En Décalage (2022) de Juanjo Gimenez Pena

Premier long métrage de Juanjo Gimenez Pena qui a jusqu'ici signé plusieurs courts métrages comme "Libre Indirecto" (1997), "Timecode" (2016) ou "Ascenso" (2020). Pour cette histoire il co-écrit le scénario avec Pere Altimira collaborateur fidèle depuis le court métrage "Maxima Pena" (2005). Leur projet est inspiré par l'histoire de PH, un pilote de ligne sud-coréen qui percevrait les paroles des autres quelques secondes après le mouvement des lèvres. Le réalisateur précise : "Il y avait un désir initial de jouer avec les outils fondamentaux du cinéma, ainsi qu'une certaine volonté d'expérimentation formelle dans le cadre d'une narration classique. (...) Mais, presque par hasard, on s'est rendu compte que le syndrôme dont souffre notre conceptrice sonore existe bel et bien dans le monde réel." Pourtant, on ne trouve rien de probant sur ce point, il semble plutôt qu'il s'agit du syndrôme hypernycthéméral (tout savoir ICI). Le cinéaste avoue avoir pris comme référence des films comme "Carrie" (1976) de John Carpenter, "Dead Zone" (1983) de David Cronenberg, ou plus récemment "Thelma" (2017) de Joachim Trier et "Border" (2019) de Ali Abbasi...

C. est ingénieure du son et passionnée par son travail. Mais elle s'aperçoit qu'elle commence à percevoir le son après les images. Le trouble devient si gênant qu'elle doit quitter son travail et C. doit alors se remettre en question et reconsidérer sa vie... C. est incarnée par Marta Nieto vue dans "The Chase" (2013) de Daniel Calparsoro, "Madre" (2020) de Rodrigo Sorogoyen et "A Perfect Enemy" (2021) de Kike Maillo. Elle est entourée de Miki Esparbé vu dans "Les Distancies" (2018) de Elena Trapé, "Plus on est de Fous" (2021) de Paco Caballero et retrouve après "Malnazidos" (2020) de Alberto de Toro et Javier Luis Caldera ses partenaires Julius Cotter vu dans "Red Lights" (2014) de Rodrigo Cortès et "Paradise Hills" (2021) de Alice Waddington, puis Francisco Reyes vu dans "El Reino" (2018) de Rodrigo Sorogoyen. Citons encore Fran Lareu vue dans "Maria (y los Demas)" (2016) de Nely Reguera, elle retrouve Carmen Mendez après "Maria Solinha" (2020) de Ignacio Vilar puis retrouve après la série TV "Farina Cocaine Coast" (2018) sa partenaire Cristina Iglesias, n'oublions pas ensuite Luisa Merelas vue dans "Elisa et Marcela" (2019) de Isabel Coixet et "Eye for an Eye" (2021) de Paco Plaza... Les films sur le silence ou la perte du sens d'l'ouïe est un sujet très récurrent au cinéma, récemment le plus notable reste sans aucun doute "Sound of Metal" (2021) de Darius Marder. Mais cette fois c'est un peu différent d'où la singularité apparente de cette histoire. En effet, le personnage principal ne perd pas le sens, ne perd pas l'audition, il n'est pas franchement non plus altéré, il y a "juste" un décalage entre son et image à la manière finalement d'un site de streaming qui a un bug et qui offre un film désynchronisé.

Vu le sujet il y a évidemment un soin particulier au son dans le film (ça serait un comble !), notre immersion est parfaitement rendu surtout qu'il faut gérer la désynchronisation personnelle de C./Nieto ainsi que l'environnement "normal". Le film est judicieusement dénué de musique additionnelle, l'atmosphère plus ou moins surnaturel repose donc essentiellement sur les sons ressentis et entendus par l'héroïne. Des séquences sensorielles intrigantes dans un premier temps mais très vite malheureusement le film vire vers un drame familial assez classique. La dimension sensorielle devient alors presque accessoire alors qu'elle est omniprésente. Cette partie sensorielle devient alors redondante sans être constructive pour amener vers une conclusion attendue. L'actrice joue merveilleusement bien, l'évolution du récit intéressante mais le lien entre le problème sensoriel et le secret familial est trop artificiel pour convaincre pleinement. Le lien entre les deux parties n'est ni tangible ni probant. Dommage... 

Note :