Balloon (2021) de Pema Tseden
Nouveau film du réalisateur chinois Pema Tseden, auteur, producteur-réalisateur-scénariste d'abord connu pour des films comme "Le Silence des Pierres Sacrées" (2005), "Tharlo" (2015) ou "Jinpa une conte tibétain" (2018), mais plus tristement il est connu pour avoir été victime d'une arrestation suivi de tortures en 2016 par les autorités chinoises qui avait eu un certain retentissement qui a rappelé les exactions dont souffrent les minorités en Chine. Au départ, le cinéaste avait eu l'idée de cette histoire au début des années 2000 alors qu'il étudiait à l'Académie du cinéma de Pékin. Pensé dès le départ comme un film il en écrira pourtant une nouvelle car à l'époque la censure était trop forte. C'est donc des années plus tard qu'il trouvera le financement nécessaire à l'adaptation de sa nouvelle sur ce sujet tabou, surtout en Chine, de la contraception et de la question de l'enfant unique. Le film sera présenté dans de multiples festivals comme Venise 2019, Toronto 2019 ou encore Cabourg 2020 où il obtiendra la Mention Spéciale du Jury...
Au coeur du Tibet, Drolkar et son mari élèvent des brebis, mais aussi leur trois fils. Le couple utilise des préservatifs désormais, en secret car la honte est assuré au sein de leur communauté mais Drolkar pense à user d'une contraception plus définitive. Mais les traditions et les croyances sont un poids qu'elle va devoir assumer... La mère de famille est incarnée par Sonam Wangmo aperçue de loin dans "La Famille Tenebaum" (2002) de Wes Anderson, puis vue dans "Enfances Nomades" (2015) de Christophe Boula et retrouve le réalisateur Pema Tseden et son partenaire Jinpa après "Jinpa un conte tibétain" (2018), ces deux dernier retrouvent aussi la seconde partenaire Yangshik Tso après "Tharlo" (2015), vue également dans "Les Briseurs de Chaîne" (2017) de Rui Yang. Précisons que seuls les premiers rôles sont des acteurs pros, les autres sont des non-professionnels... Si officiellement l'histoire se déroule dans les "étendues tibétaines", on peut pourtant préciser que le tournage eût lieu dans les environs du lac Qinhai soit au nord-est du Tibet revendiqué par les tibétains, mais hors du Tibet tel qu'il est officiellement délimité par le gouvernement chinois. On peut s'étonner par contre que les paysages uniques du plus grand lac de Chine, et un des plus hauts du monde ne soit pas forcément mis en avant. On a les étendues et le steppes, quelques montagnes et un lac quasi absent. Un peut frustrant vu les beautés du site. On note aussi une volonté du réalisateur de jouer sur les couleurs : "La dominante de couleur est principalement froide pour correspondre à l'ambiance globale du film. Les intensités lumineuses permettent de souligner la distinction entre les parties dites réelles et les parties plus oniriques".
Malheureusement on constate que ce choix n'est pas très probant, l'onirisme demeure trop léger tandis que le côté naturaliste est nettement privilégié. Mais évidemment ce n'est pas le propos de cette histoire qui parle de contraception, d'enfant unique (tout savoir ICI !), mais aussi du poids des traditions ancestrales comme la réincarnation, et surtout de la place de la femme dans une communauté très patriarcale. Il y a un paramètre essentiel chez Pema Tseden, cette propension judicieuse et parfaitement maîtrisée à instaurer une certaine légèreté dans la drame, une ironie bienveillante et un humour bienveillant qui contrebalance à merveille la tragédie. Ainsi les enfants font d'un préservatif un ballon de baudruche, mais le cinéaste n'hésite aussi pas à montrer le parallèle entre la libido du bélier et celle de l'homme... Si on sourit c'est pourtant subrepticement tant le drame est pourtant palpable, où les femmes ne font que subir de la volonté des hommes, à la politique mise en place en passant par le religion jusqu'à cet hôpital qui opère des avortements comme ce qu'il y a de plus banal alors que, paradoxe, la contraception semble le parent pauvre de la politique de l'enfant unique (?!). Par contre, la sous-intrigue de la soeur devenue nonne est malheureusement sous-exploitée. On ne peut qu'aller à des conjectures tant on ne sait pas grand chose d'elle, mais surtout elle apparaît comme un second rôle presque accessoire alors qu'elle méritait un un traitement à égal avec sa soeur. Dommage... En conclusion, Pema Tseden signe un drame touchant, une histoire ancrée dans un quotidien à la fois simple et compliquée, mais surtout un joli portrait de femmes même si cela aurait mérité un second portrait plus approfondi. A voir.
Note :