Colette (2018) de Wash Westmoreland
Colette, une des grandes dames de la littérature française, déjà incarnée au cinéma par Mathilda may dans "Devenir Colette" (1991) de Danny Huston et par Marie Trintignant dans "Colette, une femme libre" (2004) de Nadine Trintignant. L'oeuvre de Colette fut également mainte fois portée à l'écran dont "Gigi" (1958) de Vincente Minnelli et "Chéri" (2009) de Stephen Frears... Le projet est d'abord une volonté du réalisateur-scénariste Richard Glatzer qui aimait beaucoup l'auteur et qui proposa d'en faire un film à Wash Westmoreland, également réalisateur-scénariste et son compagnon à la ville. Les deux hommes ont commencé l'écriture dès 2001 mais il a fallu une vingtaine de versions et surtout le succès de leur dernier film "Still Alice" (2014) pour relancer le projet. Le couple Glatzer-Westmoreland s'est installé en France pour écrire où le destin a voulu qu'il puisse rencontrer Anne de Jouvenel, la petite-fille de Colette par le biais de la tante d'un ami. Wash Westmoreland explique : "Nous voilà ensuite à Paris en train de prendre une tasse avec la baronne de Jouvenel. Nous avons sympathisé avec elle et elle a été emballée par notre projet : elle nous a autorisés officiellement à utiliser tous les textes de Colette qui figurent dans le scénario."... Malheureusement, Richard Glatzer meurt en 2015 et son époux (en 2013) Wash Westmoreland décide de finir le film seul. Néanmoins, la productrice Elizabeth Karlsen lui conseille de collaborer avec un autre scénariste, malgré ses réticences il accepte lorsqu'il voit le nom de Rebecca Lenkiewicz connue pour son travail sur le chef d'oeuvre "Ida" (2013) de Pawel Pawlikowski et qui a signé récemment le beau "Désobéissance" (2018) de Sebastian Lelio...
Pas un biopic intégral, le film se focalise sur la période 1893-1906, pendant le mariage de la jeune Colette (tout savoir ICI !) avec Henry Gauthier-Villars dit "Willy", figure du Paris littéraire plus âgé qu'elle. Les acteurs choisis pour les incarner ont environ la même différence d'âge quoique tous deux un peu plus âgés que leurs personnages respectifs. Colette est donc incarnée par Keira Knightley qui se faisait rare avec seulement 3 longs métrages sur ces 4 dernières années et qu'on avait pas vu depuis "Pirates des Caraïbes : la Vengeance de Salazar" (2017) de Joachim Ronning et Espen Sandberg. Son époux est joué par Dominic West, acteur très éclectique vu dans "The Square" (2017) de Ruben Östlund et "Tomb Raider" (2018) de Roar Uthaug. Pour son film le réalisateur a tourné un peu à Paris, surtout pour les extérieurs mais la campagne française a été reconstituée dans la campagne anglaise (?!) tandis que, pour des raisons financière évidente, le Paris de la Belle Epoque a été tourné à Budapest (Prague étant le plus souvent choisi). Pour le style, Westmoreland précise que ses références ont été surtout les films "Le Plaisir" (1952) et "Madame De..." (1953) tous deux de Max Öphuls, mais le spectacle de danse en particulier a été inspiré par "Metropolis" (1927) de Fritz Lang. La thématique d'une artiste talentueuse qui se cache derrière le nom de son mari est récurrent dans pas mal de biopics comme récemment "Big Eyes" (2015) de Tim Burton. Mais ce qui est intéressant dans ce film, et donc dans la vision de la relation entre Colette et son époux, c'est que si l'époux semble est un goujat de la pire espèce Colette semble dans le même temps très bien s'en accommodé, une vente bien précise fait pencher la balance. Mais on se surprend à voir Colette accepter les écarts de son époux et d'en prendre son parti pour faire de même de son côté.
Cette relation "libre" permet en un sens un amour qui reste réelle à défaut d'être conventionnel et, par là même, peut-on, penser que Colette ne serait jamais devenue Colette sans ce premier mariage, sans ce premier amour qui semble de toute façon avoir été sincère. Le propos ouvertement féministe n'est donc pas foncièrement unilatéral, car l'époux façonne sa femme comme il l'entend mais le féminisme de Colette n'est inconscient et ne se détermine vraiment que lorsqu'elle prend son émancipation en main... C'est sur cette relation amoureuse et son traitement qui passionne dans ce film, mais justement, ironie du sort le film en manque cruellement de passion justement. En effet, les amours sont sans émotion et la chair est triste (et je n'ai pas lu tous les livres !), Par exemple la relation conjugale reste bien sage, les infidélités sont vites expédiées tandis que la partie des arts sur scène manque de flamboyance. On ressent comme un manque d'audace du cinéaste dans cette période ou pourtant Colette était une scandaleuse. A cela le film ne ressemble pas assez à son sujet, trop timoré. Bref, si on salue la beauté des décors et des costumes, avec de bons et beaux acteurs et une relation fascinante on reste sur notre faim où les soirées plus ou moins orgiaques sont justes suggérées, les salons sont peu explorés et finalement la reconstitution manque un peu de piquant. Un beau film, ludique sans doute, assez sans doute pour passer un bon moment à défaut d'être assez romanesque pour marquer. A conseiller néanmoins, ne serait-ce que pour Colette...
Note :