Les Enfants du Paradis (1945) de Marcel Carné
Monuments du cinéma français et mondial "Les Enfants du Paradis" signe également la 6ème collaboration entre le réalisateur Marcel Carné et le poète Jacques Prévert après les films magnifiques que sont "Jenny" (1936), "Drôle de drame" (1937), "Quai des brumes" (1938), "Le jour se lève" (1939), "Les Visiteurs du soir" (1942)... Suivront "Les Portes de la nuit" (1946) et "La Fleur de l'âge" (1947) avant que les deux maitres ne se séparent. Ils auront été l'un des couples les plus génials du cinéma, eux qui ont magnifié le style du réalisme poétique. "Les Enfants du Paradis" est l'apogée du style, autant dans le fond que dans la forme et que la période de trouble des années 39-45 va évidemment donner une dimension particulière. C'est suite à une discussion entre Prévert, Carné et l'acteur Jean-Louis Barrault que l'idée du film prend forme, l'acteur étant fasciné par le personnage du célèbre mime Jean-Gaspard Debureau.
Au final au lieu d'un biopic sur le mime les trois artistes décident de reconstituer une époque qui mêlera personnages historiques plus ou moins romancés (Debureau qui renommé Jean-Baptiste, Lacenaire, Frédérick Lemaitre, le duc de Morny renommé de Montray) et des personnages fictifs, l'ensemble pour nous plonger dans les coulisses directes et indirectes du théâtre, sur scène et dans la rue foisonnante de Paris. Coupé en deux actes les deux époques "Le boulevard du Crime" et "L'homme Blanc" sont séparés d'une ellipse de 6 années mais qui seront diffusés ensemble après une promesse entre Carné et le producteur André Paulvé... Le film est aussi la plus grand production française de l'époque et a droit à un casting prestigieux emmené par Arletty (Garance), Jean-Louis Barrault (Jean-Baptiste), Pierre Brasseur (Frédérick Lemaitre), Maria Casarès (Nathalie), Marcel Herrand (éblouissant Lacenaire) et Pierre Renoir (Jéricho) pour les plus connus mais on distinguera parmi les figurants de prochaines stars comme Simone Signoret, Jean Carmet ou Gérard Blain...
Des décors grandioses et des acteurs au sommet de leur talent pour un film magique de bout en bout. Marcel Carné réalise un bijou du réalisme poétique, magnifiant ses décors comme les acteurs, du gros plan sur les visages majestueux aux plans larges montrant les beautés du théâtre vivant. Mais il est évident aussi que la grande qualité du film est due à Jacques Prévert, co-scénariste et dialoguiste merveilleux. Tous les dialogues sont d'une sublime fluidité poétique, nombre de passages sont devenus mythiques. Dans toute cette foule de personnages il en va du style ou comment la parole (Frédérick Lemaire et Shakespeare) veut s'imposer au mime (Jean-Baptiste Debureau) avec au centre l'incandescence et la gouaille de Arletty.
Tourné entre août 1943 et juin 1944, pour la plus grande partie aux studios de la Victorine à Nice, le tournage s'avéra difficile pour la plus grande production française de l'époque. En effet l'équipe de tournage subit les affres de la guerre come les coupures d'électricité et le rationnement des pellicules. Mais l'équipe de tournage prenait aussi des risques notamment les résistants (comme Prévert) et les juifs (comme le décorateur Alexandre Trauner et le compositeur Joseph Kosma qui ne seront donc pas crédités au générique !). Pour l'anecdote qui fait mal, la star du film, Arletty, sera absente de la grande première car elle sera arrêtée le 20 octobre 1945 pour collaboration en ayant eu une liaison avec un officier allemand...
Néanmoins le film sera un succès public avec plus de 4,7 millions d'entrées France. Le film aura une nomination à l'Oscar 1947 du meilleur scénario original et surtout "Les Enfants du Paradis" seront pour la postérité et l'éternité le plus grand et le plus beau film du cinéma français, un monument classé au patrimoine de l'humanité par l'UNESCO... En 1995 "Les Enfants du Paradis" a été élu Meilleur film de tous les temps par un collège de critiques à l'occasion du centenaire du cinéma.
Note :