Borsalino (1970) de Jacques Deray

par Selenie  -  20 Mai 2019, 09:31  -  #Critiques de films

L'idée de ce film vient de la star Alain Delon qui venait de lire "Bandits à Marseille" (1959) de Eugène Saccomano (qui deviendra journaliste sportif !) qui retrace notamment l'histoire vraie de Paul Carbone et François Spirito, premier vrai Parrain de la mafia marseillaise et précurseur de ce qui deviendra la célèbre French Connection... Alors qu'il est en train de tourner "La Piscine" (1968) de Jacques Deray il propose le projet au réalisateur, tandis que l'acteur serait également le producteur. Il imagine tout de suite un duo avec Jean-Paul Belmondo, les deux plus grandes stars françaises pour un duo qui ne doit évidemment pas être trop bancal. Le scénario est écrit à plusieurs mains, outre Jacques Deray les scénaristes sont Jean Cau auteur de "La Curée" (1966) de Roger Vadim, Claude Sautet qui avait signé "Classes Tous Risques" (1960) avec Belmondo, et Jean-Claude Carrière déjà sur "La Piscine"... Le duo Delon-Bébel ainsi constitué permet à Deray de retrouver ses acteurs ; Bébel tournera pas moins de 4 films avec le cinéaste de "Par un beau Matin d'Eté" (1965) à "Le Solitaire" (1987), tandis qu'il tournera 9 films avec Alain Delon de "La Piscine" (1969) à "L'Ours en Peluche" (1993). Les deux stars ont déjà joué ensemble mais très brièvement ou sans se croiser réellement, dans "Sois belle et Tais-toi" (1957) de Yves Allégret et "Paris Brûle-t-il ?" (1966) de René Clément.

Les deux monstres sacrés auront entre autres partenaires Julien Guiomar (2ème des 5 avec Bébel) et Michel Bouquet qui retrouve Bébel après "La Sirène du Mississippi" (1969) de François Truffaut et qui retrouvera Delon dans "Deux Hommes dans la Ville" (1973) de José Giovanni... Le tournage est à peine commencé que le milieu marseillais fait pression, notamment et surtout parce que le scénario évoque la collaboration du milieu avec l'occupant allemand lors de 39-45. Tant bien que mal le tournage débute et, alors que le budget est en dollars suite à la co-production de Paramount, Delon doit laisser les droits du film au studio en échange d'une rallonge budgétaire ! On voit les choses en grands, allant jusqu'à transformer des rues entières pour reconstituer le Marseille des années 30. Le tournage est tendu, et non pas pour un soit disant conflit d'égo entre les deux stars ; au contraire ils se sont très bien entendus. Le soucis vient du désaccord entre Deray et Yvan Chiffre, cascadeur et chorégraphe pour les scènes d'action. En effet, la scène de la rencontre entre les deux héros qui est suivie d'une bagarre amène une grosse engueulade entre les deux hommes, jusqu'à ce que Delon et Bébel pousse Deray à retourner la scène selon les choix de Chiffre... Ce dernier trouvant que le premier essai "sonne faux", la séquence définitive n'est pourtant pas une vraie réussite ! Elle est trop caricaturale, trop à l'égalité car il ne faut pas favoriser une star vis à vis de l'autre, trop démonstrative.

Cette scène est symptomatique du reste du film. Un film qui n'est rien d'autres qu'une magnifique vitrine où les deux stars font montre d'une sublime élégance alors qu'ils sont tous les deux au sommet de leur art et de leur beauté. La reconstitution d'époque est clinquante mais manque de chair, il y a trop peu de décors et ça manque de souffle. Mais le vrai soucis réside dans le fait que les deux stars s'auto-caricaturent, friment tout simplement, posant presque façon magazine de mode. Le cinéaste derrière n'est assurément pas le patron et signe un film auto-promotionnel. D'autant plus dommage que le potentiel est là, digne des grands films mafieux de l'Âge d'Or hollywoodien et qui annonce les grands films des seventies à venir. Malheureusement l'histoire n'est qu'un prétexte, le fond superficiel n'a d'égal que la forme pompeuse de l'ensemble. Et pourtant, le film est un succès avec plus de 4,7 millions d'entrées France ; merci aux deux stars bankables !... Mais aussi merci à la promo inattendue apportée par un conflit juridique entre Bébel et Delon (après le tournage donc) pour un soucis de formulation contractuelle sur l'affiche du film. Si la presse en fera ses choux gras les deux hommes resteront amis et se retrouveront pour "Une Chance sur Deux" (1998) de Patrice Leconte. 

 

Note :                  

   

09/20

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