Eternité (2016) de Tran Anh Hung
"Éternité", quel beau titre pour ce film qui le porte si bien ! Une expérience de près de 2 heures qui est surtout une expérience de l'ennui. Quelle tristesse et quel dommage tant ce réalisateur est maitre de subtilité et d'intelligence narrative comme il l'a prouvé avec ses magnifiques films précédents comme "L'Odeur de la paye verte" (1992), "A la verticale de l'été" (2000) et dernièrement "La ballade de l'impossible" (2010). Cette fois le réalisateur franco-vietnamien a voulu changer de style pour une fresque mélodramatique pataude. Adapté du roman "L'élégance des veuves" (1995) de Alice Ferney, ce drame générationnel est d'une maladresse dans pratiquement tous les domaines. Première chose : on remarque évidemment la splendeur des décors et des costumes, le joli travail de photographie. Très vite on pense à "The Tree of life" (2011) de Terrence Malick pour la relation avec le destin et l'économie de mots (et son rapport avec l'affiche ciné !), on pense aussi au sublime "Dogora" (2004) de Patrice Leconte pour le lien entre musique et émotion.
Mais Tran Anh Hung s'est beaucoup trop focalisé (omnubilé ?!) sur un seul et unique sujet, la femme en tant que mère. Pratiquement pas de dialogues ni de narration évolutive mais juste des séquences multipliant les ellipses. Et si les dialogues sont presque proscrits, on est inondé d'une omniprésente voix Off hyper explicative et inutile puisque souvent elle décrit ce qu'on voit à l'écran ! La voix Off est d'autant plus agaçante qu'il s'agit ni plus ni moins que le texte du roman de Alice Ferney ! Certe très bien écrit mais très et trop littéraire ce qui alourdi considérablement le film, autant par cette voix envahissante que par l'inutilité du processus. Ensuite comment croire en ces destins ?! En effet le "récit" se déroule environ de 1900 à 1950 et le seul élément extérieur de leurs maisons bourgeoises reste l'uniforme bleu et rouge des jumeaux partant au front en 1914. Absolument aucun autre lien avec l'extérieur et le monde ne transparait dans le film (pas d'armistices, pas de crise 1929, pas de nazisme ni d'occupation, aucune visite autres que les membres familiaux, pas de conséquences dues au travail des pères...). Comment croire à ces familles bourgeoises qui vivent donc en totale autarcie, en vase clos dans leurs manoirs de hautes bourgeoisies ?! Le seul lien qui ramène ces familles à la réalité ce sont les naissances et les deuils. Le réalisateur a expliqué que "Quand je vois une famille nombreuse, j'éprouve un sentiment de solidité, de perennité qui m'émerveille." On le croit mais pourtant son film est une succession de tragédies naturelles qui, ainsi condensées, finit surtout par donner le cafard et/ou à nous endormir d'ennui routinier. Le cercle de la vie mais en huis clos chez les grands bourgois de la haute. Si on devine ce qu'à voulu faire Tran Anh Hung, il n'en demeure pas moins que son film est creux, naïf et superficiel. Certe il y a bien quelques séquences réussies où l'esthétisme formel et les acteurs (surtout actrices avec le trio Audrey Tautou, Mélanie Laurent, Bérénice Bejo) nous bercent de grâce mais c'est souvent très court et plutot rare. Quelle déception ! Vivement un retour aux sources pour Tran Anh Hung...
Note :