Eva (2018) de Benoit Jacquot.

"Eva", un titre répandu dans le cinéma dont le récent "Eva" (2012) de Kike Maillo avec Daniel Brühl, mais surtout, ce nouveau film de Benoit Jacquot est une nouvelle adaptation du roman "Eve" (1945) de James Hadley Chase qui a déjà été porté sur grand écran avec le film "Eva" (1962) de Joseph Losey avec Jeanne Moreau. Pour cette adaptation, le cinéaste retrouve son scénariste de "Les Adieux à la Reine" (2012), Gilles Taurand, scénariste expérimenté fidèle de André Téchiné et récemment auteur de "Masaan" (2015) de Neeraj Ghaywan et "Réparer les Vivants" (2016) de Katell Quillévéré. Il ne s'agit donc pas d'un remake du film de Losey, ce dernier étant un peu plus fidèle au roman que le film de Jacquot qui prend plusieurs libertés comme le prologue et la transposition de Venise à Annecy (?!). Pour le casting, Jacquot joue la sécurité avec dans le rôle titre madame Isabelle Huppert qu'il retrouve ainsi pour la 6ème fois depuis "Les Ailes de la Colombe" (1990).

Pour le rôle principal masculin c'est Gaspard Ulliel qui est choisi. Si c'est sa première expérience avec le réalisateur, il retrouve Huppert après "Un Barrage contre le Pacifique" (2009) de Rithy Panh passant de fils à amant entre temps. Dans les seconds rôles, outre Richard Berry et Marc Barbé, on note le retour de la comédienne Julia Roy, encore très méconnue elle a pourtant joué et collaboré au scénario du film "A Jamais" (2016) de Benoit Jacquot... On suit donc un jeune homme qui trouve le moyen d'éditer un livre qu'il n'a pas écrit, dans l'attente d'une seconde oeuvre il croit trouver une inspiration en la personne de Eva, escort girl... L'appropriation plus ou moins malhonnête d'un manuscrit est un sujet couru au cinéma, on peut citer les récents "Un Homme Idéal" (2015) de Yann Gozlan, "D'Après une Histoire Vraie" (2017) de Roman Polanski ou encore "Les Yeux Jaunes des Crocodiles" (2014) de Cécile Teleman. Avec une Eva froide et déterminée jouée par Isabelle Huppert, on peut également penser à un parallèle avec "Elle" (2016) de Paul Verhoeven. Un thriller psychologique où le jeu de manipulation entre un jeune arriviste et une femme prostituée. Niveau climax on est bel et bien dans le thriller psy, un rythme lancinant dans un style littéraire sous-jacent qu'on ressent bien. Un jeu de faux- semblants et du chat et de la souris avec un côté arroseur arrosé qu'on attend avec délectation, surtout après le speech de Bertrand (Ulliel) à son éditeur (Berry).

Mais on va être vite déçu puisque dans les 30 dernières tout part à vau-l'eau. Le récit part dans tous les sens, sans logique ni cohérence, accélérant les rebondissements (si ça en est ?!!) et les sursauts sans queues ni têtes. On ne comprend rien de rien au final, où de nouvelles questions arrivent sans qu'on ait les réponses tout en omettant de répondre aux premières. Le passé de Bertrand aurait dû ou pu refaire surface mais non, la mort d'un protagoniste devrait apporter question-réponse mais non, le jeu annoncé dans le speech du projet de pièce aurait dû être un fil conducteur mais non... Rarement on aura eu un dernier tiers aussi brouillon, qui gâche une histoire au potentiel certain. Benoit Jacquot aura sans doute signé ici un de ses films les plus maladroits et inaboutis malgré une première heure prometteuse. Dommage...

Note :