Mon Roi (2015) de Maïwenn
L'actrice-réalisatrice Maïwenn n'a jamais laissé indifférent et ne risque pas de changer son fusil d'épaule avec ce nouveau film évènement salué au dernier Festival de Cannes par 08 minutes de standing-ovation et d'un magnifique Prix d'interprétation féminine pour Emmanuelle Bercot (ex-aequo avec Rooney Mara dans "Carol")... Pour la réalisatrice qui débuta très jeune, entre autres en étant Eliane/Isabelle Adjani jeune dans le chef d'oeuvre "L'Eté Meurtrier" (1982) de Jean Becker, après le premier essai "Pardonnez-moi" (2006), le très bon "Le Bal des Actrices" (2009) et son chef d'oeuvre "Polisse" (2011) la réalisatrice fait une nouvelle fois sensation avec ce drame intimiste d'une intelligence rare. Pour le casting elle s'offre la star Vincent Cassel en tête d'affiche et Louis Garrel dans un second rôle mais surtout elle s'entoure d'actrices qu'elle connait bien. Un second rôle pour sa propre soeur Isild Le Besco, et une surprenante tête d'affiche en la personne de Emmanuelle Bercot. Cette dernière, actrice dans "Polisse" mais est plus connue comme réalisatrice notamment en faisant tourner Isild Le Besco dans son premier long métrage "La Puce" (1998) et en présentant par ailleurs son dernier film "La Tête Haute" (2015) au Festival de Cannes tandis qu'elle y triomphait en tant qu'actrice !...
Dans "Mon roi" on suit une histoire d'amour sur plusieurs années entre une avocate et un restaurateur qui s'avère être une sorte de libertin libertaire égoïste, voire lâche, qu'on pourrait définir par le terme à la mode de "pervers narcissique". Mais ce n'est pas si simple et c'est là toute la force du film de Maïwenn. Elle a su accepter les changements demandés par Vincent Cassel, qui trouvait que son personnage était sans doute trop antipathique, trop (justement) "pervers narcissique". Giorgio (Cassel) est d'abord un homme extraverti, un célibataire séducteur endurci qui semble ne pas trouver ses repères dans une vie de famille qu'il souhaite, pourtant, avant tout, entre peur de perdre un certaine liberté et une certaine lâcheté devant ses obligations. Un être humain avant tout qui n'est pas dans la méchanceté voulue et recherchée. Là est toute la nuance, parfaitement contre-balancée par le personnage de Tony (Emmanuelle Bercot) qui n'est jamais une victime soumise, elle souffre mais n'est jamais naïve et aveugle comme on peut le voir un peu trop systématiquement dans d'autres films. Dans le fond Tony est bien plus forte que Giorgio... Les flash-backs (flash-forwards, tout dépend d'où on se place) permettent un parallèle entre sa dépendance au monde médical et sa prison émotionnelle avec Giorgio avant de finir sur une dernière scène formidable de retenue et de lucidité. Outre des personnages parfaitement écrits, il faut saluer les acteurs dont les performances éblouissantes de Vincent Cassel et surtout Emmanuelle Bercot. Cette dernière est juste inouïe d'investissement, de justesse et d'émotion. Mais la mise en scène de Maïwenn est tout aussi belle et judicieuse, se positionnant du point de vue de Tony, montrant ses failles sans jamais s'apitoyer et en ne cherchant jamais à juger. Aucun manichéïsme, elle montre juste les difficultés à s'aimer et à vivre ensemble malgré la force des sentiments, purs et sincères. "Mon roi" est d'abord un magnifique film d'amour, un hymne au combat, un éloge pour se battre par et pour l'amour. Certaines critiques évoquent une "hystérie" dans le film, sur ce point je vous conseille cet excellent article ICI sur le fait qu'il ne faut pas confondre hystérie et énergie... Des bémols ?! Oui, Il y a bien quelques petites longueurs et quelques passages au centre de rééducation qui sont sans doute un peu hors sujet. Mais ce film, qui n'oublie jamais que la vie c'est autant de rires que de larmes, reste une ode déchirante et pertinente sur une histoire d'amour. A voir et à conseiller. Note susceptible de monter d'un cran, peut-être...
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