Tout près de Satan (1959) de Robert Aldrich

par Selenie  -  5 Décembre 2023, 09:32  -  #Critiques de films

Réalisateur désormais réputé avec notamment ses deux succès dans le western "Bronco Apache" (1954) et "Vera Cruz" (1954) le réalisateur Robert Aldrich s'est désormais fait une spécialité dans le Film Noir et le polar jusqu'à être de plus en plus exigeant se mettant notamment à dos Harry Cohn, patron tout puissant de la Major Columbia Picture qui finit par le licencier, sans doute s'était-il reconnu dans le personnage du producteur du film "Le Grand Couteau" (1957), sans compter que Cohn le soupçonnait d'être sympathisant communiste. Devenu persona non grata à Hollywood le cinéaste s'exile alors en Europe où il peut se lancer dans un projet produit par la Hammer, firme alors spécialisé dans les films d'horreur et fantastique dont la franchise "Dracula". Il part donc tourné à Berlin l'adaptation du roman "The Phoenix" (1955) de Lawrence P. Bachman dont il co-écrit le scénario avec Teddi Sherman auteur entre autre de "Tornade sur la Ville" (1955) de Jack Arnold et "Le Mariage est pour Demain" (1955) de Allan Dwan tandis qu'il retrouvera Aldrich pour le western "Quatre du Texas" (1964). L'histoire se focalise sur un métier rarement abordé au cinéma, les démineurs, il faudra attendre le film "Démineurs" (2009) de Kathryn Bigelow pour revoir un film centré sur cette profession. Malgré le potentiel du film Robert Aldrich sera frustré du résultat, n'ayant pas eu son mot à dire le montage est désastreux ce qui peut expliquer sans doute l'échec cuisant du film... Berlin à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, six anciens soldats allemands sont démobilisés. Pour tenter de se réinsérer ils acceptent un poste de démineurs pour nettoyer la ville de Berlin des milliers d'obus encore dangereux. Conscients que leur travail constitue une sorte de mission suicide ils décident de capitaliser entre eux sur leur mort prochaine pour assurer au survivant une petite fortune. Très vite le premier mort survient, la tension commence à monter d'autant plus qu'elle est exacerbée par la rivalité entre Wirts et Koertner... 

Koertner, leader naturel du groupe est incarné par Jack Palance remarqué en tueur dans "L'Homme des Vallées Perdues" (1953) de George Stevens ou dans "La Peur au Ventre" (1955) de Stuart Heisler il retrouve Robert Aldrich après "Le Grand Couteau" (1955) et "Attaque !" (1956). Wirtz son rival est joué par Jeff Chandler connu pour avoir été le chef apache Cochise à trois reprises dans "La Flèche Brisée" (1950) de Delmer Daves, "Au Mépris des Lois" (1952) de George Sherman et "Taza, Fils de Cochise" (1954) de Douglas Sirk. Les quatre autres camarades sont joués par Robert O. Cornthwaite vu la même année dans le magnifique "La Chevauchée des Bannis" (1959) de André De Toth, et qui a tourné et tournera pour Aldrich dans "En Quatrième Vitesse" (1955) et "Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?" (1962) à l'instar de son partenaire Wesley Addy qui était aussi dans "Le Grand Couteau" (1955), "Quatre du Texas" (1963) et "Chut... Chut, Chère Charlotte" (1964), puis Richard Wattis vu entre autre dans "L'Homme qui en savait Trop" (1956) de Alfred Hitchcock ou "L'Auberge du Sixième Bonheur" (1958) de Mark Robson, Charles Nolte vu dans "La Loi du Scalp" (1953) de Lesley Selander ou "L'Espionne des Ardennes" (1961) de Byron Haskin, et Dave Willock vu dans "La Revanche de la Créature" (1955) de Jack Arnold ou "L'Homme qui n'a jamais Ri" (1957) de Sidney Sheldon. Côté dame, n'oublions pas la star française Martine Carol vue entre autre dans "Caroline Chérie" (1951) de Richard Pottier, "Belles de Nuit" (1952) de René Clair, "Lucrèce Borgia" (1953) de Christian-Jaque ou "Lola Montès" (1955) de Max Öphuls qui retrouvera juste après l'acteur Jack Palance dans "Austerlitz" (1960) de Abel Gance, puis enfin la secrétaire interprétée par Virginia Baker vue ensuite dans "Au Bout de la Nuit" (1961) de Jack Carfein ou "Le Canardeur" (1974) de Michael Cimino... Notons que le très beau Noir et Blanc est l'oeuvre du Directeur Photo Ernest Laszlo qui retrouve Aldrich pour la 5ème fois mais on lui doit aussi la photographie de films comme "Mort à l'Arrivée" (1950) de Rudolph Maté, "Stalag 17" (1953) de Billy Wilder ou "La Cinquième Victime" (1956) de Fritz Lang... Le film s'ouvre avec une voix Off qui instaure le contexte post-guerre mondiale, le retour à la vie civile de soldats qui nous sont présentés rapidement, trop sans doute surtout qu'on constate que sur les six soldats deux sont joués par des stars ce qui, surtout à l'époque, nous dévoilent donc ceux qui vont survivre du moins plus longtemps que les autres. Le suspense s'avère limité sur ce point. 

Si les six hommes nous sont présentés on constate vite qu'on n'apprend pas grand chose sur eux, le contexte pourtant évident avec causes et conséquences de la guerre est étonnament occulté pour rester focus sur le seul déminage et la relation conflictuelle entre eux, et surtout entre les deux principaux protagonistes. Mais on reste intrigué, surtout par le personnage de Koertner alias Jack Palance dans un rôle à contre-emploi total auquel il ne nous avait pas habitué et c'est surprenant. Son face à face avec Wirtz/Chandler est prenant, un duel de charisme qui cimente un scénario malheureusement bancal. Le pire est que les morts s'accumulent trop vite, pas le temps de s'attacher aux personnages qui restent sous-exploités pour se focaliser sur les deux leaders et leur pseudo-rivalité amoureuse qui ne tient que par le charme de Martine Carole, mais idem, leur rivalité n'est intéressante que par le biais de leur égo qui aurait été sans doute plus probant si on en savait plus sur leur passé. C'est là qu'on ne peut que regretter le montage catastrophique effectué par la Hammer (près de 30mn coupées !), au grand dam de Robert Aldrich. Résultat, un film de genre qui nous tient en haleine par quelques fulgurances (mix gros plan et hors champs lors des déminages), deux acteurs à la présence monstrueuse, le charme de la star française, et un film pour lequel on a envie d'être indulgent tant le montage est sans aucun doute une erreur fatale. Note indulgente.

 

Note :                 

13/20

 

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