Un Homme et une Femme (1966) de Claude Lelouch

Film mythique s'il en est, entré dans l'inconscient collectif grâce à sa mélodie devenue tout aussi culte. Le réalisateur Claude Lelouch est dans une période de doute après l'échec du tournage du film "Les Grands Moments" (1965 - film inachevé et disparu) et, se promenant sur une plage de Deauville, a vu une femme marcher au loin avec une petite fille jouant à ses côtés. Ainsi, seul avec ses pensées il commença à imaginer la vie de cette femme... Après avoir imaginé l'histoire d'un homme et d'une femme, soit deux veufs inconsolables qui se rencontrent et finissent par s'aimer passionnément, le réalisateur retrouve Pierre Uytterhoeven, son fidèle scénariste de "L'Amour avec des Si" (1963) à "Ces Amours-là" (2010). A l'origine le cinéaste porta son choix sur Romy Schneider mais la rencontre entre eux ne se passe pas bien, l'actrice émettant des critiques sur le scénario notamment. Au final le couple est donc incarné par Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée.

Précisons que Claude Lelouch tenta de séduire cette dernière mais elle succombera à son partenaire à l'écran Pierre Barouh, qu'elle épousera par ailleurs celui qui deviendra le fondateur du label de World Music Saravah, encore aujourd'hui connu comme le plus vieux label en activité... Pierre Barouh qui est également interprète des chansons du film avec Nicolle Croisille, tandis que le compositeur est Francis Lai qui signe là sa première partition pour le cinéma avant de définitivement se faire un nom après son Oscar pour "Love Story" (1970) de Arthut Hiller... A noter que le scénariste Pierre Uytterhoeven et Francis Lai seront de pratiquement tous les films de Lelouch à l'avenir. Tandis que les acteurs tourneront encore avec Lelouch également, Trintignant tournera encore 4 films et Anouk Aimée encore 8 films... Sur ce film Claude Lelouch est à la fois le réalisateur, coscénariste, producteur, et directeur de la photographie. Le film oscille entre Noir et Blanc pour le présent et passage couleur pour les flash-backs mais ce n'est en rien un choix stylistique de Lelouch mais une condition nécessaire pour entrer dans le budget. Finalement ce n'est donc pas un système artistique mais un choix opportuniste. Il est vrai que ça n'est pas franchement utile mais ce choix s'avère plutôt heureux. On notera un Noir et Blanc un peu sépia, moins répandu en général.

Le vrai soucis est que l'histoire n'est ni palpitante ni surprenante, une simple histoire d'amour. Ensuite les dialogues sont soit banals ou trop écrits, qui paraissent bien fades devant toute la symbolique ampoulée de Lelouch. En effet, le cinéaste impose sa technique et son savoir-faire à tout va mais sans mesure. On passe donc à une technique de l'image inspirée et créative à des séquences trop appuyées voir peu subtiles. Par exemple on apprécie les gros plans et les contre-jours, l'atmosphère un peu désenchantée mais on est moins convaincus par le décalage entre sons et et images. Autrement on passera sur les séquences particulièrement longues et ennuyeuses comme la course automobile qui accentue la sensation d'ennui. La force du film est que Lelouch était à l'évidence un peu en avance sur son temps et que son talent frappe ici dans une démonstration de force. Le film eut un réel impact au niveau mondial (l'anecdote connue d'un journaliste du Times qui, éblouit par le film, quitta son pays l'Australie pour venir vivre en France !). Multi-primé dont deux Oscars (meilleur film étranger et meilleur scénario) et trois Golden Globes (meilleur film étranger, meilleur réalisateur et meilleure actrice), et surtout une Palme d'Or au festival de Cannes (ex-aequo avec "Ces Messieurs Dames" de Pietro Germi). Sans doute un peu ennuyeux sur le fond, mais intéressant et riche sur la forme il n'en demeure pas moins que Claude Lelouch restera à la postérité avec ce film. A voir.

Note :