Mort de l'actrice Stéphane Audran.
Triste journée qui débute avec l'annonce de la mort de l'actrice Stéphane Audran ce 27 mars à l'âge de 85 ans.
Née en 1932 à Versailles, Colette Suzanne Dacheville perd son père alors qu'elle n'a que 6 ans. Sans affirmer une cause à effet, la petite Colette a une santé fragile toute sa jeunesse et doit subir également l'angoisse de sa mère obsédée par la santé de sa fille, d'autant plus qu'elle a perdu un premier enfant en bas âge. Très tôt la jeune fille s'intéresse à la comédie et rêve de devenir actrice mais sa mère n'approuve pas ce choix. Malgré tout, après avoir étudié au lycée Lamartine à Paris, elle suit des cours d'Art Dramatique dont ceux de Charles Dullin durant lesquels elle rencontre Jean-Louis Trintignant, mais aussi Delphine Seyrig, Michael Lonsdale et Laurent Terzieff.
Elle épouse Jean-Louis Trintignant en 1954 et débute une carrière sur les planches avec une première pièce de théâtre en 1955. Mais, à contrario de ses anciens camarades de classe, elle ne connait le succès sur scène. Elle tourne dans un court métrage, Le Jeu de la Nuit" (1957) de Daniel Costelle avant d'apparaitre dans "La Bonne Tisane" (1958) de Hervé Bromberger et "Montparnasse 19" (1958) de Jacques Becker pour lequel elle n'est même pas créditée.
Après avoir vu "Le Beau Serge" (1958) de Claude Chabrol, Colette Dacheville désire tourner pour le réalisateur de la Nouvelle Vague et demande à l'acteur Gérard Blain de la présenter. Chabrol lui offre alors un petit rôle dans "Les Cousins" (1959) où le réalisateur égratigne déjà la bourgeoisie. Peu de temps après Chabrol et son actrice (ci-dessus) entament une relation amoureuse.
C'est le début d'une grande histoire d'amour et aussi une grande collaboration de plus de 30 films !... Elle enchaîne ainsi avec un rôle plus important dans "Les Bonnes Femmes" (1960 - ci-dessus) de Claude Chabrol où elle a pour partenaire Bernadette Lafont.
Dans les années 60 elle ne tourne que pour Chabrol à l'exception de deux films. Elle est ainsi une des maîtresses de "Landru" (1962), une bourgeoise lesbienne dans "Les Biches" (1968 - ci-dessus), elle est "La Femme Infidèle" (1968 - ci-dessous) et une institutrice amoureuse de Jean Yanne dans "Le Boucher" (1970).
Entre temps elle quitte Jean-Louis Trintignant en 1959 (officiellement, mais Trintignant était lui-même amoureux de Bardot depuis "Et Dieu créa la femme" en 1956 de Roger Vadim) et épouse Claude Chabrol en 1964. Le couple a eu un fils, Thomas en 1963.
Les années 70 seront un peu plus diversifiées, l'actrice maintenant connue comme Stephane Audran tourne toujours autant pour Claude Chabrol mais on la voit de plus en plus tourner pour d'autres réalisateurs.
C'est ainsi qu'elle tourne pour des réalisateurs étrangers de prestige avec des films comme "La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil" (1970) de Anatole Litvak, "Le Charme discret de la Bourgeoisie" (1972 - ci-dessus) de Luis Bunuel et "Un Pigeon mort dans Beethoven Street" (1973) de Samuel Fuller.
Elle tourne chez d'autres français également, "Sans Mobile Apparent" (1971) de Philippe Labro, "Vincent, François, Paul et les autres" (1974) de Claude Sautet et "Mort d'un Pourri" (1977) de Georges Lautner.
Mais sa carrière reste marquée par son travail avec son époux Claude Chabrol pour qui elle est presque de tous ses films. Elle joue notamment dans "La Rupture" (1970), "Les Noces Rouges" (1973), "Folles Bourgeoises" (1976 - ci-dessus avec Bruce Dern) et surtout "Violette Nozière" (1978) où elle est la mère de Isabelle Huppert (qui deviendra aussi une muse pour le réalisateur), rôle pour lequel elle obtient le César du Meilleur second rôle féminin.
