Paranoïa (2018) de Steven Soderbergh

par Selenie  -  12 Juillet 2018, 17:16  -  #Critiques de films

Comme toujours multipliant les expériences, passant du commercial au plus expérimental, le réalisateur de "Traffic" (2000), "Ocean's Eleven" (2001), "Girlfriend Experience" (2009) et "Logan Lucky" (2017) secoue son monde et innove une nouvelle fois. Ainsi, Steven Soderbergh signe un thriller psychologique dont le speech se résume à : une jeune femme qui est convaincue d'être harcelée se retrouve internée contre son gré en hôpital psychiatrique. Elle tente de convaincre tout le monde qu'elle n'est pas folle... A ne pas confondre ce film avec l'éponyme "Paranoïa" (2013) de Robert Luketic. Mais outre son histoire la gageure reste dans la mise en scène puisque Soderbergh a tourné son film avec un simple smartphone, à savoir un Iphone S7 Plus qu'il a optimisé avec l'application FiLMiC Pro pour un tournage express de 10 jours avec un budget riquiqui de seulement 1,2 millions de dollars. A la base le scénario est signé du duo James Greer et Jonathan Bernstein, déjà auteur des scénarios de comédies comme "Lucky Girl" (2006) de Donald Petrie et "Les Appâts du Gain" (2012) de C.B. Harding, ils ont proposé à Soderbergh de changer de registre ce que ce dernier à accepter à condition que ce soit un thriller à petit budget tournable sur un été.

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Pour le casting le choix se porta sur une dominante féminine emmenée par l'héroïne incarnée par Claire Foy vue dans "The Lady in the Van" (2016) de Nicholas Hytner mais révélée réellement par la série TV "The Crown" (2016-...) et future nouvelle Lisbeth Salander dans "Millenium : ce qui ne me tue pas" (2018) de Fede Alvarez. A ses côtés on reconnaitra Amy Irving déjà présente dans "Traffic" et qui a débuté dans des films où la psychologie avait déjà son importance comme dans "Carrie au bal du Diable" (1976) et "Furie" (1978) tous deux de Brian De Palma, puis enfin la charmante Juno Temple déjà vue remarquée dans des films aussi divers que "Cracks" (2009) de Jordan Scott, "Kaboom" (2010) de Gregg Araki, "Killer Joe" (2011) de William friedkin et "Wonder Wheel" (2018) de Woody Allen... Au vu de l'univers où se déroule l'histoire le duo de scénariste et Soderbergh ne cache pas leurs références en premier lieu desquelles ils citent les films "Shok Corridor" (1963) de Samuel Fuller et "Vol au-dessus d'un nid de Coucou" (1975) de Milos Forman, mais aussi "Répulsion" (1965) et "Rosemary's Baby" (1968) tous deux de Roman Polanski. On citera de notre côté "Birdy" (1985) de Alan Parker et les plus récents "Une Vie Volée" (2000) de James Mangold et surtout "Shutter Island" (2010) de Martin Scorcese... En quasi huis clos, le climax est particulièrement travaillé avec une atmosphère anxiogène, quasi irrespirable, malsain et dérangeant.

Le film a été tourné dans un hôpital désaffecté qui a récemment été fermé, aux couleurs chaudes mais fades, qui accentue le malaise. Un décor aussi minimaliste que minutieux qui prend une ampleur terrifiante avec sa cellule capitonnée dite "pièce bleue". Mais la seule question qui nous est posé et celle qui doit nous tarauder reste : est-ce que la jeune femme est victime d'un système et/ou d'un harceleur ou est-elle tout simplement une schizophrène qui a besoin de soin ?!... Malheureusement ce suspense tant annoncé n'est jamais assuré ni assumé. En effet, la réponse nous est donné bien avant la moitié du film pour devenir un thriller certe efficace mais classique. La dimension psychologique est soudain arasée pour un scénario qui se métamorphose en un thriller finalement assez convenu dans le fond. Heureusement il nous reste la forme, et Steven Soderbergh l'a indéniablement encore. Il joue avec nos nerfs en instillant un climax aussi claustrophobe que effrayant, "Vol au-dessus d'un nid de coucou" sans l'humour et sans humanité puisque l'héroïne même reste assez antipathique. Le cinéaste impose son style au smartphone en optimisant au maximum les possibilités de l'outil, c'est impressionnant de maitrise et de créativité. Dommage que la schizophrénie ne soit pas traitée à fond, on tenait un chef d'oeuvre... Un très bon film, prenant et terrifiant dans ce qu'il soumet comme idées sur l'internement.

 

Note :               

14/20

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S
Pas mal pour la forme, comme quoi le talent de réalisation ne dépend pas du genre de caméra et on peut comprendre que le rendu de l'image ajoute de l'épaisseur trouble à l'ambiance générale du lieu. <br /> Pour le fond, j'aurais aimé autant de témérité, malheureusement on devine assez vite qu'on on va vers du mastoc plutôt que de la singularité. À voir quand même.
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