Coexister (2017) de Fabrice Eboué

par Selenie  -  12 Octobre 2017, 08:29  -  #Critiques de films

Après avoir été derrière la caméra en trio pour "Case Départ" (2011) avec Thomas Ngijol et Lionel Steketee, en duo avec "Le Crocodile du Botswanga" (2014) avec Lionel Steketee, le comique Fabrice Eboué se lance enfin seul devant et derrière la caméra avec cette comédie dont le titre est également le nom d'une association dont la vocation est de "militer pour le vivre ensemble entre les trois grandes religions monothéistes", christianisme, judaïsme et islamisme. Fabrice Eboué le sait-il ?! Il n'empêche que lui précise avoir eu l'idée du film en tombant sur Youtube sur l'histoire des Prêtres Chanteurs qui avaient cartonné en France il y a quelques années et dont un des leurs a quitté la soutane à l'issue de la tournée. Pour le comique-cinéaste c'est le déclic, pourquoi un homme d'église aurait-il quitté son sacerdoce ?! L'actualité récente ajoutant son lot d'inspiration et notamment l'envie de promouvoir le vivre ensemble, voici que les trois prêtres sont devenus l'emblème de l'association "Coexister". Ou comment un cadre producteur en crise professionnelle et personnelle fonde un groupe Boy's Band avec un prêtre "normal", un rabbin sur le retour et un faux Imam qui vont devoir évidemment faire des efforts pour que survive ce trio improbable.

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Fabrice Eboué joue le producteur, sa femme est jouée par Amelle Chabhi (4ème film dont "Le crocodile..." et issue du Djamel Comedy Club comme son partenaire). La "méchante" de l'histoire est interprétée par Mathilde Seigner, l'assistante du prod est interprétée par l'excellente Audrey Lamy tandis que le trio religieux est joué par les trublions Ramzy Bedia, Jonathan Cohen et Guillaume de Tonquédec... D'abord on salue surtout l'écriture des personnages, à l'exception peut-être de la méchante patronne, beaucoup trop caricaturale sans nuance et jouée par une Mathilde Seigner en mode robot à cash. Sinon on apprécie le personnage de l'assistante, jeune femme seule qui se perd en mode nympho pour combler sa solitude,  jouée par une Audrey Lamy aussi pétillante que touchante. Ensuite les trois religieux sont plutôt bien vus, le prêtre est le plus normalisé car, comme l'explique le réalisateur-scénariste, les prêtres plus ou moins défroqués sont légion au cinéma. Un "vrai" rabbin car le film "Les Aventures de Rabbi Jacob" (1973) de Gérard Oury est une institution et donc ici le rabbin est en dépression mais va vite se requinquer à l'insu de son plein gré tandis que c'est l'imam qui est le plus déviant car, toujours expliqué par Eboué qui considère "que, contrairement aux idées reçues, on peut rire avec les musulmans."...

On pourrait chipoter sur le fait que le milieu de la musique soit peu traitée sur le mode critique et encore moins sur le système mais ce n'est clairement pas le cheval de bataille de Fabrice Eboué dont acte. La véritable gageure du film est de faire rire des religions et surtout d'être équitable entre les trois car la diatribe serait alors facile pour l'une ou l'autre communauté. Et il faut dire franchement que Fabrice Eboué y arrive clairement, et le tout en étant réellement drôle. Certe, ce n'est pas toujours très fins mais il se joue des stéréotypes, qu'on a tous mais surtout que chacune de ces religions ont sur les deux autres. C'est bien vu et les gags font mouche pour la plupart ce qui est tout de même une jolie surprise. Dans le genre du vivre ensemble on est un peu dans "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?" (2014) de Philippe de Chauveron, mais avec des religions plutôt que la question raciale et surtout, avec des rires plus francs et plus nombreux. Outre la détente zygomatique il faut avouer également que Eboué (qui signe aussi scénario-dialogue) ose s'attaquer à des sujets tabous (pour les uns vis à vis des autres) en des répliques, gags et joutes verbales savoureuses plus ou moins marrantes et même, parfois hilarantes. Vu le peu de comédies françaises qui offrent quelques rires, ce film est une vraie aubaine même si, comme trop souvent depuis quelques années, on a droit au passage obligé du moment émotion qui plombe le rythme et nous rappelle qu'il est loin le temps où on riait de A à Z. On notera des chansons plutôt sympas et des chorégraphies qui ont le mérite d'être à la fois travaillées et marrantes. Néanmoins Fabrice Eboué a réussi son pari, c'est une vraie comédie drôle et intelligente, un vrai bon divertissement.

 

Note :              

14/20

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