"Violette Nozière" est le dernier film avec Chabrol avant leur divorce en 1980 (Chabrol ayant entamé une relation avec sa script Aurore Pajot). Dès lors, la carrière de l'actrice prend un virage certain. Moins de rôles principaux vont suivre, mais elle va aussi un peu plus étoffer sa palette de jeu notamment en osant jouer des femmes odieuses et/ou vulgaires. A partir de 1980 elle va jouer régulièrement pour la télévision.
Elle débute la décennie avec "Au-Delà de la Gloire" (1980) et "Les Voleurs de la Nuit" (1984) tous deux de Samuel Fuller. Elle tourne dans "Coup de Torchon" (1981 - ci-dessus) de Bertrand Tavernier, "Mortelle Randonnée" (1983) de Claude Miller avant de retrouver son pygmalion dans "Le Sang des autres" (1984) et "Poulet au Vinaigre" (1985) tous deux de Claude Chabrol.
Alors que sa carrière s'essouffle, elle obtient le rôle principal dans le film "Le Festin de Babette" (1987 - ci-dessous) de Gabriel Axel où elle est une française exilée au Danemark. C'est un succès inattendu avec l'Oscar du Meilleur film étranger en prime.
Pour la fin des années 80 on peut citer "Les Saisons du Plaisir" (1988) de Jean-Pierre Mocky et "Les Prédateurs de la Nuit" (1988) de Jesus Franco. Malgré tout sa carrière décline et oscille entre quelques derniers Chabrol et quelques comédies qui la cantonnent irrémédiablement au second plan.
Elle joue dans "Jours Tranquilles à Clichy" (1990) et "Betty" (1992 - ci-dessous) tous deux de Claude Chabrol, le second avec Marie Trintignant. Elle apparait dans des comédies avec "Arlette" (1997) de Claude Zidi et "Belle Maman" (1999) de Gabriel Aghion pour lequel elle retrouve son amie Catherine Deneuve. Elle apparait même dans le film d'action "Risque maximum" (1997) de Ringo Lam avec Jean-Claude Van Damne.
Une évolution de carrière qui va de mal en pis avec les comédies "J'ai faim !!!" (2001) de Florence Quentin et le navrant "Ma Femme s'appelle Maurice" (2002) de Jean-Marie Poiré.
Ses deux derniers films sont (logiquement) "L'Ivresse du pouvoir" (2006) de Claude Chabrol avec Isabelle Huppert suivi de "La Fille de Monaco" (2008) de Anne Fontaine.
Dans les années 80, Stéphane Audran a commencé à souffrir de troubles psycho-somatiques qui l'ont poussée à se soigner via des moyens alternatifs comme la médecine chinoise. Ces problèmes de santé se sont particulièrement aggravés il y a une dizaine d'années.
Stéphane Audran, malgré plusieurs films étrangers et surtout américains, dont même un rôle dans le feuilleton "L'Amour en Héritage" (1984) n'arrivera pas à percer outre-Atlantique où son jeu est trouvé "trop froid" pour le public américain.
En effet, Stéphane Audran est à l'image qu'en a façonné Claude Chabrol, une bourgeoise à la fois froide et détachée, élégante et réservée. Elle avouera plus tard qu'elle doit sa carrière à Claude Chabrol. En effet, sa carrière c'est tout de même 83 films dont 32 sous la houlette de Claude Chabrol ! Et pour la grande majorité, ses rôles principaux sont chez Chabrol. Stéphane Audran est à Chabrol ce que les "blondes sophistiquées" étaient pour Hitchcock.
Stéphane Audran est morte aujourd'hui mardi 27 mars 2018 à l'âge de 85 ans, nul doute qu'elle est partie rejoindre Chabrol...