Mort de Jeanne Moreau
Le semaine débute très mal, on apprend tôt aujourd'hui que l'actrice Jeanne Moreau est morte ce jour 31 juillet 2017 à l'âge de 89 ans.
Née en 1928 à Paris d'une mère anglaise et d'un père français qui est gérant de la brasserie La Cloche d'Or rue Fontaine à Paris, elle passe une partie de son enfance à Vichy et effectue ses études secondaires à Paris. A cette époque elle s'inscrit sans prévenir ses parents au cours de théâtre de Denis d'Inès doyen de la Comédie Française. Elle débute ainsi sur les planches dès 1947 au Festival d'Avignon. Elle entre au Conservatoire de Paris quelques temps après. C'est à cette période qu'elle apparait dans les médias sur une photo pour la pièce "Un Mois à la Campagne" dans laquelle elle joue, cette photo est alors vu par ses parents qui le mettent à la porte.
Elle obtient une premier petit rôle dans le film "Dernier Amour" (1949) de Jean Stelli puis elle épouse le metteur en scène et comédien Jean-Louis Richard en 1949 (divorce en 1951) dont elle accouche de leur fils le lendemain de leur mariage. Elle quitte la Comédie Française pour suivre Jean Vilar au T.N.P. (Théâtre National Populaire) en 1951. Alors qu'elle commence à se faire un nom sur les planches elle est particulièrement remarqué dans une rôle de prostituée dans une reprise de "Othello" par un certain Orson Welles qui prépare alors son adaptation cinéma.
Passant des planches aux plateaux de cinéma elle se fait remarquer dans une seconds rôles dans l'excellent "Touchez pas au Grisbi" (1953 - ci-dessus) de Jacques Becker avec Jean Gabin et Lino Ventura ce qui lui permet bientôt d'obtenir enfin un rôle principal dans "La Reine Margot" (1954) de Jean Dréville dans lequel elle fait sensation dans une scène de nu intégral qui sera censurée par la suite.
Elle retrouve Gabin pour le film "Gas-Oil" (1955) de Gilles Grangier et devient définitivement une star avec le succès mérité critique et public du chef d'oeuvre "Ascenseur pour l'Echafaud" (1957) de Louis Malle sur lequel elle retrouve cette fois Lino Ventura.
Elle rejoue avec Ventura dans "Trois jours à vivre" (1958) de Gilles Grangier, réalisateur avec lequel elle enchaine avec le film "Echec au Porteur" (1958). Cette même année sa consécration est confirmée avec "Les Amants" (1958 - ci-dessus) de Louis Malle et enchaine coup sur coup avec "Les Liaisons Dangereuses" (1959 - ci-dessous) de Roger Vadim et surtout "Les 400 Coups" (1959) de François Truffaut où elle ne fait qu'une apparition mais qui la fait alors entrer au sein de La Nouvelle Vague.
Jeanne Moreau est désormais une star connue et reconnue et elle fait sensation au Festival de Cannes 1960 où elle y présente le film "Moderato Cantabile" (1960) de Peter Brook avec Jean-Paul Belmondo. Nouveau succès avec en prime le Prix d'Interprétation féminine. Peu de temps après elle fait la connaissance de Anaîs Nin qui la souhaiterait pour son projet de film. Malheureusement le film ne se fera pas mais elle resteront très amies.
Le film de Peter Brook lui ouvre des perspectives plus internationales, c'est ainsi qu'elle joue dans "Cinq Femmes Marquées" (1960) de Martin Ritt et dans "La Nuit" (1961 - ci-dessus) de Michelangelo Antonioni aux côtés de Marcello Mastroïanni et Monica Vitti.
Elle revient à La Nouvelle Vague en jouant dans "Une Femme est une Femme" (1961) de Jean-Luc Godard puis dans "Jules et Jim" (1962 - ci-dessus) de François Truffaut dans lequel elle chante pour la postéirité la magnifique chanson "Le Tourbillon", une chanson écrite par Serge Rezvani (qui joue Albert) en 1957 en hommage déjà à Jeanne Moreau et qui devait à l'origine rester une chanson "privée" qui n'était chantée qu'au sein du cercle d'amis.
