Les Promesses de l'Aube (2017) de Eric Barbier.
Adapté du roman éponyme et autobiographique (1960) de Romain Gary, ce film est la seconde adaptation sur grand écran après celle de 1970 signée Jules Dassin. Cette fois le projet tenait à cœur au producteur Eric Jehelmann dont c'est le livre de chevet et, après 10 ans, a pu obtenir les droits du livre. C'est après que fut choisi le réalisateur-scénariste Eric Barbier, réalisateur maudit du pourtant très bon "Le Barbier" (1990), reconverti alors et depuis dans des polars sans envergure comme "Le Serpent" (2006) et "Le Dernier Diamant" (2014), le cinéaste semble cette fois emprunt d'un retour à l'ambition et à l'audace. Il co-signe le scénario avec Marie Eynard avec qui il a travaillé sur ses deux précédents films. Dans le rôle principal de Romain Gary adulte c'est Pierre Niney qui est choisi, tandis que sa mère est incarnée par Charlotte Gainsbourg. A leurs côtés divers personnages secondaires joués par des acteurs aussi différents que Didier Bourdon, Jean-Pierre Darroussin, Catherine McCormack et Finnegan Oldfield...
Romain Gary a eu une vie exceptionnellement riche et dense qu'il a sans doute façonnée pour sa légende, certaines parties de sa vie ainsi racontées dans son roman "La Promesse de l'Aube" ont été romancées ou, du moins, semblent sujettes à caution avec quelques moments où les sources divergent. Il n'en demeure pas moins que pour la postérité ce livre reste un témoignage autobiographique saisissant et particulièrement romanesque. S'il fallait excuser les libertés prises on pourrait se remémorer la célèbre réplique du chef d'oeuvre "L'Homme qui tua Liberty Valance" (1962) de John Ford : "Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende."... Pour l'adaptation, Eric Barbier et Marie Eynard ont eu une seule inspiration en tête, à savoir "Little Big Man" (1970) de Arthur Penn pour sa construction narrative et ce destin extraordinaire. Si l'ironie, l'extravagance et la satire n'y sont pas, ce film-ci n'est pourtant pas dénué de tendresse et d'un certain humour, d'abord par la folie douce de la mère, mais on sera surtout marqué par la séquence du moustique et de dégustation d'escargots. On suit donc le destin inouï du jeune Romain Gary à partir de 1924 à Wilno en Pologne à 1944 lors de la libération de la France. 20 ans d'une jeunesse qui va définitivement sceller son avenir, d'une jeunesse pendant laquelle sa mère va être d'un amour et d'une possessivité uniques et exclusifs, celle-ci voyant un destin qui l'est tout autant pour son fils.
La mère est merveilleusement incarnée par Charlotte Gainsbourg, vieillie et presque habitée (voire tête à claque et agaçante) par l'amour inconditionnel que Nina Kacew porte à son fils. Le jeune Romain est interprété par deux jeunes acteurs pour la partie entre 8 et 16 ans, avant d'être incarné par Pierre Niney. Ce dernier a un visage qui est plutôt similaire au romancier-homme politique mais il manque un peu de "masse" pour être complètement raccord ; un détail on en conviendra. On salue le magnifique travail de reconstitution, et notamment les effets spéciaux lors des séquences aériennes de combat, ce qui est assez rare pour une production française (malheureusement). Par contre, Eric Barbier aurait sans doute du moins appuyer sur les "clichés géographiques" allant de la pauvreté enneigée de Pologne au soleil éclatant de la Méditerranée. Un détail également sans doute. Néanmoins ça reste certainement un des plus beaux films sur l'amour entre une mère et son fils. Et on savourera les magnifiques scènes où Gary est cité, outre "C'est fini" et "J'ai vécu" qui ouvrent et terminent l'œuvre, on sera ému et touché par la dernière citation de Gary/Niney dont le sublime : "Avec l'amour maternel, la vie vous fait, à l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais..."...
Note :