D'Après une Histoire Vraie (2017) de Roman Polanski
Après "La Vénus à la Fourrure" (2013), voici le nouveau film de Roman Polanski dans un contexte particulier, entre sa rétrospective à la Cinémathèque et les scandales sexuels qui poursuivent le réalisateur que l'affaire Weinstein a réveillés... Les cœurs sont à vif et la déferlante média et réseaux sociaux font qu'on en oublie un peu ce qui nous intéresse, à savoir le cinéma et les films. Force est de constater qu'on est en période où il faudrait bannir du 7ème Art certains noms et, que par ricochet, on sabre des chefs d’œuvres pour un nom au générique. C'est oublier bien vite qu'un film ne se fait pas seul... Ceci étant dit revenons à ce film adapté du roman éponyme (2015) de Delphine de Vigan, best-seller qui a reçu les Prix Renaudot et Goncourt des Lycéens.
Pas du tout surprenant qu'une telle histoire ait plu au cinéaste, un thriller psychologique sur fond de panne artistique et d'un face à face tendu entre deux femmes. Les deux femmes sont jouées par Emmanuelle Seigner, épouse de Polanski depuis 1989 à la ville et 5ème film sous sa direction après justement "La Vénus à la Fourrure", et par Eva Green sublime actrice caméléon qui tourne en France et en français ce qui est très rare. Au casting on notera les seconds rôles tenus par Vincent Perez, Camille Chamoux et Dominique Pinon. Ce film est aussi la première collaboration entre Polanski et le réalisateur Olivier Assayas, ils co-signent le scénario avec une grande fidélité au roman. Néanmoins, on verra que sur ce dernier point la réussite est mitigée. Donc on suit Delphine, romancière à succès et tourmentée qui n'arrive plus à écrire, et qui rencontre une femme mystérieuse, "Elle" qui va petit à petit devenir confidente, amie, secrétaire jusqu'à s'imposer définitivement et à prendre les commandes de sa vie...
Très vite, voire trop vite on devine où veut nous emmener Polanski, dans un récit prenant mais convenu à tel point qu'on sait déjà comment ça va terminer. D'abord on aurait aimé deux femmes moins caricaturales, leurs personnages manquent de subtilité et d'une certaine ambiguïté, surtout pour Elle/Green. Mais là où Polanski se prend les pieds dans le tapis c'est en omettant ce jeu trouble entre réalité et fiction, ce côté schizophrène qui ne prend jamais. Pour une rare fois Polanski râte la dimension psychologique de son film et dérive vers une version féministe et féminine de "Misery" (1991) de Rob Reiner. A sa décharge, il semble que les producteurs aient forcé la main à Polanski pour qu'il tourne vite afin d'être prêt pour le Festival de Cannes. Pour cela Polanski a dû renoncer aux répétitions en amont qu'il affectionne et a dû accélerer la post-production également. Résultat, on a la désagréable impression que le cinéaste s'est désintéressé de son film pour en faire un thriller banal et juste assez calibré pour surnager sans panache au sein de sa filmo. Quel dommage... Absence totale de tension sexuelle, des seconds rôles sans consistance, un suspense inexistant car le twist est connu d'avance, reste deux belles actrices malheureusement pas servies par des personnages mal écrits et un réalisateur lui-même pas aidé par ses producteurs. Un film mineur pour Polanski, certainement sur le podium de ses films les plus médiocres.
Note :