Elle voyage et tourne "Eva" (1962) de Jospeh Losey avant de tourner dans "Le Procès" (1962 - ci-dessus) de Orson Welles avec qui elle devient amie, le maestro dira d'elle alors qu'elle est la "meilleure actrice du monde" !
De retour en France elle est "Marie Baie des Anges" (1963 - ci-dessus) de Jacques Demy avant de retrouver son pygmalion dans "Le Feu Follet" (1963) de Louis Malle.
Elle tourne également pour son ex- Jean-Louis Richard dans le rôle titre "Mata-Hari" (1964) puis enchaine dans la superproduction internationale "Le Train" (1964 - ci-dessous) de John Frankenheimer, un film de guerre avec Michel Simon et Burt Lancaster.
Les années 60 sont parfaites avec quasiment que des grands films avec des projets ambitieux et de grands réalisateurs qui admirent entre autres l'exigence et la rigueur de l'actrice.
Elle tourne dans "Journal d'une femme de chambre" (1964 - ci-dessus) de Luis Bunuel, et reste fidèle avec "Viva Maria !" (1965 - ci-dessous) de Louis Malle où elle fait face à Brigitte Bardot, puis "Falstaff" (1966) de son ami, l'ogre Orson Welles. Elle joue dans "Mademoiselle" (1966) de Tony Richardson, ce dernier quitte son épouse, l'actrice Vanessa Redgrave (divorce en 1967) pour vivre avec Jeanne Moreau. Une histoire d'amour courte puisque c'est Jeanne Moreau qui le quitte à son tour sur le tournage de leur second film "Marin de Gibraltar" (1967).
Elle termine les années 60 avec "La Mariée était en noir" (1967) de François Truffaut et avec "Une Histoire Immortelle" (1968) de Orson Welles... Etonnament les débuts des années 70 reste plutôt calme avec des films sans grand intérêt avant son retour icônique en femme sortant de prison dans le chef d'oeuvre "Les Valseuses" (1974 - ci-dessous) de Bertrand Blier où elle joue avec le duo Gérard Depardieu et Patrick Dewaere.
Citons encore "La Race des Seigneurs" (1974 - ci-dessous) de Pierre Granier-Deferre, "Le Dernier Nabab" (1976) de Elia Kazan et surtout "Monsieur Klein" (1976) de Joseph Losey avec Alain Delon.
Après plusieurs encouragements de Orson Welles elle passe derrière la caméra pour son premier film en tant que réalisatrice avec "Lumière" (1976) qui sera suivi de "L'Adolescente" (1979) mais ça reste des échecs au box-office dont la déception explique peut-être que ses deux films soient également les derniers.
Jeanne Moreau retrouve Dewaere dans "Mille Milliards de Dollars" (1982) de Henri Verneuil, revient aussi vers les mêmes avec "La Truite" (1982) de Joseph Losey avant de jouer dans "Querelle" (1982 - ci-dessous) de Rainer Werner Fassbinder.
Si les années 80 sont marquées par un ralentissement certain, elle connait le succès au théâtre avec un Molière en prime et elle aborde enfin la comédie avec "Le Miraculé" (1987) de Jean-Pierre Mocky avec Michel Serrault et Jean Poiret.
Elle commence les années 90 dans un seconds rôles mais déterminant puisqu'elle est une des formatrices de "Nikita" (1990 - ci-dessus) de Luc Besson. Ensuite elle est la voix Off de la narratrice symbolisant en fait son amie Marguerite Duras dans le magnifique 'L'Amant" (1991) de Jean-Jacques Annaud avant de tourner "La Vieille qui marchait dans la mer" (1991 - ci-dessous) de Laurent Heynemann qui lui vaut le César 1992 de la meilleure actrice.
