Le Testament Caché (2016) de Jim Sheridan
Adapté du roman éponyme (2008) de Sebastian Barry on comprend que le réalisateur irlandais dont la filmographie est fortement inspiré de l'Histoire de son pays ait été tout aussi inspiré par le roman de son compatriote dont les sujets de prédilection sont la mémoire de l'Irlande et les secrets de famille... Pour ce film, le réalisateur-scénariste-producteur a collaboré avec le scénariste Johnny Ferguson auquel ont doit le scénario du très bon "Gangster n°1" (2001) de Paul McGuigan et, plus surprenant, avec le producteur Noel Pearson qu'il retrouve longtemps après leur début avec "My Left Foot" (1989) et "The Field" (1991)... Précisons que Sheridan à co-produit tous ses films mais qu'il avait jusqu'ici signé les scénarios de ses meilleurs films tels que ses chefs d'oeuvres "Au Nom du Père" (1993) et "The Boxer" (1997) excusant ainsi un peu ses plus mauvais que sont "Réussir ou Mourir" (2006) et "Dream House" (2011)... "Le Testament Caché" est une production 2016 pour une présentation cette même année au Festival de Toronto, il est sorti en salles en 2017 au Royaume-Uni mais il a fallu attendre une simple sortie VOD en 2018 pour la France et ce, malgré un grand réalisateur aux commandes et un casting prestigieux... C'est l'histoire de Roseanne McNully, centenaire internée depuis 1942. Pour un dernier examen psychiatrique elle raconte son histoire ; elle était une jeune irlandaise protestante dans un pays catholique alors que la Seconde Guerre Mondiale éclate. Alors qu'elle trouble les hommes de son village et surtout le prêtre elle tombe amoureuse d'un aviateur parti combattre dans l'armée britannique...
La construction du film se fait via des flash-backs d'où le choix d'avoir deux actrices pour incarnée Roseanne âgée et jeune. L'héroïne âgée est incarnée par Vanessa Redgrave issue d'une grande dynastie d'acteurs britanniques vue de "Blow Up" (1967) de Michelangelo Antonioni à "Anonymous" (2012) de Roland Emmerich en passant par "Les Diables" (1971) de Ken Russell et "Retour à Howard Ends" (1992) de James Ivory. Roseanne jeune est incarnée par Rooney Mara qu'on a vu récemment avec son conjoint Joaquin Phoenix dans "Marie Madeleine" (2018) de Garth Davis et "Don't Worry, He Won't Get Far on Foot" (2018) de Gus Van Sant. Le prêtre est interprété par Theo James sorti de la franchise "Divergente" (2014-2016), l'aviateur est joué par Jack Reynor vu récemment dans "Kin : le Commencement" (2018) des frères Baker et enfin le psychiatre est joué par Eric Bana dont la carrière décline doucement avec un second rôle dernièrement dans "Le Roi Arthur : la légende d'Excalibur" (2017) de Guy Ritchie... La première force du film est de montrer les terribles forces en présence dans une Irlande des années 30-40 en proie aux haines ancestrales, catholiques contre protestants, Irlande contre Angleterre tandis que la guerre touche le monde à l'exception, semble-t-il, de l'Irlande. Un poids religieux terrifiant qui fait écho à d'autres films dont le magnifique "The Magdelene Sisters" (2003) de Peter Mullan. En fait, le film se focalise trop sur la mémoire de Roseanne, sur ce qui est vrai ou pas dans son "délire" alors même qu'on se doute déjà de la fin. Au lieu d'appuyé sur un suspense de toute façon inexistant et, de toute façon mal assumé puisque le dénouement est dévoilé largement avant la fin, on aurait aimé un travail plus approfondi sur le contexte historico-social de l'Irlande des années 1939-1942.
Entre autres les liens catholiques/protestants, Irlande/Angleterre, va-t-en guerre ou pas... etc... ne sont jamais approfondis ou explorés. Le triangle amoureux est tout aussi peu étoffé. Le prêtre semble investi d'un pouvoir énorme mais dans un même temps un simple ouvrier peut lui casser la gueule tandis qu'il tient plus du psychopathe que du curé tourmenté. La passion amoureuse est bien fade également, l'aviateur est peu présent autant sur le fond que dans la forme. Les liens entre les différents paramètres historiques, personnels et sociaux sont trop flous pour convaincre et, dans le même temps, le scénario est si prévisible que l'ennui guette. De plus, à y regarder de plus près il y a même un soucis de cohérence chronologique : Roseanne est centenaire ou presque, une naissance en 1942 ce qui fait que l'enfant s'il est né devrait avoir plus de 70 ans... On peut aussi rester perplexe devant le dénouement et la révélation, c'est tout de même lourd et poussif car comment croire à un tel coup du sort ?! Heureusement les acteurs eux y croient et offrent tous une performance juste et touchante, les décors sont soignés et surtout la tragédie effroyable qui nous est conté ne peut que nous foudroyer d'émotion. En conclusion, Un mélo historico-romanesque au potentiel aussi émouvant que passionnant mais qui, malheureusement, est semé de maladresses qui rendent le film lourd, brouillon et plombé par un pathos beaucoup trop caricatural. Rarement Jim Sheridan aura été aussi peu inspiré finalement...
Note :