Il était une fois en Amérique (1984) de Sergio Leone

par Selenie  -  27 Juillet 2020, 09:38  -  #Critiques de films

3ème opus de la trilogie culte de Sergio Leone qu'il finit avec classe et panache après "Il était une fois dans l'Ouest" (1968) et "Il était une fois la Révolution" (1971), où l'ascencion et la chute d'une bande d'ami sur près d'un demi-siècle dans la mafia new-yorkaise. Leone avait en tête ce film depuis le début des années 60, après avoir lu le livre "The Hoods" (1952) de Harry Grey qui lui avait été conseillé par son fidèle collaborateur Fulvio Morsella. S'il s'agit officiellement d'une adaptation Sergio Leone va surtout s'en servir et étoffer assez largement l'histoire pour capter l"'esprit de l'Amérique", notamment Leone rencontrera à de nombreuses reprises Harry Grey, ce dernier insiste surle fait que le livre et une biographie véridique. Il faudra des années à Leone pour porter à l'écran son projet. D'abord le succès de sa trilogie du Dollars l'oblige à signer "Il était une fois dans l'Ouest", qui va lui ouvrir la perspective d'une nouvelle trilogie, ensuite il refuse le projet "Le Parrain" (qui sera finalement dirigé par Francis Ford Coppola en 1972) qui va une nouvelle fois le pousser à signer son propre projet. Leone souhaite d'abord John Milius comme scénariste mais ce dernier est prit par "Apocalypse Now" (1979) d'un certrain F.F. Coppola. Les droits du roman passa également dans les mains d'un producteur qu'il a fallu convaincre... Tout ça pour qu'au final le tournage ne débute qu'en 1982. Finalement, pour le scénario, Leone s'offre les services de quelques grands noms italiens dont Leonardo Benvenuti qui signé "La Fille à la Valise" (1962) de Valerio Zurlini et "L'Incompris" (1966) de Luigi Comencini, Enrico Medioli qui a signé "Rocco et ses frères" (1960), "Le Guépard" (1963) et "Ludwig le Crépuscule des Dieux" (1973) tous de Luchino Visconti, puis aussi citons Franco Arcalli auquel on doit "Dernier Tango à Paris" (1972) et "1900" (1976) tous deux de Bernardo Bertolucci... De 1922 à 1966, on suit plusieurs amis dont David "Noodles" Aaronson et Maximilian "Max" Bercovicz, de leur ascension à leur chute, de la prohibition à la politique en passant par le crime organisé et les trahisons...  Leone aura imaginé plusieurs stars pour composer son casting, de Steve McQueen à Gérard Depardieu en passant même par Jean Gabin, Brooke Shields, James Cagney et Richard Dreyfuss. Mais entre la mort (Steve McQueen en 1980), les calendriers ou encore les accents (Depardieu et Gabin) Leone a dû faire d'autres choix.  

Les deux rôles principaux reviennent donc à Robert De Niro qui était dans "Le Parrain II" (1974) de Coppola et dans "Taxi Driver" (1976) de Martin Scorcese, puis James Woods remarqué dans le feuilleton télé "Holocauste" (1978) et surtout dans "Videodrome" (1983) de David Cronenberg. Les deux acteurs se retrouveront plusieurs années plus tard dans "Casino" (1995) de Martin Scorcese. Elizabeth McGovern, toute auréolée de son Oscar du second rôle pour "Ragtime" (1981) de Milos Forman, incarne Deborah adulte, tandis que c'est Jennifer Connelly qui joue Deborah jeune, cette dernière y joue son premier rôle au cinéma et deviendra une star après le succès de "Requiem for a Dream" (2000) de Darren Aronofksy. Joe Pesci retrouve De Niro après "Raging Bull" (1980) de Scorcese, et retrouvera son acolyte également dans "Les Affranchis" (1990), "Casino" (1995) et "The Irishman" (2019) tous de Scorcese. Un des rôles féminins principaux est jouée par la magnifique Tuesday WeldCitons aussi Burt Young qui retrouve James Woods après "Le Flambeur" (1974) de Karel Reisz et vu entre autre dans "Chinatown" (1974) de Roman Polanski, Tuesday Weld vue dans "Le Kid de Cincinnati" (1965) de Norman Jewison et "Le Solitaire" (1981) de Michael Mann, Treat Williams vu dans "Hair" (1979) de Milos Forman, puis Danny Aiello qui retrouve De Niro après "Le Parrain II" où il incarnait le policier ripoux... Le film connut un destin particulier après une petite ambition exponentielle du maestro. En effet, d'après l'accord entre Sergio Leone et la Warner le film ne devait pas dépasser 2h45 mais le réalisateur arrive d'abord à une durée de 6h ! Les expériences traumatisantes pour les studios comme "Apocalypse Now" (1979) de Francis Ford Coppola et "La Porte du Paradis" (1980) de Michael Cimino ont refroidi les producteurs. Après un effort de Leone le film est remonté à 04h25 qui est une nouvelle fois refusé. Enfin un accord est donné pour un nouveau montage de 3h41 (version européenne) mais est pourtant charcuté une ultime fois à 2h19 en ordre chronologique spécialement pour le public américain ! La version américaine est la goutte d'eau, le film sur cette durée reste incohérente d'un point de vue narratif. Cet ultime affront explique pourquoi Leone aura bien des difficultés à se remettre en selle pour son projet avorté sur la bataille de Leningrad. Enfin, une version Director's Cut de 04h11 sortira en 2012. Néanmoins, la version américaine est heureusement oubliée et disparue aujourd'hui.

Le film nous immerge dans les bas fonds new-yorkais, on pense forcément un peu au film "Le Parrains II" (1974) de Francis Ford Coppola avec les flash-backs à double époque et la reconstitution magnifique de l'époque de la prohibition. Mais là où "Le Parrain II" est une sorte de deux histoires en une, Leone utilise un désordre chronologique marisé pour mieux raconter le destin des deux personnages principaux, plus que de créer un suspense (de toute façon éventé dès les premières minutes) Leone explique, montre et démontre les méandres d'une amitié engoncée dans les affres de l'ambition. Mais jouer avec le temps c'est aussi ouvrir en grand les écoutilles de l'âge. Le plus flagrant étant Deborah/Elizabeth McGovern qui n'a pas vieillie entre 1933 et 1968 ! Et pourtant... Casting impeccable, mise en scène parfaite, intelligence du montage... Un autre petit bémol toutefois sur des détails de cohérence, par exemple, comment expliquer que Noodles en 1968 n'a pas vu de photos dans les journaux du sénateur Bailey ?! La responsabilité ou non de Carol/Tuesday Weld, et jusqu'à quel point n'est jamais abordé... Des détails qui frustent un peu même si on reste comme hypnotisé par la mise en scène tout en subtilité de Leone, qui semble plus posé, moins séduit par le style qui a fait sa réputation des années avant. Les acteurs incarnent à la perfection cette mafia juive où les amis sont tout aussi illusoires que la gloire et l'argent. Car ce qui marque finalement est l'épilogue et le face à face ultime même si Deborah/McGovern reste en retrait. Pour beaucoup, ce film tient le podium Leonien avec "Le Bon, la Brute et le Truand" (1966) et "Il était une Fois dans l'Ouest" (1968),... mais la 3ème marche voir un chouïa surestimé. Néanmoins, Sergio Leone signe un film testament remarquable de par sa maitrise, par le souffle qui s'en dégage et on se met à rêver au prochain "La Bataille de Leningrad" que le maestro n'arrivera finalement pas à mener à son terme. 

 

Note :      

 

18/20

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