Toujours fidèle à elle-même elle passe des grands réalisateurs à des premiers films, tout en explorant les cultures de la France évidemment aux Etats-Unis en passant par l'Inde et la Russie. Elle joue donc dans "Jusqu'au bout du monde" (1991) de Wim Wenders, "Le Pas Suspendu de la Cigogne" (1991 - ci-dessous) de Theo Angelopoulos, "Je m'appelle Victor" (1993) de Guy Jacques dont c'est le premier long métrage.
Les années 90 sont aussi les prix d'honneurs et on pense déjà à l'"ensemble de sa carrière". C'est ainsi qu'elle reçoit un Lion d'Or en 1991 au Festival de Venise. Elle reçoit un César d'Honneur en 1995 avec ce moment inoubliable où Vanessa Paradis chante "Le Tourbillon de la Vie" devant l'assistance avant d'être bientôt accompagné par Jeanne Moreau elle-même.
Elle reçoit également un Oscar d'honneur des mains de Sharon Stone en 1998, un Ours d'Or en Festival de Berlin en 2000... En 2001 elle est la première femme à entrer à l'Académie des Beaux-Arts et enfin elle reçoit un hommage particulier au Festival de Cannes 2003. D'ailleurs Jeanne Moreau est la seule comédienne à avoir été Présidente du Jury du Festival de Cannes à deux reprises (1975 et 1995), elle a été plusieurs fois maîtresse de cérémonie également. Idem pour les Césars qu'elle a présidé en 1986 et 1988.
Si elle a commencé à tourner pour la télévision dès 1975 le rythme s'accélère fortement à partir de 2000 après avoir fait la connaissance de la réalisatrice Josée Dayan pour les téléfilms "Balzac" (1999) et "Les Misérables" (2000). La réalisatrice lui offre également un rôle à sa mesure en incarnant son amie Marguerite Duras dans "Cet amour-là" (2002 - ci-dessous).
Elle incarne Marion Cotillard âgée dans "Lisa" (2000) de Pierre Grimblat, elle joue dans "Le Temps qui reste" (2005 - ci-dessous) de François Ozon et enchaine deux films successivement avec le réalisateur Amos Gitaï pour "Désengagement" (2007) et "Plus tard tu comprendras" (2009).
Ses trois derniers films sont "Gebo et l'Ombre" (2012) de Manoel De Oliveira, "Une Estonienne à Paris" (2012) de Llmar Raag et "Le Talent de mes Amis" (2015) de Alex Lutz.
Jeanne Moreau a toujours été fidèle avec certains de ses grands réalisateurs mais elle a aussi toujours donné sa chance à des réalisateurs plus jeunes à tel point qu'après avoir été Présidente du Festival International des Jeunes Réalisateurs "Premiers Plans" de Angers en 2003 elle en devient la Marraine. Très active elle crée en parallèle une école de cinéma "Les Ateliers d'Angers".
Jeanne Moreau était également connue comme étant une grande séductrice. Outre ses deux courts mariages (Jean-Louis Richard en 1949-1951 et William Friedkin en 1977-1979 ci-dessus) elle reconnait elle-même : "J'ai séduit beaucoup d'hommes. J'ai toujours été vers les hommes qui avaient du talent. Je n'ai pas eu des amants pour avoir des amants"... Citons pêle-mêle Raoul Levy, Sacha Distel, Jean-Louis Trintignant, Marcello Mastroïanni, Pierre Cardin, François Truffaut, Louis Malle, Tony Richardson, Georges Moustaki...
Outre ses aventures amoureuses Jeanne Moreau a fondé de grandes amitiés avec Anaïs Nin, Marguerite Duras, Henry Miller, Tennessse Williams et Patricia Highsmith.
Outre le cinéma Jeanne Moreau fut aussi une chanteuse dont, évidemment la plupart écrite par Serge Rezvani sous le pseudo Cyrus Bassiak.
Jeanne Moreau est une des plus grandes stars françaises de ces 60 dernières années avec une filmographie impressionnante dont une période (1957-1967) où les titres prestigieux donnent le tourni.
Une Etoile nous a quitté pour briller encore pour le 7ème Art... Jeanne Moreau est morte aujourd'hui lundi 31 juillet 2017 à l'âge de 89 ans à son domicile rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris.