Love (2015) de Gaspard Noé
Présenté et désormais connu comme le film sulfureux du dernier Festival de Cannes, le nouveau film de Gaspard Noé sème un parfum de scandale, qui est un vrai pléonasme quand on parle du cinéaste qui en seulement quatre films (sans compter courts et projets collectifs) a à chaque fois reçu son lot de polémique avec le psychopathe pédophile de "Seul contre tous " (1998), le viol de "Irréversible" (2002) et l'alliance sexe-drogue du dernier "Enter The void" (2009)... Pornographique ?! Sûrement pas, on est assurément pas au niveau d'un porno où des machines à braquemard décérébré baisent de façon mécanique dans un monde archi peu réaliste. Ici le sexe a effectivement une grande place à l'instar des "Nymphomaniac" de Lars Von Trier. C'est moins risible que les 7mn lesbiens de "La Vie d'Adèle" de Abdelattif Kechiche, c'est plus stylisé que le réaliste "Intimité" de Patrice Chéreau mais si le sexe est bien présent, frontal et non simulé il n'y a jamais de scènes choquantes et/ou "hors normes".
Le trio d'acteurs est d'une belle osmose, une belle réussite quand on sait qu'ils sont inconnus et débutants ; la brune Aomi Muyok, la blonde Klara Kristin et Karl Glusman, sorte d'alter ego sans doute fantasmé de Gaspard Noé jeune. Rappelons que les scènes de sexe non-simulées ne sont plus rares dans le cinéma d'aujourd'hui et qu'il serait sans doute temps de passer outre. On pourrait citer de nombreux films mais on peut citer le césarisé "L'Inconnu du lac" (2013) de Alain Guiraudie... Outre le sexe, le film nous rappelle également le soucis de "Enter the Void", si on pouvait débattre sur ce dernier du lien cause à effet dans "Love" on peut s'agacer et se navrer de la banalisation de la drogue (et pas douce), surtout qu'ici jamais ça ne sert le scénario ou l'histoire. Rien ne justifie ce choix autre qu'une certaine gratuité et sans doute le fait de meubler un scénario bien court pour un film qui dure tout de même 2h15 (!), une durée qu'on ressent parfaitement. Car si le sexe est très présent, l'autre paramètre est celui d'un voix-off lourde et pesante. Gaspard Noé présente lui, son film comme un mélodrame dans un triangle amoureux. Pourquoi pas ?! Et on se dit qu'effectivement il y a le matériau pour. Malheureusement il manque une chose incontournable et nécessaire, l'émotion. Pour rester sur les films sus-cités (et pour éviter de s'éparpiller), l'émotion était un minimum là dans "La Vie d'Adèle" et "Intimité". Ici jamais la moindre once de trouble émotionnel, dès le début la scène du réveil avec l'enfant de 2 ans sonne faux, on y croit pas une seule seconde. Le choix de tourner en 3D est toujours un gadget aussi médiocre, qui ne fait d'effet que comme placebo et qui semble surtout faire réagir lors d'une éjaculation filmée de telle façon qu'on ne peut que réagir. Le film a failli être interdit au moins de 18 ans, il ne l'est finalement qu'au moins de 16 ans, comme tous ses autres films. Et pourtant le côté transgressif ne doit qu'à une mise en scène parfaitement dirigée plutôt qu'à la réalité des scènes. Les deux meilleurs films de Gaspard Noé restent ses deux premiers, à l'instar d'un Lars Von Trier, le réalisateur semble croire qu'il faut toujours aller plus loin (dans le fond et/ou dans la forme). Si seulement il n'oubliait pas que le cinéma c'est aussi et avant tout l'émotion, comme tout art qui se respecte.
Note :