013), le réalisateur Gilles Bourdos retrouve son scénariste Michel Spinosa (également réalisateur avec "La Parenthèse Enchantée" en 2000 ou "Anna M." en 2007) pour une histoire adaptée de la nouvelle éponyme (2003) de Richard Bausch (et non pas de "Turks Fruit" de Jan Wolkers comme indiqué sur certaines sources). N'en déplaise à Gilles Bourdos, qui voulait se démarquer du film choral, "Espèces Menacées" est bel et bien un film choral où se croisent et s'entrecroisent les membres de trois familles niçoises.
Il y a des parents qui souffrent de voir leur fille battue par son mari, il y a un autre couple qui se sépare au moment où leur fille leur annonce être enceinte d'un homme plus âgé que son père et, enfin, un étudiant qui doit gérer la démence de sa mère après que le père soit parti avec une femme plus jeune. Au casting de tout ce petit monde il y a des habitués du cinéma de Bourdos avec Vincent Rottiers, Brigitte Catillon, Frédéric Pierrot et Carlo Brandt, ainsi qu'une jolie palette de talents de tous horizons avec Alice Isaaz, Grégory Gadebois, Suzanne Clément, Eric Elmosnino, Alice De Lencquesaing (déjà enceinte dans le récent "Ôtez-moi d'un doute" de Carine Tardieu) et Pauline Etienne (malheureusement de plus en plus bas au générique). Le scénario est construit sur le mode de la confrontation, ce qui peut être lassant parfois, car en plus du fatalisme ambiant il n'y a guère de joie ou même d'espérance avant qu'on devine vite la fin de quelques personnages. En fait, la famille de la fille battue monopolise clairement le film, elle tient la ligne directrice à tel point que le duo Bourdos-Spinosa délaisse les autres protagonistes. Par exemple, le père séparé qui a une fille enceinte d'un sexagénaire est surtout montré comme le voisin d'une jeune femme battue, ses soucis passent aux oubliettes. C'est dommage car les deux autres familles prennent soudain moins d'importance alors que leur drame n'est pas moins intéressant, bien au contraire. Sinon on peut pointer un montage plus qu'aléatoire, qui crée des transitions parfois hasardeuses entre les différentes parties.
Mais les émotions passent, les personnages sont authentiques et sont surtout merveilleusement interprétés par des acteurs en très grande forme. Alice Isaaz est aussi belle qu'émouvante en femme battue, Vincent Rottiers a toujours ce petit truc à la fois hargneux et rugueux, Grégory Gadebois impose sa sobriété et sa douleur, Alice de Lencquesaing est une adorable femme enceinte, Suzanne Clément est une mère déchirée et brisée, Eric Elmosnino est d'une justesse impeccable, Brigitte Catillon est une chieuse démente, reste peut-être Damien Chapelle, un peu lisse pour un personnage attachant mais trop caricatural. Gilles Bourdos signe une tragédie qui offre son petit message optimiste mais assez inabouti, qui pèche surtout par une fin convenue et attendue, qui délaisse une fois de plus trop de personnages. Un patchwork de la société qui va mal toutefois intéressant, souvent dur, parfois émouvant.
Note :