Le Deuxième Souffle (1966) de Jean-Pierre Melville

par Selenie  -  19 Février 2018, 09:16  -  #Critiques de films

Entre "L'Ainé des Ferchaux" (1963) et "Le Samouraï" (1967), Jean-Pierre Melville tourne ce film en collaboration avec José Giovanni en adaptant son roman éponyme (1958), tous les deux signant le scénario. Melville est déjà le plus grand réalisateur de sa génération avec Henri-Georges Clouzot, José Giovanni commence tout juste à se faire un nom. En effet, après un passé particulièrement tumultueux (collaboration, grand banditisme...) ce dernier s'est lancé en tant que romancier s'inspirant de son passé et s'est lancé au cinéma, d'abord en tant que scénariste d'après ses propres romans comme "Le Trou" (1960) de Jacques Becker ou "Les Grandes Gueules" (1965) de Robert Enrico. D'ailleurs il retrouve pour l'occasion les acteurs Lino Ventura et Michel Constantin qui jouaient tous les deux aux côtés de Bourvil dans "Les Grandes Gueules". Aux côtés de ces deux acteurs on reconnaîtra des acteurs bien connus avec Raymond Pellegrin, Marcel Bozzufi, Paul Frankeur et surtout le succulent Paul Meurisse qui a déjà croisé Ventura dans "Marie-Octobre" (1958) de Julien Duvivier et qui se retrouveront aussi chez Melville dans le chef d'oeuvre "L'Armée des Ombres" (1969)... Le scénariste Giovanni deviendra bientôt réalisateur et ce, en retrouvant par la même occasion ses deux acteurs Ventura et Constantin, ce sera dans "Dernier Domicile Connu" (1970)...

2emesoufflemelville.jpg (300×400)

Ce roman, son second après "Le Trou", a été inspiré de faits réels mais surtout Giovanni reprend des personnalités connues et reconnues du milieu, en autres exemples Gu est en fait Gustave Méla dit "Gu le terrible", Manouche s'appelait Germaine Germain dite "Manouche", Orloff était Nicolaï Alexandre Raineroff dit "Orloff" ancien agent de la Gestapo et enfin le commissaire Blot est dû au commissaire Georges Clot chef de la cellule anti-gestapo de la Police Judiciaire à la fin de la guerre... C'est bien la force de José Giovanni, créer un univers très réaliste tous droits sortis de son passé et de ses expériences qui donne un crédit tout à fait éloquent à ses œuvres (rien à voir avec l'esbroufe et la surenchère d'un Olivier Marchal !). Son association avec le génie de Jean-Pierre Melville offre un Film Noir qui est aussi un tournant dans le style Melville qui accentue notamment une certaine lenteur et une mise en scène épurée qui mènera vers la pureté lancinante du "Samouraï".

Le film est construit en une double intrigue parallèle qui se rapproche au fil du récit avant de se recoller pour fournir un tournant décisif. La réussite du film réside aussi à cette façon d'écrire les personnages, psychologiquement intéressants qui se dévoilent tous au fil de l'histoire grâce au policier (Meurisse) qui, sous ses airs de m'en-foutisme, s'avère un éminent psychologue. Ce policier offre par ailleurs une des plus belles scènes du film dès les premières minutes où le commissaire Blot résume dans un ton mêlant ironie et cynisme une fusillade, avec en prime la performance savoureuse de Paul Meurisse. D'ailleurs si les dialogues sont moins démonstrativement truculents qu'un Michel Audiard, ils ne sont jamais superflus et sont tout aussi acérés. On apprécie aussi la part de mystère des personnages, tout n'est pas expliqué ni explicatif, souvent on reste dans le flou sur leur passé, seulement s'arrête-t-on sur des allusions. En prime un Lino Ventura dans un de ses rares rôles de "vrai" salaud. Ce grand film a connu un remake fadasse en 2007 signé Alain Corneau, ne vous y attardez pas, voyez ou revoyez ce grand film signé Melville.

 

Note :                  

 

18/20

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :